Venus de 57 pays, des 4 continents, 186 mouvements sociaux, associations de migrants, de réfugiés, de déplacés, représentant la société civile mondiale, ont abordé la thématique des migrations mondiales dans un lieu hautement symbolique. « Constitution Hill », une ancienne prison pour des leaders politiques, a été transformée en siège de la Cour de Justice tout en gardant les stigmates d'une geôle effroyable dont l'apartheid était le ciment. Que le Forum social mondial des migrations se situe dans ce lieu d'Histoire de l'Afrique du sud, quel symbole ! Oui, les murs de l'apartheid ont été vaincus par le charisme d'un Mandela, en prison 27 longues années, mais devenu premier président noir dans l'Histoire du pays. Oui, les murs peuvent tomber un jour !
Qu'elles soient forcées, économiques, causées par la faim, la guerre, le pillage des ressources naturelles, l'accaparement des terres ou le réchauffement climatique, les migrations sont toujours perçues comme un drame humain, une menace ou un problème. Et pourtant, c'est l'un des droits humains fondamentaux inscrits dans la déclaration des droits de l'homme que les nations ont signée. Migrer est un droit, retourner dans son pays l'est aussi. Les participants ont souligné que les migrants ne sont pas des marchandises, qu'ils sont des êtres humains et qu'aucun être humain n'est illégal.
Défendre les droits des migrants, c'est leur donner la parole, leur permettre de jouer leur rôle dans le pays d'accueil, de participer à la vie civique, de partager leurs richesses culturelles... Vivre ensemble dans le respect des cultures, c'est possible ! Pour exemple au Brésil, la ville de Sao Paulo, représentée au Forum par des élus et des associations telle « Espacio sin fronteras », montre qu'il est possible de faire autrement que d'ériger des murs, de penser des politiques sécuritaires qui stigmatisent les migrants, ou de construire des forteresses comme Frontex en Europe pour contrôler les flux migratoires. A Sao Paulo, les migrants, citoyens à part entière, ont le droit de vote et sont éligibles dans les instances locales.
Le Forum a montré qu'un autre monde est possible. Encore faut-il que migrer ne soit pas un enfer comme sur les routes meurtrières du Sahel-Sahara où les refoulés de l'Europe- forteresse sont piégés au Niger. Encore faut-il que le retour vers le pays soit possible, comme le soulignaient avec force les réfugiés palestiniens dénonçant non seulement l'impasse totale dans laquelle ils sont depuis près de 70 ans, mais également la mise en place progressive par l’Etat d’Israël d’une forme d’apartheid non seulement dans les Territoires occupés, mais en Israël même, violant ainsi les droits de l’homme les plus élémentaires. Encore faut-il que les politiques migratoires considèrent les migrations non comme un problème ou un crime, mais comme une chance, un atout.
Le CCFD-Terre Solidaire, membre du comité d'organisation du Forum, a co-organisé quatre ateliers d'échanges : trois avec Emmaüs international, le réseau « des ponts pas des murs », le CRID, le FORIM, laissant la parole à ses partenaires au Brésil, en Thaïlande, en Birmanie, au Cambodge, en Inde, au Liban, au Mali, au Niger, en Mauritanie, en Afrique du Sud, et à des partenaires Migrants France tels que ALED ( association lieux d'espoir pour le développement ), ASIREM (espoir en berbère) et Migreurop. Comment mieux impliquer les autorités locales aux côtés des migrants ? Quels sont les enjeux de liberté de circulation et d'installation ? Quels sont les enjeux de gouvernance mondiale alternative des migrations ?
Malgré les multiples freins à l'organisation du Forum, la barque des délégations mondiales du Forum a été poussée par un souffle plus fort, résistant à tous les vents de l'ignorance, de la discrimination, de la désinformation et des préjugés.
Je fais le vœu que des Mandela se lèvent dans le monde entier pour s'engager pour la paix et résister à la montée des extrémismes. Je fais le rêve que les esprits et les cœurs s'ouvrent pour se reconnaître dans l'autre qui est différent, car il n'y a pas d'étrangers qui ne soient pas humains.
DECLARATION FINALE DU FORUM SOCIAL MONDIAL DES MIGRATIONS
JOHANNESBURG 5 - 8 DECEMBRE 2014
Nous, représentants de 186 mouvements sociaux, organisations non-gouvernementales, associations de migrants, syndicats de travailleurs, refugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées, militants et universitaires venants de 57 pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe, des Amériques, et d’Australie, nous sommes retrouvés en Afrique du Sud pour la sixième édition du Forum Social Mondial des Migrations (FSMM) du 5 au 8 Décembre 2014.
1/ La tenue de ce Forum pour la première fois en Afrique, continent particulièrement affecté par les migrations forcées, un développement inéquitable et la mondialisation néolibérale, revêt une importante toute particulière.
2/ Ce forum a été spécialement dédié à Nelson Mandela, afin de rendre hommage à ce grand homme, Père de la Nation arc-en-ciel qui nous a laissé en héritage les valeurs de liberté, d’égalité, d’unité et de paix.
3/ Le forum s’est tenu à Johannesburg, une ville reconnue pour sa grande histoire migratoire, à «Constitution Hill », cette ancienne prison où furent retenus pendant la période de l’Apartheid, de grands leaders politiques comme Mahatma Gandhi, Nelson Mandela, Albertina Sisulu et Joe Slovo, un lieu hautement symbolique où fut rédigée la première constitution démocratique de l’Afrique du Sud.
4/ Ce forum, dont le thème est « Migration au coeur de notre Humanité : Défendons notre liberté et Repensons la Mobilité, le Développement et la Mondialisation» s’est centré sur 4 grands piliers portant les enjeux des droits et de la dignité des migrants :
Demandeurs d’asile, réfugiés et Migrations forcées
5/ Le continent africain souffre des guerres, des crises sociales et politiques et du changement climatique, résultat du système capitaliste qui pousse sur les routes plusieurs millions de migrants ; les mouvements sociaux travaillent à la création de mécanismes juridiques et politiques adéquats qui leur assurent une protection durable et demandent un engagement fort de tous les gouvernements à travers le monde pour mener ce combat.
6/ Le FSMM réaffirme son soutien à la lutte des réfugiés palestiniens afin qu’ils puissent rentrer dans leurs foyers dont ils ont été expulsés en 1948 conformément à la Résolution 194 de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Le Forum exprime sa solidarité au peuple palestinien dans sa lutte contre l'apartheid israélien.
Migration, cohésion sociale et intégration
7/ Nous, mouvements sociaux et acteurs de société civile, sommes déterminés à construire à travers le monde des sociétés fondées sur la justice, la dignité, le pluralisme, la reconnaissance et le respect des différences, où toutes les formes de discriminations seront éliminées et où les migrants auront accès à la justice et à l'intégration sociale, politique, économique et culturelle.
Migration, Mondialisation et Crises
8/ Dans le contexte de crise mondiale dans lequel nous vivons, en Afrique et partout dans le monde, nous appelons au renforcement des mouvements contre les effets néfastes de la mondialisation néo- libérale ; nous appelons à la construction de modèles alternatifs de développement et à des relations humaines fondées sur la liberté de circulation et l'harmonie entre l’Homme et la Nature.
Droits de l’homme et citoyenneté
9/ Sur les routes migratoires, des millions de migrants voient leurs droits bafoués et niés, entraînant des milliers de morts et de disparitions. Nous nous engageons pour le respect des droits humains fondamentaux. En outre, nous appelons tous les migrants, réfugiés, demandeurs d'asile, les travailleurs et les personnes déplacées à travers le monde à s’unir et à se battre pour une Citoyenneté Universelle.
10/ Le Forum Social Mondial des Migrations rend hommage aux milliers de migrants assassinés, tués, noyés et abusés alors qu’ils étaient en quête d’une vie meilleure.
11/ Lors des séances plénières, des ateliers, des expositions, des spectacles culturels et artistiques et des rencontres informelles, cette sixième édition du Forum Social Mondial des Migrations a démontré que, plus que jamais, la migration est au cœur de notre humanité.
12/ Dans notre lutte pour un monde sans frontières (en Palestine, au Mexique, au Cachemire, Forteresse Europe et ailleurs), nous lançons un appel pour le démantèlement immédiat du mur de l’apartheid israélien , des murs de la mort au Mexique, au Cachemire, de la forteresse Europe, et appelons à la suppression des barrages routiers, des postes de contrôle et autres mécanismes d'exclusion mis en œuvre par l’impérialisme, le colonialisme et pouvoirs belliqueux ; nous demandons la levée du siège et blocus à Gaza, Cuba et ailleurs.
13/ Le Forum Social Mondial des Migrations exige la libération de tous les prisonniers politiques et l'abolition des complexes industriels pour prisonniers, comme les entreprises privées et multinationales de «sécurité», comme G4S, les prisons à haute sécurité tel que Guantanamo, nous demandons l'adoption du 17 Avril comme une journée internationale de solidarité avec les prisonniers politiques et des prisonniers de guerre.
14/ Nous exprimons notre indignation à propos de la disparition de 43 étudiants de Ayotzinapa, au Mexique et nous exprimons notre compassion à leurs familles.
Le Forum lance un appel aux mouvements sociaux et à tous les acteurs pour renforcer la mobilisation, pour continuer la lutte pour nos droits, pour notre dignité et pour la construction d’une gouvernance alternative des migrations.
Oui, un Autre Monde est possible !