Walter Limache vient de Bolivie où il travaille pour le programme Nina qui forme de futurs leaders politiques d'origine indigène et/ou paysan. Il nous fait part dans cette interview de son regard sur la gouvernance actuelle.
"La pluralité et la pluri-nationalité sont des facteurs déterminants dans le processus de construction du politique et des prises de décisions que ce soit au niveau local, régional, national ou international. Il n'est plus possible de continuer à bloquer la parole des pays du Sud au nom de la démocratie ou de trop grandes différences.
Les représentants gouvernementaux doivent demander à ce que les organisations internationales incorporent les pays du Sud au sein des instances de proposition, de formulation des besoins et des prises de décisions. Les sociétés du Sud sont entrain de vivre de grands mouvements d'éveil politique et d'apprentissage de la démocratie. La société civile a réussi à prendre davantage conscience de l'importance de la revendication de ses droits, ce qui renforce sa propre capacité de mobilisation et d'organisation. Les tâches qu'ils nous restent à accomplir, nous sociétés civiles, sont aujourd'hui nombreuses et au premier titre la clarification des agendas qui doivent reconnaitre l'accomplissement de ces mouvements démocratiques et appuyer l'inscription de nouveaux droits dans les constitutions des pays du Sud (liberté de parole, générer des espaces de réflexion, de critique, participation...)
Le bien commun et l'intérêt de tous ne peuvent être pensés qu'en collectivité en acceptant la capacité interne de gestion et la souveraineté des pays du Sud. La vision que beaucoup de gens ont sur les sociétés du Sud doit changer, ce n'est que par cette transformation que le monde sera plus juste pour tous et que nous éliminerons les inégalités.
Faciliter le développement des sociétés du Sud c'est d'abord dire "non" au pillage des multinationales occidentales qui servent de grands intérêts financiers, les pays du Sud ont été mis à sac par les pays les plus riches. Ces profits portent atteinte aujourd'hui aux droits les plus basiques des populations et nos États ont du mal à assurer leurs fonctions : accès à l'éducation, à la santé, au travail, à l'eau potable...La construction d'un monde de paix et de justice doit passer par l'auto détermination des populations elles-mêmes. Pourquoi ne pourrions nous pas choisir comment nous développer, comment sortir de la pauvreté ? Ne connaissons nous pas notre réalité, les causes de cette misère ?
Il est temps de dire "non" aux politiques économiques qui sont décidées en fonction des pays riches qui privent les sociétés de leur autonomie et de leur indépendance. Nous ne voulons plus être des exclus, nous voulons participer à ce monde, à l'avenir de cette planète. Nous demandons des politiques d'appuis, de coopération non pas que l'on nous dicte nos lois !
Nous devons assumer que les grands défis se relèvent d'une manière collective à l'image de cette ascension que nous effectuons. Il est certes difficile de travailler ensemble, chacun portant des projets différents mais le partage d'expériences, les apports de chacun et les expériences du passé devraient nous guider. Il faut arrêter de penser à satisfaire nos besoins, c'est l'avenir de notre monde qui en jeu.
Je sais qu'il est possible de conjuguer des valeurs profondément humaines pour construire un monde plus équitable. Il y a des brèches, des inégalités entre le Nord et le Sud mais je vois aussi une volonté de changement, une volonté venant d'hommes et de femmes de la société civile. Ces personnes doivent être entendus. Nos décideurs ont la responsabilité d'entendre la voix de tous. A nous la parole, maintenant !"
Walter Limache, UNITAS partenaire du CCFD-Terre Solidaire