Animateurs : Véronique LUCAS  sociologue
Intervenants : 
Jean - Frédéric GEOLIER président de Mille et un repas
Rémy SAPET  président de la SCIC Nectardéchoix, coopérative basée à Faraillet (sud d’Annonay)
Wallapa et Hans VAN WILLENSWAARD, School for well being, Thaïlande, partenaire du CCFD- Terre Solidaire

Jean -Frédéric GEOLIER
Intervient dans les restaurants scolaires, le midi.
Question qu’il s’est posée : à quoi servaient de développer des circuits courts et l’économie locale ?
1)    Le local coûte cher
2)    Le local n’a pas de logistique organisée
3)    Le local n’a pas de volume suffisant
4)    La saisonnalité du local n’est pas à la mode
4 affirmations entendues dont on peut être rapidement convaincu.

L’entreprise réalise 30 millions d’euros, a 14 ans d’âge, a 600 collaborateurs,  sert 52000 repas par jour ce qui représente 26 tonnes de nourriture par jour dont 17 tonnes passent à la poubelle (25% est gâté)
Quand on est conscient de ce qu’on jette, on peut passer toute une vie pour savoir si c’est normal ou pas de jeter.
Sr Emmanuelle se demandait comment créer des richesses pour que les hommes deviennent libres. Il a réalisé avec elle des interventions dans les établissements scolaires pour dire pourquoi il ne fallait pas gâcher le pain.
Autant on peut accepter qu’on n’aime pas, autant on ne peut accepter de gaspiller le pain. On a alors réduit de 30% la consommation de pain d’où un don fait aux associations.
Mais ne pas gaspiller le pain ne suffit pas. On va peser les poubelles. Sur 9 restaurants scolaires, on a décidé de mettre les mêmes ingrédients et on a pesé en fin de repas. 25% des quantités étaient mises à la poubelle après les repas.
Pour 144 jours, ce sont 1000 tonnes de nourriture mises à la poubelle.
A partir de là, on peut passer des années devant quelque chose qu’on laisse passer.
Ici, les élèves se servent eux-mêmes ce qu’ils veulent. Au départ, je paraissais pour fou. On a cassé le restaurant en mettant tout ce qui se mange dans la salle. L’équipe, au lieu de préparer plein de ramequins, a préparé de grands plats, des produits frais et locaux car on avait plus de temps pour préparer.
On a fait l’expérience de peser après ces repas- là (2g par personne jetés au lieu des 150g)
Au lieu d’acheter les 26t, j’en achète 18 ou 19. Il ha des choses qu’on ne peut pas faire. La quantité peut manquer. Ne pas faire : lundi poulet partout. On prend des poulets entiers pour habituer à tout manger dans le poulet. Le porc de montagne (5% de son poids en eau), le porc industriel (25% de son poids en eau) Le porc de montagne est plus cher, mais meilleur.

La saisonnalité : les fraises, c’est à partir du mois de mai. Apprendre aux enfants à manger des produits de saison.
L’économie locale ne va pas résoudre tous les problèmes, mais elle doit créer de la richesse à ceux qui la consomment et à ceux qui la produisent.
Je ne crois pas au bio, mais à l’agriculture raisonnée. Le bio n’est pas un plus pour nos consommations. Apprenons à manger des produits frais. Je crois au local, mais pas au bio (75% du bio vient d’ailleurs)
L’échange est fondamental pour développer la proximité. L’approvisionnement local doit devenir possible.

Rémy SAPET 

La coopérative basée à Faraillet (sud d’Annonay)
Que fait-elle ?
On transforme les fruits et légumes en jus et nectar. C’est un trésor car on peut commencer en mai par les cerises jusqu’en décembre avec les pommes.
But : Coop fait la prestation de services à des abonnés. On vend à des particuliers et à des producteurs.. Les gens amènent leurs fruits et récupèrent leur jus. Même pour 100 kg, on accepte. C’est un service de proximité.
C’est la commune qui est à l’initiative du projet. Le maire a voulu recréer de l’activité. Un restaurant s’est installé, des artistes.
En 1998, l’atelier Nectardéchois est sorti de terre. Au départ, des gens du conseil municipal sont venus avec des agriculteurs. Une étude avait été faite sur la quantité, mais on a dû la revoir à la hausse.
Une nouvelle génération est arrivée. En 2006, on a changé de nouveau les machines. 250 000 à 300 000 bouteilles.
Au cours du temps, cet outil est vraiment de développement local. On a décidé de le structurer pour aller vers une société coopérative (le SCIC : Société Coopérative d’Intérêt Collectif)
Aujourd’hui, 4 collèges :
1)    Collège d’usagers, non professionnels
2)    Collège de salariés
3)    Collège de prestataires de service
4)    Collège d’élus locaux (ils reviennent dans les décisions)
Le terrain de jeu devient intercommunal (communauté de communes)
On fonctionne avec 5 salariés (4 permanents + 1 salarié), 10 bénévoles et 20 sociétaires (des gens qui prennent des parts) Les actionnaires sont les citoyens des territoires.
Enjeux : cela crée de l’emploi local, de l’emploi indirect (permet à un jeune qui s’installe de vivre de son emploi ou de prendre des saisonniers)
Il faut qu’il y ait un intérêt commun entre tous. On participe au changement culturel. Cela permet de comprendre ce que c’est qu’une entreprise. Cela fédère des énergies locales. Des touristes viennent visiter. On met en place un marché aux arbres à Noël. Cela permet aux gens de se rencontrer, de voir comment on plante un arbre. Cette année, il s’est planté un hectare de fruitiers. La commune paraissait le bout du monde (les arriérés), cela remet de la fierté aux habitants. Cela suscite des envies. On va créer un poste de gérant salarié. A terme, l’idée qu’on a est de se dire pourquoi pas demain, une « maison du fruit », aspect musée, produits.
Conclusion : Transformation locale de produits qui crée de la dynamique économique et aussi sociale. Au début on n’a pas été pris au sérieux, maintenant si.

Wallapa VAN WILLENSWAARD

Très honorée d’être venue ici. Très intéressant de parler des filières car ça fait écho. On a organisé une journée sur : quelle économie on veut organiser ?
3 thèmes :
1)    Pourquoi devons-nous travailler en filières courtes ?
2)    Qu’est-ce qu’on fait ?
3)    Quels défis à relever ?

1)    Pourquoi devons-nous travailler en filières courtes ?
Cela revient à créer du lien et créer des marchés qui ont du sens. En Thaïlande, depuis 20 ans, il y a un mouvement de marchés verts (écologiques) crées par des acteurs de la société civile.
Nos processus ont des hauts et des bas. L’initiative a focalisé sur la transition entre agriculteurs bio et industriels, mais on n’a pas assez travaillé sur les consommateurs. Jusqu’à quelques années, c’était difficile de voir qu’on pouvait mettre en lien consommateurs et producteurs. Les consommateurs étaient conscients du besoin de prendre en compte les crises notamment sur la nourriture qui rend malade et les consommateurs qui consomment du chimique. La crise alimentaire (sécurité alimentaire) a différentes raisons et causes mais 40% de la production est perdue au niveau mondial. On peut avoir des éléments pourquoi on veut ces marchés de transition.

2)    Qu’est-ce qu’on fait ?
Il y a 8 ans, à travers la visite de consommateurs qui allaient voir des producteurs pour leur demander de se lancer dans une production avec des produits naturels. On est parmi les 15 premières familles engagées dans ce processus.
1ier canal : C’est le groupe de consommateurs  qui vont soutenir une agriculture durable, non chimique. On est maintenant 100 familles. On paie une année en avance la production et on reçoit un panier par semaine. On a vu l’an dernier les AMAP qui sont très similaires.
2ème canal : à travers les magasins d’agriculture verte. 20 magasins se coordonnent pour approvisionner en agriculture durable.
3ème canal : avec les organisations de marchés verts. Chaque semaine, 7 marchés à Bangkok. Chaque jour dans un lieu différent (hôpital, entreprise…). Dans ces marchés ce sont les producteurs de légumes et fruits, les petits transformateurs et aussi les produits cosmétiques.
4ème canal : le travail des entreprises qui mettent en place les modalités de RSE. Plusieurs entreprises sont OK que ça se passe dans leur entreprise pour que les ouvriers achètent des produits locaux.
5ème canal de distribution et promotion : 5 hôpitaux se fournissent en produits bio et verts pour les cantines. Tous les ans, on organise un grand salon de l’agriculture verte (5ème année) Ce salon est l’occasion pour les producteurs de présenter leurs produits, de se faire connaître. On se rend compte de la diversité des produits.

3)    Quels défis à relever ?
Opportunités et défis. Ce sont de petites initiatives, mais cela montre que c’est possible.
Positif : permet la rencontre entre producteurs et consommateurs, MAIS pas de certification. On n’offre pas de qualité sur le produit. C’est une question soulevée maintenant.
Tous les producteurs ne peuvent pas être en bio, cela demande du temps. Donc on met en place des niveaux vert clair, vert moyen, vert foncé. De même, dans cette perspective, il faut créer un réseau d’alliances pour appuyer, par exemple compétences des producteurs, travail d’éducation auprès des consommateurs, et enfin toute la question autour des prix qui sont chers. Besoin d’organiser les forums de formation où on analyse comment le prix se construit et pourquoi il y a une différence de prix.

QUESTIONS ET PRECISIONS


Question à Nectardéchois : Avez-vous bénéficié d’aide publique au démarrage ?
Réponse : Par rapport au tarif, on est un peu plus cher. La prestation n’est pas la même. Il y a des jours où l’on a plein de lots (autant que de paysans) On n’a pas de salariés au SMIC, il y a une prime de résultats.
Les aides publiques : le bâtiment est propriété communale, le matériel (commune, région, Europe) Il n’y a pas d’argent public pour le fonctionnement.

Question à Thaïlande : 40% de perte entre producteurs et consommateurs à l’échelle mondiale ?
Réponse : cela a été dit à la conférence sur l’agriculture biologique. C’est une donnée qui a été dite.
Sur le Nord Ardèche, 60% des cerises sont restées sur les arbres.

DEBAT
1)    Volontaire CCFD. A la cantine, il y avait beaucoup de produits carnés et de tomates. Au niveau de la viande en servez-vous aux enfants ? Problème d’acheminement pour nourrir le bétail ?
2)    1001 repas a-t-elle eu des effets d’entraînement sur d’autres entreprises ?
3)    Pas correct de limiter le bio au chinois !

Nourriture carnée : on ne peut pas arriver de suite à mettre du local. Quand on commence à être intéressé sur le type de démarche, il faut appeler le consommateur à d’autres règles. Oui, il y a un entraînement pour le gaspillage. Au resto scolaire, dans 10 ans, plus de selfs. Trop d’argent dans les produits bio engraissent les gens.

Certification : quelles actions menées pour que ce soit les consommateurs ou les producteurs qui doivent régler la certification ? Échange entre producteurs et consommateurs très bien.

Les circuits courts aident les producteurs à se dire qu’ils sont utiles en vendant à des gens qu’ils voient et non à des industries pour lesquelles ils ne connaissent pas les gens.

L’éducation du consommateur a de l’importance.
Thaïlande : il y a 20 ans il y a eu promotion de l’agriculture verte (en riziculture naturelle au lieu de industrielle), mais les consommateurs ne connaissaient  l’agriculture bio.
Grâce au marché des consommateurs européens sur le bio, cela a permis de se rendre compte en Thaïlande de l’importance du durable. Notamment ce qui a permis l’émergence de consommateurs bio est la découverte de gens malades à cause de la nourriture. 120 000 personnes ont un cancer. 53000 personnes qui meurent tous les ans d’un cancer, plus que le tsunami. Le mouvement de consommateurs est important à cause de la découverte de produits chimiques dans l’alimentation. Le marché vert thaïlandais s’est développé. C’est au niveau local mais des échanges avec la Birmanie et le Laos en ce moment pour partage d’expériences.
Cette année, 1ière année soutenue par le CCFD, d’où échanges possibles avec le Laos, Birmanie. Ils ont la chance en Birmanie (70%) et Laos (60%) de ne pas avoir d’agriculture industrielle (non chimique)
En Thaïlande, il y a 5% de paysans qui font du traditionnel et 1% du bio et 95% du chimique. En Thaïlande, il faut passer du chimique au vert, pas au Laos et en Birmanie où il faut inciter à garder une culture paysanne. On a des liens avec le Bhoutan, autour du BNB. Le Bhoutan a encore 90% qui n’utilise pas le chimique. Il faudra travailler pour que les paysans chimiques soient influencés par l’agriculture traditionnelle. Pour le moment, c’est l’agriculture chimique que l’on voit, donc soutenir l’agriculture verte c’est la mettre en avant pour qu’elle soit plus intéressante. Les 10% de chimique au Bhoutan va vite passer à plus si on ne  fait pas attention.

Observation de Samy Lourthusamy Arogiasamy, partenaire indien.
Jusqu’où la solidarité sociale va aller ? Comment on est passé d’une agriculture vivrière à une agriculture de marché où on travaille pour l’argent et non pour manger. Un bon exemple est la coopérative qui est au niveau local et vous ne répondez pas à une agriculture unique. Le bio est une alimentation pour les riches.

Certification : nourriture pour les pauvres et les riches.
Ex : la vache folle. On a retiré la viande bovine des resto scolaires. Les bouchers avaient leurs enfants dans les cantines. La certification a été mise en place car on est sur des chaînes longues en terme de commercialisation.
Dans les circuits courts, on peut faire une certification participative, car ils se connaissent. Il y a des évolutions en ce sens. Plus on fait de local, plus on fait intelligent. L’approvisionnement dans les marchés locaux se fait naturellement.

Question : avez-vous accès à la grande distribution de proximité ?
1001 repas : mon métier, en matière de cuisine, il n’y a qu’un principe, donner satisfaction à celui que l’on sert. Donc je vais participer à la santé publique avec un encadrement économique et financier. Bien nourrir les élèves, c’est déjà les garder dans la cour.

Thaïlande : OK avec Samy pour ne pas avoir une certification standardisée, mais un processus participatif pour garantir la qualité du produit. Comment on crée le lien entre consommateurs et producteurs, c’est ça qui est intéressant. Tous les consommateurs ne peuvent pas faire ça mais il faut sensibiliser.
Nectardéchois : Intéressant d’entendre les initiatives des autres.