A la découverte de la Bolivie

Ce printemps 2015, la délégation de Haute-Garonne a revu ses connaissances en espagnol… en écoutant une partenaire de Bolivie, de l’association CIPCA, le Centre de recherche et de promotion de la paysannerie. Cette association fondée en 1971 par 3 jésuites défend les droits des populations autochtones paysannes et appuie le développement rural dans 8 des 9 régions de la Bolivie. Un pays dont la superficie fait le double de celle de la France, mais dont la population est 6 fois moins nombreuse.


Jacqueline Guillen Perez est directrice de plaidoyer à Santa Cruz, l’une des 3 grandes villes du pays. Ce plaidoyer concerne la défense des ressources naturelles : 7 marches de paysans ont été organisées pour l’accès à la terre entre 1990 et 2006, avec une répression violente parfois. CIPCA s’est engagé aussi dans la lutte contre le TIPNIS, un projet de route qui devait traverser le pays et un parc naturel sur les terres des autochtones : il a échoué. Aujourd’hui un autre souci avec un projet d’une chaîne hydroélectrique: les barrages prévus fourniraient 90% de leur énergie au Brésil très demandeur et seulement 10% à la Bolivie dont les écosystèmes et populations rurales subiraient par contre les dommages.

La Bolivie est un pays qui bouge beaucoup depuis l’élection en 2005 d’Evo Moralès , premier président d’origine paysanne et autochtone. Une nouvelle constitution  a été rédigée entre 2005 et 2009 et inclut dans ses principes le bien-vivre des peuples, la reconnaissance d’un état plurinational (et donc des autochtones). Sont mises en avant des valeurs comme la réciprocité, la solidarité, la redistribution, l’égalité, la sécurité juridique, l’équilibre, la justice et la transparence ! Voilà qui peut interpeller nos démocraties! De grands espoirs même s’il y a beaucoup à faire pour mettre en œuvre ces principes dans le concret.

Quelques moments forts du séjour de Jacqueline Guillen Perez

Une visite à la paroisse des Minimes dimanche. Lundi deux rendez-vous incontournables avec les média : Radio Présence et TV-Sol, puis une conférence à l’Institut catholique devant quelques étudiants de 1ère année.
Mardi, nous accueillons un observateur supplémentaire, le sympathique cinéaste José Huerta qui travaille pour le CCFD-Terre Solidaire national. Il vient filmer les interventions de Jacqueline et la vie des Délégations Diocèsaines. 1ère étape au lycée agricole d’Ondes, près de Grenade : un professeur qui a rejoint l’équipe de jeunes adultes du CCFD-Terre Solidaire 31, Fabien Escayole, a organisé la rencontre avec deux classes de 1ère et de terminales et motivé 3 autres collègues. Jacqueline est très à l’aise avec les élèves et commence par leur montrer le clip d’une chanson bolivienne. La première classe très motivée pose beaucoup de questions sur la vie en Bolivie, l’alimentation, l’agriculture… C’est aussi l’occasion de découvrir le CCFD-Terre Solidaire à travers quelques affiches liées au plaidoyer.

Le mardi soir, c’est une table-ronde à la Maison de l’environnement, avec France-Nature-Environnement sur la question de la gestion de l’eau ici et en Bolivie. Frédéric Cameo-Ponz, son président, participe au Parlement de l’eau du Comité de bassin Adour-Garonne : il y représente les associations aux côtés des autres instances (pêcheurs, usagers, agriculteurs, industriels, élus…). Les points de vue y sont donc très différents et les conflits sont nombreux: conflits d’usage de l’eau en particulier au sujet de l’irrigation demandées avec insistance par des agriculteurs (cf. barrages de Sivens), conflits liés à l’utilisation des nitrates et des pesticides qui ne diminue toujours pas : la France a été condamnée par l’Europe à ce sujet. FNE se sent très isolée dans sa bataille au sein de cette instance. De manière globale, il pleut pas mal sur la région mais le problème se situe l’été, à l’étiage, d’autant que certaines cultures comme le maïs sont très gourmandes en eau…
Jacqueline a réorienté son exposé et son power-point sur le sujet et explique la nationalisation de l’eau entre 2005 et 2009, suite aux réformes du gouvernement. L’Amazonie qui occupe une grande partie de la Bolivie est riche en eau douce, forêt, minerais… La gestion de l’eau bolivienne est affectée par les modèles productivistes des pays voisins, en particulier le Brésil: élevage intensif et monoculture, secteur minier important à l’air libre, déforestation (200.000 ha déboisés chaque année en Bolivie), méga projet de route et projets de 4 barrages sur le fleuve Madura, surtout attendus par le Brésil…

Mercredi, nous partons pour une journée de terrain à Gragnague, dans le secteur nord de Toulouse, ce qui permet la participation de la Délégation Diocésaine du Tarn et Garonne. D’autres associations liées au développement rural sont invitées: Nord en vie (ex Castel en vie), Terres de lien, la Confédération paysanne… Après quelques errances dans la campagne à la recherche des Jardins du Girou, nous découvrons le dernier né des Jardins de Cocagne de Haute-Garonne, entreprise de réinsertion par l’emploi qui propose des paniers de légumes bio sur un large secteur  toulousain. Son directeur, Laurent Durrieu, présente le projet, né d’une proposition des ASF et de Vinci Autoroutes qui disposaient de délaissés autoroutiers et souhaitait appuyer un projet solidaire! Mais pas assez de terres cultivables ; il a fallu l’appui de la mairie et de l’association Terres de liens pour acheter ce qui manquait à un agriculteur local. Il manque encore 40.000 euros actuellement,  mais le projet a démarré il y a 1 an. Nous visitons les serres avant de rejoindre le foyer rural de Gragnague où un sympathique repas-partage est organisé avec en entrée des crudités cueillies le matin …aux Jardins du Girou.
L’après-midi prend la forme d’une table-ronde où la partenaire bolivienne et chaque association présente son expérience.
Jacques de Barros, de la Confédération paysanne est venu d’Aveyron car il est membre de la commission internationale de la Conf qui travaille avec le plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire. De plus, il connaît bien la Bolivie, où il a accompagné des éleveurs de chèvres dans le Potosi. La Bolivie est très motrice pour faire avancer la souveraineté alimentaire. Evo Moralès n’a-t-il pas dit que le XXIè siècle doit être celui des droits de la nature… Pour la région Midi-Pyrénées, des espoirs avec le développement du bio, mais des inquiétudes avec le départ en retraite massif attendu d’une génération de paysans. Qui va reprendre ? Beaucoup de gros projet, de regroupements de terres…
Terres de liens, créée en 2003, cherche à sortir la terre (bien commun) du marché spéculatif et d’enrayer la disparition des terres agricoles. Aujourd’hui 100 fermes rachetées mais dans des zones rurales. Il faut maintenant agir sur les périphéries des grandes villes et quelque chose s’organise à Toulouse en ce moment. A Terres de liens on distingue la Foncière qui propose des actions à 103 euros et la Fondation qui recueille dons et donations des agriculteurs.
Nord en vie, ex Castel-en vie, créée il ya 11 ans, travaille sur l’amélioration du cadre de vie sur plusieurs communes du Nord de Toulouse, sur les transports collectifs, l’habitat ; elle a favorisé la création d’une AMAP et voudrait protéger certains espaces notamment un petit bois menacé par un projet immobilier.

Le samedi après-midi, un grand temps-fort régional réunit les 3 partenaires à la MJC Croix-Daurade pour « ensemble, construire un monde plus juste » : une après midi festive et riches d’échanges, avec d’abord 2 ateliers sur les projets en Tunisie et Bolivie. Des visages nouveaux et des jeunes aussi…Une table-ronde ensuite autour de l’agriculture paysanne au Sénégal et ici. Et tout se conclut dans la convivialité par une disco-soupe et un concert de musique latino-américaine…

Dimanche, à la salle des fêtes de l’Union, Jacqueline et le partenaire du Sénégal assistent au spectacle de théâtre-forum «  Touche pas à ma terre », monté par la troupe du CCFD-Terre Solidaire 31 : le travail de plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire et la problématique de l’accaparement des terres dans les pays du Sud illustrés de manière percutante et parfois grave. Un peu d’humour avec la présence acrobatique de deux jeunes de l’Ecole du Lido qui ont rejoint la troupe depuis peu. Quelques spectateurs montent même sur scène pour tenter de modifier les situations d’injustice…Les partenaires apprécient cette forme de sensibilisation qui rejoint leur travail de lutte en faveur des paysans privés de leurs droits et chassés de leur terres…

Un séjour très riche donc pour Jacqueline Guillen. Le lien avec CIPCA et l’Amérique latine est d’ailleurs appelé à grandir puisqu’un voyage d’études du CCFD-Terre solidaire régional est prévu en août 2016 à la rencontre de projets en Bolivie, au Pérou et en Colombie. Vamos !

Françoise Laborde, pour l’équipe d’animation du CCFD-Terre solidaire-31