Par Pauline  - volontaire de la solidarité internationale auprès de la School for Well being, partenaire thailandais du CCFD-Terre Solidaire. Elle participe au projet de recherche action lancé par le réseau Towards Organic Asia dans la région du Mékong

Phonh est un jeune agriculteur de 27 ans originaire de la province de Luang Prabang au Laos. Je connais Phonh parce qu'il a obtenu une bourse dans un programme d'échanges avec la Thaïlande. Phonh est étudiant au Vietnam à l'école HEPA (Human Ecology Practical Area) créée par SPERI (www.speri.org/eng/), un des partenaires du réseau Towards Organic Asia au Vietnam et au Laos. Ce sont des jeunes de son village qui lui ont parlé de cette école.

Phonh vient d'un village de montagne, dont les habitants sont de l'ethnie Khmu et Lao Theung, et pratiquent tous l'agriculture pour leur subsistance, produisant du riz et des variétés locales de légumes. Ses parents possèdent 3 hectares de terre.

Phonh raconte qu'il a vu pour la première fois des intrants chimiques en 2006, quand son oncle a ramené des herbicides dans le village. La même année, des personnes assurant la promotion des méthodes SRI (System of Rice intensification – méthodes pour augmenter les rendements de production du riz) sont venues dans le village et ont distribué gratuitement des engrais chimiques. Depuis, l'usage des produits chimiques n'a cessé d'augmenter.

Aujourd'hui, des entreprises chinoises ont aussi pénétré dans le village en proposant des plantations d'hévéa qui utilisent énormément d'intrants chimiques. Elles accaparent les terres du village en les rachetant aux paysans, qui deviennent alors travailleurs journaliers sur ce qui étaient leurs propres terres.

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Ici, Phonh nous présente le « Banana circle », (cercle de banane), ce système issu de la permaculture a deux objectifs : créer un compost et nourrir en nutriment les bananiers.

Phonh n'a pas envie d'aller travailler en ville dans les usines ou dans la construction comme le font beaucoup des jeunes de son village. Même si l'agriculture biologique représente pour lui un défi, il a envie de tenter l'expérience. Selon lui, la principale difficulté dans sa région est le manque de canaux de distribution. Les agriculteurs biologiques doivent vendre leurs produits au même prix que ceux issus de l'agriculture conventionnelle, faute d'être reconnus par les consommateurs. De plus, l'agriculture biologique demande plus de main d’œuvre, seulement, souvent les paysans ne peuvent se permettre d'embaucher un travailleur journalier sur leurs terres (environ 300 baths par jour – 7€), ils doivent donc travailler toute la journée dans les champs. L'habitude dans ces petites exploitations est que les agriculteurs exercent une petite activité qui peut leur procurer des revenus complémentaires (couture, vente de snacks...), ceux qui travaillent en agriculture biologique n'ont pas ce temps nous raconte Phonh.

Le projet de Phonh est de constituer avec ses amis de l'école HEPA un groupe de jeunes agriculteurs qui seraient membres du réseau Towards Organic Asia et se soutiendraient à appliquer des méthodes comme la permaculture, ne nécessitant pas d'intrants, donc pas d'investissements pour commencer leur activité. Ces méthodes il les apprises à l'école, et il souhaite les appliquer dans son village natal, ses parents le soutienne dans cette idée. Phonh va rester encore quelques mois en Thaïlande, ensuite il continuera sa formation au Vietnam une année et retournera au Laos. Pour Phonh et ses amis, la question de la distribution de leur production sur le marché reste encore une question à laquelle ils n'ont pas de réponse.