Animateur : Dominique REJEAUNIER, CCFD- Terre Solidaire
Intervenants :
Somboon CHUNGPRAMPREE, Spirit Education Movment, Thaïlande; partenaire du CCFD- Terre Solidaire
Philippe VACHETTE de l'association PARLETOIT à Chambéry
Somboon CHUNGPRAMPREE
L'urbanisation, ce processus qui crée la ville en regroupant la population autour d'un point central -l'église, l'administration -, et en y implantant l'industrialisation - richesses et moyens de production -, a été beaucoup plus tardive en Thaïlande qu'en Occident et remonte à une centaine d'années (1ère route inaugurée il y a 120 ans) Le roi a eu cette idée lors d'une visite en Europe; ramener la population autour du gouvernement et des richesses. Bangkok est devenu le centre du pays et concentre à la fois la population, les richesses mais aussi la connaissance. L'industrialisation date d'environ deux cents ans et la ville centralise les moyens de production, mais aussi l'éducation, le tourisme, l'information, les technologies. Le tourisme en particulier est concentré à Bangkok.
L'évolution liée à la fin de l'industrialisation, impose un changement de politique et nécessite des plans. Plusieurs villes qui n'ont pas su s'adapter à de nouvelles formes de concentration, par exemple par l'éducation et le tourisme, meurent.
En Occident, vous avez dû faire face plus tôt au fait que des villages meurent au profit des villes où se concentrent la richesse, le travail… en raison de l'exode rural. En Thaïlande, comme dans les pays voisins (Birmanie, Laos, Cambodge), c'est maintenant qu'il faut faire face à cette problématique de l'exode rural. Apprendre comment vivre en ville, vivre avec la ville, ce sont des modes de vie complètement différents, problèmes auxquels sont confrontés les Thaïlandais actuellement.
Vivre dans une ville, ce n'est pas seulement vivre dans un bâtiment, c'est vivre avec l'esprit de la ville, comme il y avait un esprit des campagnes (esprit de famille, de communauté) Les gens doivent apprendre cet esprit de Bangkok.
L'urbanisme durable, c'est prendre en compte ces deux aspects; besoins matériels en agissant au niveau des infrastructures, et esprit de la ville avec tout ce qui touche au côté social, culturel, d'échanges entre les personnes.
Vivre en ville, c'est aussi se poser des questions pourquoi des personnes vivent dans des stations de métro alors qu'il existe des structures qui peuvent les accueillir, mais ne recherchent-elles pas plus qu'un toit et de la nourriture ? Un étudiant a fait des recherches sur les SDF vivant dans les rues de Bangkok; ce sont souvent des personnes issues de classes moyennes voire aisées, qui ont une maison, mais ils choisissent la rue pour fuir la solitude, la peur, la colère, car elles ne peuvent plus respirer. Vivre dans la rue est pour elles un moyen de respirer. Il faut aussi évoquer la vie trépidante en ville, le stress, avec le risque d'oublier de respirer. Il faut bien sûr prendre en compte le côté matériel, mais il ne faut pas oublier le développement de l'esprit; on peut rester 5 jours sans manger, mais si vous arrêtez de respirer cinq minutes, vous mourrez.
Une des contributions de l'association Spirit Education Movment qui existe de puis 45 ans et partenaire du CCFD depuis 30 ans, est de travailler au développement de l'esprit, notamment par l'éducation. Elle travaille aussi pour le droit au logement et fait partie de la Coalition asiatique pour le droit au logement, présente dans 107 villes de 15 pays différents. Les projets visent à améliorer les logements et notamment la vie en communauté et la prise de décisions relatives aux logements.
En Birmanie, après le passage du cyclone qui a tué 150 000 personnes et détruit des logements, Spirit Education Movment est intervenu pour la reconstruction de logements dans une cinquantaine de villages et mis en place au sein de la communauté un fonds commun où les gens pouvaient emprunter pour des projets relatifs à l'éducation et à la santé. Autre action, la participation au forum mondial de l'habitat en Chine, ce qui permet d'établir des liens entre différentes organisations et institutions, en particulier pour celles de Birmanie où, du fait du régime militaire, les relations avec les autorités locales sont difficiles.
Autre projet mis en place avec le CCFD, il concerne l'éducation des enfants dans les villages. C'est très important pour leur montrer que leur destin n'est pas uniquement de partir en ville pour y être de la main d'œuvre, qu'il y a d'autres possibilités. De plus si les enfants partent en ville pour trouver du travail, les villes grandissent dans de mauvaises conditions, avec l'accroissement des bidonvilles et de la pollution; promouvoir l'éducation permet de faire de la prévention en amont, dans les villages, pour maîtriser ces phénomènes.
Il existe un autre phénomène en Thaïlande, par rapport aux zones industrielles liées à la pétrochimie. Il y a tellement de problèmes de santé du fait de ces industries que le gouvernement a décidé de les délocaliser en Birmanie. Il faut arrêter ce processus qui consiste à délocaliser vers des pays plus pauvres ces industries qu'on ne veut plus. Le Japon et l'Ouest les avaient délocalisées en Thaïlande qui, à son tour les délocalise en Birmanie, pays plus pauvre. Il faut trouver une autre solution à ce problème.
Dernier point, Spirit Education Movment fait partie d'un mouvement des Ecovillages, présent dans de nombreux pays du monde et qui défend un mode de vie beaucoup plus durable.
Philippe VACHETTE
Evocation de deux situations : un échec et une réussite.
Un échec avec l'association Parletoit où il a fallu abandonner le projet. L'objectif était de construire un habitat écologique groupé, avec comme critère non négociable d'être à moins d'un quart d'heure à vélo d'une gare (région de Chambéry, ville de 60 000 habitants dans une agglo de 120 000 ) Petite remarque par rapport à des situations paradoxales rencontrées; une maison écologique, pratiquement passive avec les derniers cris de la technologie, mais à 25 km du centre ville, souvent en altitude, et où il faut deux voitures!
Recentrer l'habitat autour des nœuds de transport ou tout proche de la ville, n'est pas un critère qui figure dans les PLU(plan local d'urbanisme) qui dépendent des maires; il faudrait qu'ils dépendent des agglomérations. Un terrain a été trouvé au bout de 5 ans; terrain de 15 à 16 000 m2, prévu pour 65 logements dont 12 réservés par l'association, avec 1/4 de logements sociaux. La mairie était prête à vendre le terrain, mais le projet était très dérangeant. Il fallait seulement 1/2 place de voiture par logement alors que le PLU en exigeait 2. L'objectif était de chercher à loger des gens dans cet esprit de "Ville en transition", en produisant le moins possible de gaz à effet de serre, et de donner la possibilité de faire un petit jardin. Le terrain permettait une densité correcte, écologique, mais pas pour loger des voitures. La mairie s'est montrée frileuse, attachée à son PLU. Essai malgré tout d'aller jusqu'au bout, lancement d'un concours d'architectes, en visant l'habitat passif (pratiquement sans besoin de chauffage), en prévoyant des logements traversant pour le soleil, et finalement, les membres de l'association se sont rendu compte qu'ils n'y arriveraient pas ( "on ne savait pas où nous mettre, on était des emmerdeurs" ) et ont abandonné, non sans y laisser des plumes.
Une réussite : des gens de Chambéry sont allés dans le Diois, sur la commune de Die et ont réussi à acheter un terrain à moins de 10 mn de la gare et ont créé une SCI à statut coopératif; 4 logements sont réalisés, une grande salle commune de 80 m2 et 6 logements en projet. De très bons statuts économiques ont été élaborés; un des articles renvoie à une annexe précisant comment se prennent les décisions et la valorisation des parts lorsque l'un des membres voudra sortir de la SCI, en empêchant la spéculation. Les logements sont à structure bois, faits avec des matériaux naturels, c'est de l'habitat passif, un bel habitat groupé et à un prix tout à fait abordable (2000 € le m2 avec le terrain, hormis la salle commune gérée à part, et une partie des travaux faits par les propriétaires eux-mêmes) C'est une approche tout à fait intéressante, le modèle plaît bien et va sans doute faire école. (Site Internet: Habiterre en Diois)
Parmi les points bloquants pour de telles réalisations, le PLU (déjà évoqué), et le fait qu'en France il n'existe pas de statut de société propriétaire coopérative de logements; ça existe en Allemagne, en Belgique, en Suisse où 30 % des logements sont des logements coopératifs. Un début cependant en France avec Habitat.coop à Lyon.
Après la présentation de ces deux situations, évocation des Eco-quartiers et de la notion de "ville en transition".
Eco-quartiers; terme utilisé souvent de façon abusive. Il suffit d'un bon communicant et d'avoir mis une chaudière à bois ou respecté la norme RT 2012 (moins de 50 kWh/m2/an) pour s'auto- baptiser
Eco- quartier. On est victime d'une culture faible dans ce domaine. On a cru au Grenelle de l'environnement alors qu'il n'en est rien sorti.
On commence à faire des éco- quartiers à Grenoble, à Strasbourg, les Allemands en font. Evocation des quartiers Vauban et en particulier Rieselfeld à Fribourg en Brisgau.
Villes en Transition. Ce concept de transition s'applique au passage à "l'après pétrole" et le changement climatique. Même s'il y a encore des ressources, le pétrole pas cher, c'est fini (les 4 F; fin des fissiles fossiles faciles) Quelle type de ville lorsque les déplacements se feront principalement en 2 roues et en transports collectifs ?
En conclusion, des choses sont possibles aujourd'hui, mais des collectivités globalement frileuses. Notre culture est en train de s'ouvrir à ces évolutions, mais il faut changer nos lois d'urbanisme, ce qui prendra du temps. Il faut également savoir que la rénovation thermique des bâtiments est un gisement important d'emplois.
Débat
Le débat permet d'évoquer des questions telles que l'attachement à la maison individuelle, la propriété du foncier qu'il faudrait arriver à dissocier de la construction (le foncier restant propriété de la collectivité moyennant un bail emphytéotique, et non soumis à la spéculation immobilière)
En Thaïlande, le logement écologique est une préoccupation: les constructions ont été faites sur un mode occidental, pas adaptées aux fortes chaleurs, d'où recours à la climatisation. Recherches pour un retour aux modes traditionnels à partir du bois; inconvénients, le bois est rare (alternative possible avec le bambou) et ne permet pas des constructions de grande hauteur.