voix-de-l-ainLa Voix de l'Ain a ouvert ses colonnes à Denis Perdrix qui partagent l’expérience vécue cette été pendant le voyage d'immersion au Mexique-Guatémala. Retrouvez son témoignage :


Denis Perdrix est chargé de mission au le CCFD-Terre solidaire pour la région Rhône-Alpes. En août, il a accompagné un groupe de bénévoles à la rencontre d’organisations partenaires du CCFD-Terre solidaire au Mexique et au Guatemala.

Annoncer à son entourage un prochain séjour au Mexique et au Guatemala vous permet de faire le point sur les représentations sur ces deux pays. En grande majorité, les échanges évoquent la violence. Les statistiques viennent d’ailleurs confirmer cette représentation : le Mexique et le Guatemala se situent dans le haut du « hit-parade » mondial en matière de criminalité. Mais s’arrêter à ce classement semble largement insuffisant. D’abord, derrière une statistique nationale se cache une multitude et une grande diversité de réalités locales. Ensuite, ce serait une grossière erreur que de vouloir résumer la réalité de ces pays à cette violence sans y regarder les signes de vie et les multiples initiatives de la société civile pour la paix. Enfin, plus que de s’arrêter sur un résultat statistique, il est intéressant de comprendre les origines de ce fait social, à commencer par les réalités géopolitiques et les enjeux économiques présents sur ce territoire.

Le Mexique et le Guatemala sont des passages obligés pour les migrants latino-américains désireux de vivre « l’american dream », mais aussi pour les trafiquants de drogue. Il n’est donc pas étonnant que ces deux pays se trouvent gangrénés par des réseaux criminels. Par ailleurs, ils se situent dans la zone immédiate d’influence des Etats-Unis qui veillent à ce que les gouvernements mexicains et guatémaltèques servent leurs intérêts économiques et politiques, bien souvent au détriment de la souveraineté des peuples concernés. Le Mexique et le Guatemala disposent d’importantes ressources minières et d’une fertilité agricole qui fait saliver les multinationales de l’agro-business. Le contrôle du territoire revêt alors un enjeu stratégique : celui de l’accès aux ressources naturelles. Enfin, et sans doute de manière corollaire à ces premiers éléments, le processus démocratique est entravé par une importante corruption, un clientélisme quasi-généralisé allant probablement jusqu’au trucage des scrutins, une justice arbitraire pour les plus faibles et une impunité pour les puissants…

En quelques sortes, sur ces territoires, se concentre de manière extrême l’ensemble des turpitudes liées à notre propre modèle de développement : l’exploitation sans limite et sans vergogne des ressources naturelles, le cynisme érigé en maître au service du profit maximal et le report sur le voisin (immédiat ou plus éloigné) des conséquences néfastes de nos propres choix. Le contexte peut paraître sinistre. Pour une part, il l’est et nous rappelle que l’espérance est aussi un choix.

Ce choix de l’espérance, des organisations de la société civile, partenaires du CCFD-Terre solidaire, l’ont fait ; un choix qui s’incarne en actes. Acteurs pour la paix et les droits de l’Homme, indigènes, paysans, femmes, initiateurs de projets en économie sociale et solidaire, ils cherchent, inventent, mettent en œuvre des initiatives qui répondent à un tout autre paradigme intégrant des impératifs sociaux, économiques, démocratiques et environnementaux. Avec nos clefs de lecture, nous y verrons un attachement « viscéral » à la « Terre-mère », la prédominance de l’intérêt collectif, l’adaptation permanente des principes culturels indigènes à la réalité contemporaine d’où une remarquable créativité sociale, la confiance en l’intelligence collective, l’acceptation de ne pas tout savoir, tout maîtriser, la lucidité de laisser le temps au temps…  A titre d’exemple, nous avons rencontré une coopérative de café qui questionne en permanence ses modes de production, d’organisation et de commercialisation. La coopérative produit des règles collectives qui garantissent dans le même temps la cohérence avec les valeurs indigènes, la valorisation des productivités individuelles et le principe de solidarité.

Ces initiatives de l’espérance se structurent en réaction et en résistance aux oppressions subies. Mais, plus encore, elles résultent d’une option culturelle, d’une volonté farouche de penser un développement à partir des aspirations des populations. Elles affirment la capacité des peuples à prendre en main leur destin. C’est sans doute ce que Don Samuel Ruiz, évêque du Chiapas décédé en 2011, voulait dire lorsqu’il affirmait : « J'avais cru être envoyé au Chiapas pour évangéliser les indigènes et voilà que j'ai été évangélisé par eux ».