De Mathilde
6 avril
C’est le matintintintintin, les p’tits oiseaux zozozozo, et le réveil veilveilveil… Mathilde, me crie Marie-Ange, tu as exactement dix minutes avant que nous partions. Jetée dans la douche, puis dans le car, deux bananes à la main, je me prépare avec joie à une journée de rencontre. Mes capacités en espagnol baissent singulièrement lorsque je suis fatiguée.
Le premier arrêt, au milieu des dédales de pistes rouges, est chez Don Marcello. C’est toute une figure. Bavard jusqu’à l’emphase, il fait figure d’homme entreprenant ici. Il est campesino mais a conscience de l’importance de transformer ses produits. Ainsi, il fait aussi des jus et vend du miel. Son discours aussi est un peu iconoclaste. Il nous parle d’abord de ses valeurs, d’un ton quelque peu paternaliste. Ses enfants ? Jamais ils ne traînent dans la rue, ni ne boivent ni ne fument. Il veut que chacun puisse faire des études et qu’ils soient vertueux et travailleurs. Dans un pays où les enfants sont parfois un peu livrés à eux-mêmes, sa rigueur tranche. Tenir en ordre sa maison avant de s’occuper du pays. Ici, c’est un peu Jésus 0, Don Marcello 1. Les terres de Don Marcello sont riches et fertiles comme la plupart des terres du Paraguay. Nous les visitons dans une avalanche de fruit. A chaque arrêt, devant chaque oranger, mandarinier, bananier… il nous faut goûter tel ou tel qui est « mas dulce ». Nous voyons aussi de la stevia, du maïs, du manioc et un élevage de poissons dans un petit étang.
La visite est prompte, après le tour du propriétaire sous une chaleur à peine froissée par un ruisseau, nous repartons pour visiter un comité de femmes et de producteurs. De grandes tables attendent sous les arbres que nous les parions de délicats morceaux de viande. Les chaises sont disposées en rond à l’ombre, mais d’abord, la collation : empanadas et manioc.
Les orateurs se relaient, une dame nous parle de leur choix agricole : rapidement, ils se sont rendus compte que la nourriture bourrée de pesticides était mauvaise pour leur santé. Ils ont donc choisi un mode de production sans produits chimiques, notre agroécologie. C’était intéressant de voir cette prise de conscience et l’importance de la qualité de la nourriture qui ici compte plus que son aspect. L’aspect social, la lutte menée pour la terre vient après. Elle nous présente aussi son comité de femmes. Comme les produits d’entretien et de soin sont fort chers, les femmes les fabriquent elles-mêmes à partir des produits de la ferme. Cette pratique, d’abord familiale, s’agrandit de plus en plus et se commercialise. Ils nous offrent alors à chacun une bouteille rose vif contenant de la lessive, et une bouteille d’une belle couleur ambrée remplie de miel. Suit le repas, des légumes, de la viande, des jus si sucrés que seuls ceux qui demeurent depuis au moins sept mois au Paraguay réussissent à apprécier à leur juste valeur.
La place arborée se transforme alors en studio de journalisme, dans toutes les langues se multiplient les entretiens filmés. Les Paraguayens s’intéressent aux avis des Français, les Argentins à ceux du Chilien, les Français aux Brésiliens et les Brésiliens questionnent les Paraguayens. Comme un jeu de chaises musicales, la musique recommence et les entretiens changent de langue.
Mais bientôt vient le moment du retour à Asunción. Après une chouette sieste sous les arbres de l’accueil franciscain, nous montons dans le bus. Les cinq heures passent vite, des échanges avec Marie-Ange, avec Fernando, avec Silvia… Tout va bien.