Le 4 Octobre 2012, des habitants de Totonicapán, citoyens K’iche’s du Guatemala, ont occupé la route Inter-américaine pour protester contre la hausse des tarifs d'électricité, contre des réformes constitutionnelles auxquelles la population indigène n’avait pas été associée par consultation et contre la menace des restrictions dans l'accès à l'éducation dans les zones rurales grâce à un projet visant à modifier le programme d'enseignement. La journée s'est terminée par un affrontement entre les manifestants et les forces de sécurité, avec un solde de plus de quarante blessés et la mort de Santos Hernandez Menchú, José Eusebio Puac Baquiax, Arturo Félix Sapon Yax, Jesús Baltasar Caxaj Puac, Jésus Francisco Puac Ordóñez, Rafael Nicolas Pascual Batz et Domingo Pascual Solis. 

Le peuple k’iche’, en deuil, demande justice sur ces faits.

COMMUNIQUE INTERNATIONAL

Vous pouvez télécharger ce communiqué et consulter la liste des signataires ici : Communique-Guatemala-102012

Les réseaux signataires, composés d'organisations qui défendent et promeuvent le respect et les garanties pour l'exercice des droits humains dans le monde, nous exprimons notre profonde préoccupation par les événements qui ont eu lieu au Guatemala le 4 octobre dernier, lorsque sept membres de la communauté indigène K’iche’ ont perdu leur vies à la suite de la réponse disproportionnée des forces de sécurité de l'Etat faisant usage d’armes à feu contre les manifestants.
Le blocus pacifique de la route avait été fait, en tant que mesure de soutien et moyen de donner de la visibilité au dialogue qui essaient de promouvoir les autorités traditionnelles indigènes des 48 cantons de Totonicapán – qui ce jour-là avaient fait le déplacement à la capitale du pays, à environ 200 kilomètres de leurs communautés – pour exprimer au gouvernement leur préoccupation par rapport à l’augmentation des prix du service d'électricité affectant les habitants de la région, ainsi que leur refus aux changements dans le système éducatif et aux réformes constitutionnelles sur les droits
des peuples indigènes, par rapport auxquelles ils n’avaient pas été consultés. Totonicapán, avec près d'un demi-million d'habitants, est l'un des départements du Guatemala avec des pourcentages plus élevés de la population indigène Maya : les K’iche’s (97%(1)). Dans cette région du pays, des taux de pauvreté élevée prévalent. Cinq de ses municipalités les plus peuplées : San Andrés Xecul, Momostenango, Santa Maria Chiquimula, Santa Lucia La Reforma et San Bartolo Aguas Calientes ont entre 73% et 94% de la population vivant dans des conditions pauvreté, et entre 21% et 55% dans l’extrême pauvreté(2). Dans le même temps, le Guatemala étant un des pays qui subissent le plus de violence dans les Amériques, Totonicapán est l'un des départements où le taux d'homicides est le moins élevé (6 pour 100.000 habitants en 2011, quand le taux national était de 39 pour 100.000)(3). Certains analystes ont expliqué la faible incidence de la violence dans la région en la rapportant au degré de cohésion locale que l’on a réussi à maintenir grâce à la force de son organisation indigène traditionnelle. Cela a été l'une des principales clés de la survie et de la coexistence pacifique de ce peuple historiquement
marginalisé par l'Etat du Guatemala.

Les événements tragiques du 4 octobre, que ont endeuillé le peuple K’iche’ de Totonicapán, étaient le résultat direct de l'utilisation de personnel militaire armé en tant que force publique désignée pour « maintenir l'ordre » dans le cadre de la manifestation, selon une logique de la criminalisation de la protestation sociale ; ils étaient aussi une conséquence indirecte de l'absence de systèmes adéquats de dialogue et de canalisation des demandes des groupes exclus au Guatemala. En particulier, pour ce cas, l'un des déclencheurs latents a été le manque de mécanismes pour l'expression et la participation
des peuples indigènes pour des décisions sur les questions qui les concernent. Les signataires, nous nous solidarisons avec les familles des victimes et avec le peuple K'iche Maya de Totonicapán ; nous manifestons notre refus de la violence et de l'exclusion qui ont conduit à ces graves violations des droits humains qui embarrassent toute la communauté internationale et demandons ce qui suit :

1) Vérité : Pour l’enquêter et la divulgation de la vérité sur ce qui s'est passé et pour la reconnaissance des droits légitimes d'expression et de la défense des droits humains de tous les Guatémaltèques.


2) Justice : Pour que les violations au droit à la vie et à l'intégrité physique des victimes ne restent pas dans l’impunité ; ce que requiert une enquête indépendante et impartiale – avec la participation du Médiateur guatémalyèque – permettant d'identifier et déduire les responsabilités pénales, et offrant des garanties de sécurité pour les victimes, les témoins, les autorités traditionnelles indigènes et les opérateurs de justice.


3) Réparations : Pour qu’une politique de réparation soit promue envers les familles et le peuple K’iche’ de Totonicapán par l'État guatémaltèque.


4) Garanties de non-répétition : On exhorte l'État guatémaltèque à éviter l'emploi de personnel militaire et l'utilisation d’armes à feu lors de manifestations sociales ; ainsi qu’à élaborer et mettre en place un mécanisme authentique de dialogue pour aborder les demandes du peuple K’iche’ et que, à moyen terme, on développe toutes les mesures pertinentes pour que le Guatemala assure la mise en oeuvre et l'exercice des droits reconnus dans la Convention 169 de l’OIT et dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Une observation internationale attentive et systématique sera essentielle pour faire des progrès dans ce processus. Il est particulièrement relevant le rôle des missions diplomatiques présentes dans le pays qui participeront à l'Examen périodique universel du Guatemala le 24 octobre prochain, du Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l'Homme et des rapporteurs spéciaux du Système des Nations Unies et du Système Inter-américain, en particulier ceux chargés des questions telles que
la protection des défenseurs des droits humains et des droits des peuples autochtones. Nous, les acteurs non gouvernementaux qui accompagnons la société guatémaltèque, nous serons attentifs à leurs actions et les soutiendrons dans le cadre de nos mandats et capacités respectifs.

Guatemala, Canada, USA et Europe, 8 octobre 2012

1 . Voir : http://www;desarrollohumano.org.gt/fasciculos/cifras_v4.html
2 . Selon des données officielles du Secrétariat Général de Planification de la Présidence de la République du Guatemala –
SEGEPLAN : http://www.segeplan.gob.gt/downloads/IndicePobrezaGeneral_extremaXMunicipio.pdf, consultées le 6 octobre
2012.
3 . Données du Central American Business Intelligence, de février 2012, publiés à :
http://www.plazapublica.com.gt/sites/defaut/files/rankingdeptos2011b.pdf, consultées le 6 octobre 2012.