Animateur : Gabriel   TROMBERT, CCFD- Terre Solidaire
Intervenants : 
Jean Marc GERLIER : conseiller municipal à Bourg en Bresse
André TODJE : animateur communautaire, maire d'un village au Bénin et défenseur de la démocratie de proximité
Christinamy AROGIASAMY : Areds (Association of rural education and development service), partenaire du CCFD Terre Solidaire, dans l'Etat du Tamil Nadu.
 
   
Gabriel   TROMBERT   rappelle, en introduction, la définition de Lincoln :
" La démocratie, c'est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple".

Aujourd'hui, la distance des élus fait douter de leur légitimité. Or, le développement passe par la participation des intéressés qui donne du sens à leur action. Trois témoignages montrent l'intérêt de la démocratie de proximité.

Jean Marc GERLIER
Il fait partie de l'équipe municipale depuis mars 2008 et a initié les conseils citoyens, à Bourg, ville moyenne de 41000 habitants, 73500 avec l'agglomération,
En mars 2008, une montée de l'abstention, la population est plutôt absorbée par la vie quotidienne, tentée par une posture de consommateur vis-à-vis des élus. La municipalité précédente n'a pas été reconduite en raison de décisions sur l'urbanisme.

Les élus sont donc partis d'une double conviction : on ne peut décider sans concertation publique préalable, et, entre deux élections, il faut faire vivre la relation entre les élus et les citoyens.

Le choix du conseil de quartier est novateur (le conseil de quartier n'est pas obligatoire dans les villes de moins de 80 000 hab) Dans chaque conseil, 24 habitants par tirage au sort sur volontariat, des  associations, des acteurs économiques (mais il y a un problème : carence des acteurs économiques, soit qui ne se retrouvent pas dans la démarche, soit que l'on n'ait pas su les y intéresser)  2 co-animateurs, un élu par les 24 habitants, un conseiller municipal choisi par le maire.

Son rôle : instance consultative qui enrichit les capacités de décision du maire. Mais il ne saurait se substituer au conseil municipal élu au suffrage universel.
Libre de son ordre du jour,  il peut être saisi par le maire mais peut refuser.

Bilan du fonctionnement :

Ex de sujets traités sur saisine par le maire :
- place du vélo - réduction des phytosanitaires -plan local d'urbanisme : l'usage des transports urbains … Les gens se sont déplacés, ont fait des essais, ont réfléchi.

Les conseillers citoyens sont donc mieux informés (entre 160 et 200 personnes, renouvelés…) Ils apprennent ce qu'est le débat public, la prise de parole, l'écoute  et la confrontation de points de vue divergents, ils saisissent mieux la différence entre intérêts individuels et intérêt général, voient les contraintes financières et techniques : Les  décisions du maire sont mieux comprises et acceptées.
Pour les élus et services de la ville : bouleversement : le circuit des décisions est modifié, les services travaillent davantage ensemble. Ils apprennent à expliquer leurs choix
Problèmes : 1-  sous représentation des 18-50 ans. Or, ce sont les actifs…
2- comment valoriser le rôle des conseils citoyens en montrant comment la mairie les a pris en compte.

André TODJE
Pour favoriser le développement, plusieurs états africains se sont tournés vers la démocratie. Et depuis février 1990, au Bénin, il y a eu décentralisation des  institutions territoriales en vue d'une meilleure gouvernance. Mais comment éviter l'anarchie, alors qu'il y a les chefs, sous-chefs, pseudo chefs…entre le gouvernement et la population.

La commune, depuis 1998, a la personnalité juridique et financière. Elle initie sa politique fiscale en accord avec le programme de développement national.
Mais comment les communes peuvent-elles conduire seules leurs projets ?  Il leur faut des partenaires, soit l'Etat, soit les ONG.
Ex : 2010-2014 la commune de Soawa dispose de 15000 euros en un an mais doit participer au plan de développement pour 100000 euros. Il faut une politique de coopération intercommunale.

Les élus, depuis 2003, travaillent avec les 20 ONG locales qui connaissent bien la population.
Les ONG ont recueilli les besoins des villageois  pour les traduire en projets, puis retour vers les locaux, puis retour à la mairie. Va et vient stimulant. Le cadre de concertation, par arrêté municipal, se réunit 4 fois par an. Dans un village où les maisons sont en paille et sur pilotis, il est difficile de demander des taxes pour financer. Mais les ONG, ont fait peu à peu comprendre aux villageois qu'ils doivent contribuer avant de tendre la main à l'extérieur.

A la 1ère mandature, 118 % de réalisation des projets (avec 80% de participation des ONG)
2ème mandature, sensibilisation sur le civisme fiscal. Suivi des élus par la population. Création d'outils, de fiches, pour suivre  33% des projets.

Auparavant, beaucoup de projets initiés par les élus étaient abandonnés. Grâce aux ONG, on a vu pourquoi…,  ce qui n'allait pas dans les façons de procéder. . Désormais, la population conçoit, élabore, exécute ses projets. Les ONG et la population ont un rôle de veille sur les élus : Soawa a organisé des conférences publiques avec les ONG pour suivre ce que font les élus.
C'est la première expérience de travail entre élus et ONG locales. Les 16 élus ont obligation de résultat et de transparence.

 Ainsi, cela fait 7 ans d'apprentissage de la participation citoyenne, du contrôle citoyen et donc de la démocratie.


Quelques ONG concernées : Oxfam-Québec, Emmaüs, CCDF-Terre Solidaire, Nantes métropole, Rotary International...


Christinamy AROGIASAMY
 L'AREDS est subdivisée en 3 parties : SWATE : Society of Women for Action for Total Empowerment (autonomisation des femmes), le Droit des Dalits, et l'économie informelle.
SWATE est une expérience de démocratie locale. Depuis 20 ans, elle lutte contre la violence locale et la politique du gouvernement.

En Inde, les décisions sont prises à 3 niveaux : un gouvernement central, une assemblée parlementaire, les gouvernements locaux. Mais les Dalits (22% de la population) n'ont pas accès aux décisions. Les femmes n'ont pas accès au Parlement. Cependant, 33% des sièges sont localement réservés aux femmes.

Ex : les droits des femmes sont niés : insécurité, violence domestique… Nombreux "foeticides" féminins. Il faut montrer cette violence, la dénoncer, lui donner des suites juridiques. Comme la justice est corrompue, chère, il faut aider les femmes à parler, à trouver un relais dans les médias.

Ex: avant : prohibition. Maintenant, la prohibition est abolie, mais l'Etat a ses magasins. Le taux d'alcoolisme augmente. Il faut lutter contre cela en impliquant  l'Etat. Travail auprès des médias.

Ex : un problème  environnemental : extraction du sable illégal depuis 20 ans dans les rivières. Depuis 2003, les agriculteurs se joignent à la lutte car il y a des problèmes avec l'eau. 332 personnes arrêtées, emprisonnées. Or Il faut que les ressources soient contrôlées par les citoyens, en particulier celles des multinationales qui sont complices du gouvernement. Les locaux veulent protéger leurs ressources.

Les partis ne s'intéressent pas aux besoins des gens. Ils ont tous les mêmes idées sur les femmes, l'extraction du sable, l'accès à la terre, donc le changement est difficile. Dans ce contexte, à quoi cela sert-il de lutter ? Les partis se moquent du bien de la population. Donc depuis 2006, après concertation avec la population, SWATE a créé son propre parti politique pour faire partie du groupe qui prend des décisions. C'était la seule solution possible.

En 2009, 2 candidats SWATE se présentent aux élections locales et perdent. En 2011, 673 se présentent et 234 sont élus. 84/162 dans le district, suscitant ainsi un grand espoir.
Swate a mis en place d'un programme de formation pour expliquer aux candidats leurs droits, leurs devoirs. Il faut les rendre plus proches de la population pour faire participer les citoyens. Il faut qu'ils aient des pouvoirs décentralisés et que la région ait son propre parlement.

Le gouvernement central ne reconnaît pas encore leur pouvoir, mais le combat continue dans l'espoir que la voix des marginalisés soit entendue (Dalits, femmes, pauvres).