3 avril. Ça y est, c’est le début de la pasantia, ce stage sur l’agroécologie auquel nous participons avec une trentaine de paysans, militants et salariés d’associations du Paraguay, du Brésil, d’Argentine et du Chili. L’association paraguayenne Decidamos, qui travaille sur la souveraineté alimentaire et la participation politique de la population, s’occupe de l’organisation.
Le matin, nous faisons connaissance. Entre espagnol, guarani, portugais, français, les premières discussions ne manquent pas de sel ni de confusions. Pour pimenter un peu le tout, Decidamos nous demande d’abord de dialoguer deux par deux en silence, uniquement par gestes, puis de dire devant tout le monde ce que nous avons compris de l’autre. Gags assurés. Ensuite, regroupés par nationalités, nous réalisons une « œuvre » pour présenter notre organisation. Affiches, installations, émission de radio, vidéo… L’un des groupes de français dans lequel se trouvent Maria et Jean-Ber, les deux agriculteurs de notre délégation, crée un petit sketch pour parler de la commercialisation en circuits courts. Le système des Amap pique la curiosité des Sud-Américains : que se passe-t-il en cas de problème climatique qui détruit les cultures ? Peut-on modifier les quantités du panier ?
L’après-midi est studieux. Quentin Riquelme, sociologue, nous parle de l’inégale répartition des terres, qui constitue le principal sujet de conflit au Paraguay, et de l’avancée de soja qui laisse de moins en moins de place à l’agriculture paysanne. Veronica Serafini, économiste, fait un exposé sur les politiques publiques sociales du pays. Après la fin de la dictature, en 1989, des programmes de lutte contre la pauvreté, d’alphabétisation, d’accès à la contraception et au système de santé ont été mis en place et ont sensiblement amélioré les conditions de vie de la population. Le Paraguay a toutefois dix ans de retard sur ses voisins d’Amérique du Sud. La majeure partie de la population travaille dans l’économie informelle, sans sécurité sociale et risque de retomber dans la pauvreté à la moindre difficulté. Les femmes des milieux ruraux sont les plus défavorisées. 40 % de la population est rurale – un chiffre beaucoup plus élevé que dans les pays voisins. Quatre volontaires français venus au Paraguay avec les Jésuites assurent la traduction pour ceux qui en ont besoin. La journée est dense en informations ! Petite sortie avant le repas du soir pour une partie du groupe. La terrasse du bar est au raz d’une avenue mais à travers le bruit des moteurs nous parvient un drôle de rock : guitare, batterie… et harpe, dont la pratique est très répandue au Paraguay. A propos de musique, cette escapade en compagnie de quelques participantes brésilienne et argentines est l’occasion d’aborder un malentendu interculturel qui en a empêché quelques-uns de dormir dans le dortoir masculin. Luis, militant associatif brésilien d’une soixantaine d’années, très sympathique au demeurant, a écouté toute la nuit de la musique sur son téléphone… Cela fait beaucoup rire Nivea, sa jeune collègue brésilienne, qui résout le problème en lui prêtant ses écouteurs.