Par Marie-Hélène et Emilie (74)
De retour du Mexique et du Guatemala, notre premier témoignage public aura été auprès d’une soixantaine de membres du CCFD - Terre Solidaire réunis en assemblée diocésaine le vendredi 19 octobre à la Roche sur Foron (Haute-Savoie). Etant donné le temps court de présentation (20 minutes), nous avions choisi de présenter notre voyage à travers 5 mots chacune. Bien sûr, nous n’avons pas pu tout aborder et l’exercice a été un peu frustrant... Mais l’auditoire a semblé conquis. Nous avons terminé en expliquant ce qu’était pour nous un voyage d’immersion et en invitant les équipes locales à nous solliciter pour d’éventuels projets d’animation. L’apéritif mexicain a permis de prolonger un peu les échanges et la téquila a rencontré un fort succès, même auprès des plus anciens !
Café:
Le café est destiné principalement à l’exportation. Il est très difficile d’obtenir un label bio officiel ou d’organiser la commercialisation. Il y a énormément de démarches administratives. Certaines coopératives ont crée leur propre label bio, par exemple Ssit Lequil Lum au Mexique.
Les partenaires du CCFD - Terre Solidaire que nous avons rencontrés, l’association DESMI au Mexique et CCDA au Guatemala, aident les paysans dans ces démarches administratives et offrent également des formations à l’agro écologie (utiliser le compostage, les fertilisants naturels…).
Courage :
J’ai vraiment été frappée par le courage des communautés rencontrées.
Certaines ont dû tout reconstruire après avoir fui leurs terres. Les raisons sont multiples : la guerre civile, des terres « récupérées » par le gouvernement ou, tout simplement, un terrain qui devient trop petit pour subvenir aux besoins de la famille qui s’agrandit.
Je garde en mémoire en particulier la rencontre avec la communauté El Esfuerzo au Guatemala qui porte bien son nom (cela signifie l’effort). En 2004, ils ont acheté collectivement un terrain, ont creusé un chemin, ont construit des habitations, une école… Ils sont repartis de zéro. Là-bas comme dans toutes les communautés visitées, j’ai ressenti à quel point le sens du collectif avait son importance.
Salsa :
Au cours du séjour, il y a eu des temps formels où les partenaires nous ont expliqué leur travail, mais il y a eu aussi des temps informels qui nous ont permis de partager leur culture, leur vie quotidienne. Le « cours » de salsa de David en fait partie. Tout cela a permis de créer des liens forts. D’une manière générale, tous les partenaires ont fait preuve d’une grande disponibilité. Plus que des partenaires, nous avons rencontré des personnes, de belles personnes.
Mega Projets :
Il s’agit de tous les grands projets miniers, hydroélectriques ou géothermiques qui voient le jour au Mexique et au Guatemala, et ils sont nombreux. Un de nos partenaires disait que si on regarde une carte de ces projets, le Guatemala aurait la varicelle ! Il en est de même pour le Chiapas au Mexique.
Le problème est que ces méga-projets vont à l’encontre des droits des indigènes qui subissent des pressions pour quitter leurs terres. Leur souveraineté alimentaire est mise en danger. Cela provoque des violences et des conflits.
Au Guatemala, nous avons visité la région du lac Atitlan (bordé par de nombreux volcans) qui devrait faire l’objet d’une exploration géothermique, ce qui va mettre en danger les nombreux pêcheurs qui vivent de ce lac et les gens qui habitent alentours. Une affiche du CCDA dit « Le lac n’est pas à vendre ».
Terre - Mère :
Les régions que nous avons visitées sont des zones maya où la terre a un rôle tout particulier. Cette terre est particulièrement riche et fertile. On a l’impression que tout pousse et partout. Je n’ai évidemment pas tout saisi de ce qu’ils appellent la cosmovision maya. Ce que j’en ai retenu, c’est le lien très fort entre la terre-mère et ses habitants : « En défendant et en respectant la terre-mère, on défend et on respecte l’homme ».
Ce respect de la terre, je l’ai ressenti à l’occasion des cérémonies mayas que nous avons pu vivre, mais avant tout auprès des paysans que nous avons rencontrés.
Indigènes :
Les Etats du Chiapas au Mexique et le Guatemala sont majoritairement peuplés d’indiens, « indigenos ».
Descendants des mayas, ils sont unis en terme de culture tout en ayant une très grande diversité linguistique. Traditionnellement organisés en communautés, leur territoire est objet de convoitise. Ils sont aussi parmi les plus pauvres de la population. Ils sont contraints de s’organiser pour se faire entendre, défendre leur culture et leur territoire. Nous avons été à la rencontre de ces hommes et femmes indigènes qui croient à leur autodétermination.
Maïs :
C’est l’aliment de base des mexicains (avec les haricots) notamment pour la fabrication des tortillas. Le Mexique en est le berceau et compte de multiples variétés de toutes les couleurs. Au Chiapas, il pousse partout même sur les pentes en altitude. Et pourtant le Mexique est devenu importateur à la suite des accords de libre échange (ALENA) avec les Etats-Unis et le Canada.
Réserve naturelle :
Le Sud du Mexique et le Guatemala sont des régions d’une grande biodiversité et d’importantes réserves naturelles ont été délimitées. Mais les hommes ne semblent pas y avoir leur place, ceux qui y vivent même depuis longtemps sont déplacés ou expulsés. Nous ne nous attendions pas aux effets pervers de la protection extrême de la nature….. C’est le témoignage qui nous a été donné par la communauté de Nueva Espéranza au Guatemala empêchée de s’installer durablement sur ce bout de territoire à la suite pourtant d’une catastrophe naturelle (cyclone Mitch) et par les représentants de l’ARIC, association de défense des communautés paysannes à Ocosingo au Mexique.
Migrations :
En visitant le Refuge des migrants à Tenocique à la frontière du Mexique et du Guatemala, accueillis par le Frère Thomas, nous avons pris conscience de l’ampleur de la migration en direction des Etats-Unis. Le Mexique n’est qu’un chemin de transit pour les populations pauvres d’Amérique centrale, souvent de jeunes gens prêts à tous les risques pour le rêve américain. Cela passe par l’escalade de trains de marchandises et la dure rencontre de trafiquants sans scrupules. « Vous direz bien chez vous que nous ne sommes pas des délinquants » nous ont demandé ces migrants.
Un voyage d'immersion, c'est quoi finalement?
Pour moi, un voyage d’immersion permet d’une part de mieux appréhender le travail du CCFD - Terre Solidaire et d’autre part, de porter un nouveau regard sur son propre territoire. C’est ce que l’on va essayer de transmettre lors de nos restitutions : utiliser ce que nous avons vu là-bas pour questionner les gens sur ce qu’ils vivent ici. Notre voyage ne s’est pas arrêté à notre retour en France, il ne fait que se poursuivre…
Emilie
C’est être rapidement plongé dans la réalité du pays visité grâce à la disponibilité de nos partenaires. Ils ont pris le temps de nous présenter et analyser la situation géopolitique et nous faire rencontrer des personnes engagées sur le terrain. Cela nous a permis de saisir l’importance et le rôle d’accompagnement de ces associations partenaires : ne pas faire à la place mais soutenir les plus pauvres dans leur choix et détermination. Cela avec des méthodes originales et respectueuses des personnes suggérant de réels échanges entre partenaires de là-bas et d’ici.
Marie-Hélène