Animateur : Jean GOUSSELAND, membre du CCFD- Terre Solidaire
Intervenants :
Olivier JOLY, Chargé de mission Terre de liens Rhône-Alpes
Olivier KELLER, Conseiller régional et maire de Saint jean Chambre 07
Ursula ANDRADE, Commission pastorale de la terre du GUATEMALA Partenaire du CCFD- Terre Solidaire
Introduction
L’accès à la Terre et son usage constitue des éléments majeurs de l’aménagement et du développement durable des territoires, il est l’objet de graves conflits d’intérêts entre les divers promoteurs d’activités économiques (agriculture, industrie …) de loisirs et d’urbanisation (habitat, services collectifs) et simples propriétaires. Ces conflits questionnent la promotion du bien commun et notre rapport à la propriété.
Nous sommes plus nombreux et nous exigeons toujours plus de la terre. A côté de l’agriculture, elle doit supporter nos loisirs, nos chemins et routes, nos loisirs, nos quêtes de matériau, nos industries, etc…
Olivier KELLER
Paysan en culture biologique,
Responsable syndical au sein de la Confédération paysanne,
Acteur dans la création de Via Campésina aux côtés de José BOVE
Engagé dans la lutte contre les OGM
Chargé du développement rural et agricole au sein du Conseil Régional
La Terre est désormais un grand village dans lequel chacun peut poser des actes qui ont des effets à l’autre bout de la planète, mais aussi dans lequel chacun doit avoir accès à l’alimentation.
Dans le monde 50% des hommes et femmes ont une activité de production sur la terre.
Le droit de propriété est inscrit dans la constitution, ce qui est un élément encore très structurant de la relation à la terre.
Nous constatons une accélération de l’urbanisme qui consomme beaucoup de surfaces :
Rhône Alpes est une région parmi les plus gourmandes en surface de terres consommées par l’urbanisation, les loisirs et l’industrie.
En France, l’agriculture a perdu l’équivalent d’un département en 9 ans.
La terre devient ainsi un objet de rivalité (émeutes de la faim)
La bataille pour la Terre est ouverte, avec le rachat d’immenses surfaces de terres en Afrique par des pays tel la Chine ou des investisseurs pour anticiper sur des placements en énergie (biocarburant), pour protéger des autonomies alimentaires.
La terre ne devrait appartenir qu’à celui qui la travaille. Mais le droit de propriété a supplanté le droit d’usage.
En France la SAFER, outil de contrôle de la propriété de la terre par délégation de l’Etat est souvent devenu un champ d’action gardé par la seule FNSEA et s’est mise au service d’une caste, écartant les petits producteurs.
Il est désormais nécessaire :
• de concevoir un habitat moins gourmand en foncier : « chacun sa maison individuelle avec son terrain clos !!!!! »
• de réinvestir les surfaces de friches industrielles.
• de rationaliser et protéger le foncier forestier.
Olivier JOLY
Le constat depuis une dizaine d’années : une forte urbanisation, un agrandissement des fermes, une industrialisation et des loisirs qui consomment des surfaces mais aussi des paysans qui cherchent d’autres formes de propriété de la terre :
• foncier porté par des partenaires et/ou consommateurs au travers de GFA, de SCI …
• et enfin une agriculture, généralement bio, qui propose des installations sur de plus petites entités.
Des agriculteurs et des partenaires (consommateurs, élus municipaux …) qui se regroupent dans une association « Terre de liens » pour réfléchir au problème du foncier et qui construisent deux outils de propriété collective et solidaire de la terre.
La Foncière TERRE DE LIENS, une société en commandite par actions qui collecte des fonds sous forme d’actions avec pour mission d’accompagner des projets d’agriculture biologique en achetant le foncier.
Une Fondation qui recevra des dons en nature (des fermes) ou en liquidités avec la même mission d’accompagnement.
L’association regroupe environ 1 000 adhérents.
La Foncière TDL porte 80 fermes pour 2000 ha avec une moyenne de 15 hectares et permettant 150 emplois.
La Fondation a reçu une vingtaine de fermes en donation.
Des partenariats se développent avec des villes ou villages pour des installations de maraîchers à proximité des villes, lutter contre la spéculation foncière et maintenir une activité agricole …
Ursula ANDRADE
Le GUATEMALA : 108 000 Km² soit 1/5 France peuplé de 12 m millions habitants dont ¾ de paysans indigènes.
Un conflit armé et un accord de paix en 1996, mais la transition démocratique est complexe et engendre beaucoup de violences et de criminalités. Un Etat faible.
Une idéologie « raciste » : les latins contre les indigènes ; 60% population sont des communautés indigènes surtout à l’ouest.
Une lourde influence des grandes compagnies industrielles sur les chefs d’Etat des pays d’Amérique du Sud y compris LULA ou CHAVEZ.
Actions pour faire évoluer le code minier afin d’accroître encore leur pouvoir.
Les grands semenciers ont donné des semences OGM aux « sans terre » pour que LULA ne puisse pas les faire arracher.
Au Guatemala :
• 60% de la terre est propriété de grandes familles (1 % population)
• 30% aux petits producteurs
• 10% aux très petits producteurs
L’accès à la terre reste un problème grave dans le pays. Un Marché de la terre se développe, au détriment des paysans : pauvreté, famine parfois.
La terre devient une marchandise dans un marché international.
Les paysans sont privés de leur terre par :
• l’exploitation des mines de métaux
• des monocultures à des fins d’exportation (huile de palme, sucre …)
Outre l’impact sur les surfaces de terre disponibles, ces pratiques sont en concurrence avec les paysans pour l’eau et créent des conditions environnementales catastrophiques qui affectent en priorité les pauvres.
Malgré un contexte défavorable des paysans luttent en occupant la terre et en exigeant de l’Etat qu’elle leur soit attribuée à eux producteurs et non pas aux compagnies minières.
La terre à celui qui la travaille, donc aux autochtones pour une vraie agriculture paysanne.
Cette problématique concerne toute l’Amérique du Sud
Se battre pour gérer leur territoire
Les luttes ont permis de faire évoluer la loi en imposant la consultation des paysans pour choisir entre culture et extraction de minerais, 100 consultations populaires sont en cours.
Mais le chemin est rude pour aller de la loi à l’application.
L’Etat revendique la terre en usant de sa propriété du sous-sol.
Les petits producteurs comprennent que seule la solidarité peut leur permettre de sauvegarder leur autonomie et indépendance.
Ils se regroupent en communauté pour défendre la propriété de leur terre et ensemble, ils recherchent des moyens d’améliorer leur conditions de vie : complément de revenus avec des activités de tourisme vert, transition progressive vers une production bio …
Les agriculteurs regroupés en communauté s’en sortent mieux; ils vivent une solidarité et des valeurs humaines et spirituelles très fortes.
Nécessité de s’unir contre le capitalisme.
De plus, en Amérique du Sud il existe une vraie relation spirituelle avec la Terre
(lien avec le vivant, la terre nourricière …)
Commentaires
1. Le samedi, avril 7 2012, 13:32 par ManuH01
Au-delà du foncier, il existe maintenant une autre problématique : l'exploitation du sous-sol !
En effet, avec la raréfaction du pétrole, les firmes s'affolent et s'orientent vers des réserves jusque là inaccessibles (en terme de rentabilité financière) : les gaz et huiles de schiste (à plusieurs km de profondeur sous le plancher des vaches)...
Quel rapport avec le colloque vous demandez-vous ?!
1- la démocratie locale en danger !
les firmes n'ont pas à négocier avec les populations locales, ni mêmes les élus locaux ; non, le code minier se gère directement au Ministère, à Paris ! D'où des dérives possibles phénoménales où les firmes vont imposer des infrastructures localement sans concertation... c'est la loi !!!
2- les impacts de l'extraction en sous-sol se font sentir en surface !
les questions posées par ce type d'industrie sont les suivantes :
- construction de très nbx dericks (1 tous les 200m à 1km !) : les touristes ne vont-ils pas aller dans un paysage plus joli et préservé ?! Et l'agriculture, comment va-t-elle s'accommoder de cette industrie, tout particulièrement les productions AOC (Comté...) !?
- noria de camions pour acheminer le fluide d'extraction (très grand volume d'eau consommé) et transférer le fluide extrait qui est fortement pollué vers des stations de traitement : quel traitement pour cette pollution (Plusieurs centaines de polluants différents contenus dans le fluide !!!) ? Quelle source d'eau pour alimenter cette industrie gourmande en eau ? Et bonjour la pollution atmosphérique de la noria de camions !!!
- canalisation profonde qui traverse toutes les couches géologiques en particulier le karst (200 à 300 premiers mètres) : ces couches-là sont très sensibles aux pollutions et l'expérience montre que les fuites ne peuvent pas être évitées... quant à la solution avancée par les industriels de déverser béton et/ou résines diverses en milieu souterrain, cela entraîne la modification des écoulements souterrains, d'où assèchement de sources en aval ou... inondations en amont ! Le milieu souterrain est encore largement méconnu ; des exemples récents ont montré des pollutions de nappes souterraines par les forages, même récemment.
- cette technique entraîne des tremblements de terre !!!
3- ces problèmes chez nous ressemblent, par ex., à ceux du Pérou !
la partenaire du CCFD-Terre solidaire Gisèle S. Blanco venue l'an passé a bien fait remonter les problèmes posés par le code minier dans son pays, l'influence des firmes multinationales, le mépris des populations locales, les pollutions...
Et si on poursuivait les débats soulevés par le colloque ?
Il y a urgence, si l'on veut construire un monde nouveau plus respectueux des hommes et de la Terre qu'il habite.