Animateur :  Pierre Perdrix, CCFD Terre- Solidaire
Intervenants :
    Vincent BAUD, expert comptable, engagé dans le technopôle d’Oyonnax
    Bruno LAMOTTE, centre de Recherche en économie  de Grenoble
    Jacques BORREL, syndicaliste CFDT sur le technopôle de Grenoble

Pierre PERDRIX

Comment un territoire peut-il mobiliser ses acteurs, prendre en compte la transversalité et la complexité des projets ? Comment la coopération entre différents acteurs peut servir le développement d’un territoire?
Les deux Pôles que nous allons évoquer couvrent des dimensions différentes : le territoire d’Oyonnax concerne 70000 personnes contre près de 450 000 à Grenoble

Vincent Baud

La technopole d’Oyonnax concerne la plasturgie  en 1987 –88, une poignée d’industriels  dont les activités d’abord sur le travail du buis ,ont dérivé sur le celluloïd , jusqu’aux  polymères de plus en plus sophistiqués  se trouvent  confrontés à la concurrence Mondiale . leur problématique est  «  comment trouver une solution en s’unissant »
A l’époque, la plasturgie française était le 4ème au monde ( la 2ème en UE) ; Oyonnax représentait 15 % de la production française, Rhône Alpes 25%. Les  autres lieux de la plasturgie étant la région parisienne, la vallée de la Loire ? etc.
Pour ce territoire, il faut une vision d’avenir : la recherche fondamentale se concentrait sur les matières premières (pétrole) pour les producteurs de nouveaux matériaux ; Ces industriels se dédient à utiliser ces nouveaux matériaux

Des handicaps pour ce projet : un territoire enclavé, et un  manque en terme de formation seulement deux lycées techniques, pas d’enseignement supérieur 
Il fallait quelque chose de nouveau  en recherche appliquée et associer au projet une école d’ingénieurs 
De nombreux partenaires ont  été associés les transformateurs, le ministère de l’industrie, celui de l’enseignement supérieur (université Lyon 3), la communauté urbaine d’Oyonnax en 1989. Le Pole Plasturgie est installé dans ses locaux de l’Ain dans un site de 50 ha  avec un budget de 2 millions d’euros
Le contexte n’était pas vierge, puisque Alimentec était le parallèle en alimentation et montait en puissance avec Ecole commerciale
Tout ceci s’inscrivait sur un territoire plus large : le département. Chaque pôle essayait de profiter de cette vague en se spécialisant encore davantage.
En 2000, ce technopole a connu des problèmes ( une crise de gouvernance  et une crise financière ).La gestion  a été transmise aux industriels locaux qui ont réussi à lever des fonds  ( 3 millions d’€ )En2000, le Technopole comportait 30 emplois  en 2011, il fonctionne bien  60 salariés dont 40 chercheurs et techniciens. Son chiffre d’affaires est de 6 millions d’€ dont 50 % de projets de recherche proposés par le ministère de l’industrie pour des recherches spécifiques
Son rôle est aussi  de fournir aux entreprises des services soit pour des Procédés ( tel besoin d’un bureau d’études d’une entreprise), soit pour un outillage ( importance stratégique des moules )
Le Centre  a d’autres  axes 
Conception et Simulation informatique pour la réalisation d’objets
Recherche sur Matériaux, par exemple comment mettre de la structure dans la matière  plastique avec des végétaux (maïs  ou chanvre )
Comment faire des matériaux plastiques dans  la ligne  de l’économie durable ( se fournir dans filière du vivant et gérer la biodégradabilité)
Plastronique( en injectant dans la matière première du silicium  afin d’avoir une forme conductrice pour application électronique )
Débouchés: Automobile30% au lieu de 50%  il y a 20 ans, Santé, Aéronautique, Electronique, Emballage, Sports et Loisirs.

C’est un outil tourné vers toute la plasturgie française  et il y a connexion avec centres de recherche allemand espagnol, portugais et Italien

Les industriels n’auraient rien fait tout seuls : La réussite provient de ce que les acteurs travaillent ensemble;Les donneurs d’ordre  ( PSA Plastic Omnium )les transformateurs, les fabricants de machines sont présents .
Ils embauchent ,échangent ,investissent ;  Cela a donné Plastipolis 
Ils ont construit Renax ( groupe d’achat de matières premières  à bas coût, car c’est au centime d’euro que s’emportent les marchés )

Quels risques ?
-maintien d’un leadership national (concurrence avec d’autres structures Alençon, Compositec Chambéry  )il faudrait les connecter pour peser dans la compétition mondiale
-caractère européen pas assez marqué   dimension européenne à imposer
-si l’initiative est portée par industriels, très grande dépendance financière des collectivités locales(il faudrait trouver un relais de financement)

Opportunités:
La filière plasturgie est solide : entre entreprises, les spécialisations fonctionnent en complémentarité  c’est un vecteur de collaboration entre professionnels 

Transition de P Perdrix 
Rappel grandes lignes de force
Etre le meilleur dans son métier, solidarité dans le territoire , le village gaulois s’ouvre à l’extérieur  

Bruno LAMOTTE
 
 Les pôles dans l’économie de la connaissance et l’initiative française des Pôles de Compétitivité

Rhône-Alpes  compte 2 pôles mondiaux:(Minalogic, Lyon Biopôle), 1 pôle à vocation mondiale (Axelera)et 8 pôles, qui concernent parfois plusieurs régions :
Arve Industrie, Imaginove, Lyon Urban Truck & Bus, Plastipolis, Trimatec, Techtera, Tenerrdis, Viaméca
Depuis 15ans, les pôles de compétitivité en Rhône-Alpes jouent un rôle substantiel : Face à la crise de 2008, ils témoignent du non- fonctionnement du modèle productif ;
Qu’est ce que ce modèle productif ? il s’articule autour d’investissement de RD, d’application industrielle,  de coordination avec l’intelligence  pour être performant en termes de créations d’emploi dans territoires et de la croissance économique ;
Pendant 15 ans, les pôles au  nord se comportaient bien   y c dan  les pays du sud ( cf l’évolution de la Corée de pays pauvre qui est une réussite économique dans la recherche formation ou la croissance  économique )

La Corée dépasse la France en termes de performance éducative ou de RD, de croissance économique ou de positionnement dans le haut de gamme
Il faut faire attention aux volumes désinvestissements ou des effectifs de chercheurs dans  ces  pays émergents

Quels problèmes ?
          1)Problème de cohérence macroéconomique : L’urgence des résultats financiers  va à l’encontre des  investissements immatériels nécessaires au  long terme (dépenses en formation insuffisante, éducation, formation à la recherche, projets de recherche)
Collision entre exigences de court terme et de long terme ;
 Contradiction entre possibilité de ces pôles et la réalité du système éducatif
15 à 20 % des jeunes sortent sans diplômes du secondaire et ne peuvent pas affronter un monde de compétition
          2) Eclatement entre territoires capables de suivre  et ceux qui ne le peuvent pas
par exemple entre pays émergents l’Asie Pacifique (Inde Chine) et Pays les moins avancés (Afrique)
          3) Dans pays du Nord, problème clé des jeunes  quittant prématurément l’enseignement (en Espagne  30 %  de sorties, 13%  en Allemagne ,France, Suède ) 
Problème d’accompagnement pour la formation
On a devant nous  une société segmentée (certains peuvent avoir une ascension alors qu’une partie du monde social est menacé  )

 Ce schéma social  nous menace : il est déjà omniprésent au Sud 
 Ex Inde:opposition entre technologie efficace  informatique qui tire la croissance et une Inde rurale et pauvre qui connaît  des phénomènes de régression sociale
 Ou encore l’Afrique autour des grandes universités ( étudiants diplômés  sans perspective d’insertion dans un tissu économique )

En 2004, les études de Etude prospective de la DATAR  « La France puissance industrielle »
et le rapport Blanc « Pour un écosystème de la croissance » ont émis des pistes d’action
Il faut partir des potentialités du tissu industriel ( associer industrie- recherche- enseignement, anticiper dans une politique de ressources humaines, se doter d’une Gestion Prévisionnelle des emplois et des carrières, former pour les métiers de demain par exemple dans la biodégradabilité )=
Le défi principal c’est sortir de l’excellence académique pour aller  vers  une recherche appliquée  faisable par les industriels
10 pôles ont été sélectionnés  en Rhône Alpes en fonction de leur capacité de résistance dans la concurrence mondiale ; une dynamique de développement se déclenche autour de ces pôles.

Il faut prendre en compte les réflexions substantielles des partenaires sociaux
Le Medef avec son écosystème de l’innovation et la relation avec le système de formation
La CGT  relaie la préoccupation des salariés pour qui les projets des pôles n’assurent pas automatiquement un développement sur place  et demande plus de mobilisation du tissu des PME et des centres de formation locaux
La CFDT attire l’attention de la  gouvernance des pôles en France qui ignore les partenaires sociaux contrairement à ce qui se passe ailleurs en union européenne
Elle pointe le risque de fracture sociale  selon la voie empruntée : soit développement industriel impliquant l’ensemble des salariés soit un scénario dual avec des emplois qualifiés et d’autres non, précaires  relatifs aux services aux personnes; Certains Pôles Minalogic  Lyon Biopole  ne vont pas forcément dans le sens du développement des territoires 

Jacques BORREL
•    Un peu d'histoire
•    Les conditions de réussite d'une technopôle à visage humain
•    Quelques difficultés
•    Quelques défis
•    Conclusion
Grenoble se situe au confluent de 2 rivières l'une calme et sinueuse et l'autre turbulente et imprévisible.
Ville frontière située sur la principale voie de communication à travers les Alpes vers le centre et le sud de l'Europe
Carrefour culturel et berceau de la révolution française, cette ville lutte depuis toujours pour sortir de l’anonymat et exister face à  l'autre métropole Rhône Alpine capitale des gaules et de la région : Lyon

Grenoble s'appuie sur une histoire industrielle riche en innovation, en personnes visionnaires et ouvertes sur le monde. C'est l'acier produit par les aciéries de la Fure avec du minerai extrait de la chaîne de Belledonne qui a été choisi par Colbert pour fabriquer les canons de la flotte de Louis XIV
C'est grâce à la force hydraulique des torrents descendant des montagnes que la papeterie c'est développée dans la vallée de l'Isère et que l'énergie hydroélectrique est née autour de Grenoble.
Le développement industriel qui a commencé avec la ganterie et les fabrications électrique et mécanique c'est poursuivi par le développement du pôle chimique et enfin de l'électronique

Ce dynamisme s’appuie sur des visionnaires  (Aristide Berges et Amable Matussière : inventeurs de l'hydro  électricité. ; Paul Louis Merlin : le père de l'industrie électromécanique à Grenoble. Louis Néel : Premier directeur du CEA  Grenoble, qui a promu le  rapprochement  recherche, industrie , enseignement supérieur )

 La Technopole grenobloise a trois piliers Industrie, Université et Recherche, mais aussi la volonté de chercher ailleurs ce dont elle avait besoin (Les Chartreux Italiens ont importé la technologie des bas fourneau au moyen âge Les premières machines hydrauliques de défibrage du bois pour les papeteries sont venues d'Allemagne...)

Depuis longtemps les innovations à Grenoble ont souvent été importées et ensuite développées localement : Les Chartreux italiens ont importé la technologie des bas fourneau au moyen âge. Les premières machines hydraulique de défibrage du bois pour les papeteries sont venues d'Allemagne... il faut avoir moyens de trouver les techniques  et de les mettre en œuvre         cette ouverture se voit aussi dans l’origine des étudiants : d'un tiers de ses étudiants venant de l'étranger. Hier en grande majorité Africain, ils sont aujourd'hui plutôt Asiatique.
Une particularité est d’avoir Toujours une technologie d'avance  pour rebondir et se maintenir dans une reconversion industrielle permanente.
 Hier : l'hydroélectrique, la chimie et l'électromécanique.
Aujourd'hui : La micro électronique et l'informatique.
Demain : les nouvelles sources d'énergie et les nanotechnologies pour la santé et l’environnement.



 savoir - faire en perpétuelle évolution, Le tissu industriel du territoire a su s'adapter. Les collectivités locales ont su maintenir l'attractivité du territoire en développant des conditions de vie innovantes tant culturelles et sportive, que pour l'habitat et le transport
Culturellement  l’état d’esprit  est de refuser la soumission ; aversion à se laisser guider les yeux fermés  (journée des tuiles en 1788, innovation sociale et culturelle du quartier de la Villeneuve)
Les mutations n’ont pas été toujours faciles. 
Si le territoire s'adapte bien, pour les populations c'est souvent plus difficile( problèmes pour les anciens du textile qui ont dû migrer.
Si le pouvoir politique, aujourd'hui, s'entend assez bien avec le pouvoir économique, il faut déplorer l'absence de lieu de débat avec les syndicats ou la société civile,
 
Quelques  défis
Aujourd'hui plusieurs catégories  de salariés cohabitent

¬    Les salariés des services commerciaux  ou des sous-traitants des plus grosses entreprises ou des administrations. Ils sont les plus précaires et les plus fragiles, vulnérables aux mutations technologiques.
¬    Les salariés des grandes entreprises du territoire.  plutôt bien organisés par leurs syndicats mais en difficulté à se projeter dans les nouveau secteurs d'activités émergents
¬    Les salariés du secteur public. victimes d'un morcellement des centres de décision publiques

Les 3 piliers mal en point
¬    Les universités  de bon niveau mais incapable de s'entendre depuis 5 ans pour trouver un chef de file à la hauteur des enjeux.
¬    Les industries de pointe grenobloises même si elles participent toujours à l'échange triangulaire (Université, Recherche, Industrie) ont beaucoup moins d'autonomie  locale à cause la financiarisation de l'économie. La tentation de développer à Grenoble et fabriquer à l'étranger est très forte.
¬    La recherche Grenobloise de  très haut niveau  ne peut pas vivre sans  les 2 autres piliers  (masse critique universitaire pas atteinte, baisse de la production )

Conclusions
L'organisation de la société est en pleine mutation.
Un certain nombre de lieux de débat sont vidés de leur contenu  ( par ex par les holdings )
Des  femmes de ménages  restent sur le même site mais changent de patron ( absence de dialogue social)  il manque un lieu de débat prospectif spécifique sur le territoire de la technopôle grenobloise ouvert sur la société civile qui permettrait de prendre du recul  et   anticiper les mutations futures et les besoins de reconversion

Questions
i1 Difficulté du dialogue social ; si les syndicats n’apparaissent pas dans la structure de direction, ils interviennent au sein des entreprises qui sont dans le technopole
i2   Contrats locaux de développement sont à configuration variable ; rapport avec les CTEF
stratégies d’attractivité
difficultés pour les entreprises de faire de la gestion des RH ensemble sur un territoire  et une GPEC  territoriale
i3 comment mesurer l’effet technopole sur un territoire N Nombre de chercheurs

i 4 CFA vides pour niveaux V et VI

i 5  Louis Carrier
Problème d’échelle : la condition de réussite est bien d’avoir à la fois des élus politiques, des enseignants lycée ou université, des industriels :il faut une coordination entre des hommes qui en veulent et mobiliser les énergies là où elles sont ;

Savoie Technolac a bien marché, pas ST Genis

i6 Lamotte
Dans les initiatives, il y a le besoin fort de participation de la société civile .IL faut systématiser , capitalises les expériences qui marchent ; Attention à la fragilité du système révélée en 2008 Le CTEF ne sont pas seulement pour les chômeurs, il faut une réflexion territoriale sur l’innovation  , notamment des innovations mineures des petites entreprise

i7 faible proportion de femmes

conclusions  des intervenants
V Baud  technopole, relais de croissance et base d’innovation
J Borrel urgence à innovation sociale qui aille au-delà de la contrainte légale : GPEC  territoriale pour permettre une reconversion dynamique des populations et n’abandonner personne au bord du chemin ;
Bien prendre en compte la différence  grande entreprise petite entreprise  ( problème mise en œuvre de l’innovation )
B Lamotte
Il y aura toujours des pôles qui innovent et des entreprises qui délocalisent
Il faut une méthode systématisée. Pour que les territoire en tirent les avantages, la formation doit suivre .L’observation des effets devrait être systématique : il faut que les différents acteurs se rencontrent  CDRA (Contrat de Développement Durable Rhône-Alpes. et  CLD (conseil local de développement )