Par Denis (Chargé de mission Rhône-Alpes),

Serapaz (Service pour la paix) est un organisme mexicain fondé par Dom Samuel Ruiz, évêque du Chiapas aujourd’hui décédé. Il agit dans la régulation des conflits présents sur les territoires mexicains en permettant aux populations locales (paysans, indigènes…) de décrypter le jeu d’acteurs, les enjeux et intérêts de chacune des parties en présence, d’intégrer le cadre juridique mexicain à leur lutte. Par cet accompagnement, Serapaz renforce la capacité des communautés locales à défendre leurs propres intérêts et visions du développement face au bulldozer des puissances économiques et politiques.
Lors de l’immersion au Mexique-Guatemala, nous avons eu l’occasion de nouer des relations privilégiées avec les responsables de cette organisation. Côté « français », nous avons pu constater la pertinence de l’action menée par Serapaz et la richesse de l’échange avec ses acteurs. Pour Serapaz, il y a un véritable intérêt à nouer des relations approfondies avec la société civile européenne : d’abord pour alerter l’opinion publique sur la violence présente au Mexique et le déni de droit dans ce pays, puis pour favoriser des échanges de pratiques. Ils croient en la nécessité d’envisager les expériences locales ici ou là dans une perspective et une appréhension globales.
Trois responsables de Serapaz avaient prévu, en novembre, une visite en Europe dans le cadre de la coopération internationale allemande. C’est donc tout naturellement que, d’un commun accord, nous avons organisé un week-end d’échanges sur la région lyonnaise. Au programme : échanges avec les immergés quelques mois après notre retour, échanges en vu des immersions locales (Serapaz y participera) et enfin intervention de David, directeur de cette organisation à la faculté de sciences politiques de Lyon. Des échanges d’une grande richesse qui en annoncent d’autres tout aussi stimulants. En tout cas, c’est la volonté partagée à la suite de ce week-end ! A titre d’illustration, nous leur avons présenté succinctement les difficultés d’accès au foncier et ses conséquences néfastes sur le logement, l’installation agricole de jeunes, les temps de déplacements domicile-travail et la vie des employés. Nous les avons questionnés sur les alternatives développées au Mexique pour couper court aux spéculations foncières ou problèmes similaires. Plus qu’une réponse sous forme de recette ou d’alternative, ils nous ont fait part d’un questionnement sur la base de leurs expériences mexicaines : pour aborder cette question, ne serait-il pas nécessaire d’envisager le rapport intime que nous avons tous à la propriété? Certaines personnes ont un rapport charnel à leurs propriétés, celles transmises par leurs ancêtres, sur lesquelles des générations ont œuvré, avec donc une forte dimension symbolique. Pour d’autres, la propriété collective est la seule solution pour couper court à la spéculation foncière et au pillage des ressources du territoire. Dans les deux cas, il y a des logiques de vie, certes contradictoires, mais à intégrer dans nos réflexions, à comprendre sans jugement… Au Mexique, dans une communauté locale confrontée à un conflit lié à la terre, si on envisage cette problématique sans aborder ces logiques de vie, on s’expose soit à l’inefficacité (comme toute action résultant d’un diagnostic incomplet), soit, pire, nous prenons le risque de crispations irrémédiables voire de violences. Leur approche de la question est mexicaine et leur connaissance de nos propres enjeux fonciers est faible, pour ne pas dire inexistante. Et pourtant, quelle pertinence !

L’échange avec les partenaires ne nous donnera certainement pas de recettes, mais il y a fort à parier qu’ils nous permettront d’envisager les questions qui se posent dans nos contrées, d’une manière nouvelle. En tous cas, cette rencontre avec Serapaz nous en a donné la conviction !