Lundi dernier, 14 mars, la Commission de Développement du Parlement Européen a débattu d’un programme d’aide au développement des pays les moins avancé, appelé N.A.S.A.N. : Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition. Programme vivement contesté par l’ensemble des acteurs de développement du Sud, ainsi que par les ONG du Nord, dont le C.C.F.D.-Terre Solidaire, Action contre la Faim, Peuples Solidaires, et Global Justice Now. Lancée en 2012, la Nouvelle Alliance est un « programme –dit -de développement agricole » financé par les pays du G7 et l’Union Européenne. Son objectif affiché est de sortir 50 millions de personnes de la pauvreté dans 10 pays partenaires d’Afrique, se fondant sur le postulat que l’investissement de sociétés privées internationales dans l’agriculture augmentera la production agricole, ce qui augmentera automatiquement la sécurité alimentaire et la nutrition et réduira par conséquent la pauvreté.
Or, cette initiative a été fortement critiquée par des organisations de la société civile dans le monde entier, au Nord comme au Sud, parce qu’il facilite les accaparements de terres et de ressources naturelles, qu’il affecte les petits agriculteurs et leur droit à une alimentation adéquate, tout en accélérant le processus de privatisation des semences aux mains des grands groupes semenciers. L’ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, a été chargé par l’Union Européenne de rédiger un rapport d’évaluation de la Nouvelle Alliance, qui conclut qu’elle « est sévèrement déficiente dans de nombreux domaines ». Il ajoute qu’elle est, par exemple, « silencieuse quant à la nécessité d’encourager un changement vers une agriculture durable utilisant peu d’intrants ». Le rapport critique également les risques d’accaparement de terres et de privatisation des semences. Il appelle l’Union Européenne et les Etats membres à rendre leur soutien à la NASAN conditionnel à de nombreux changements, soulignant qu’ « aucune de ces améliorations ne sera durable à moins qu’elle soit ancrée à une approche basée sur les droits humains dans le développement agricole ».
Les membres de la société civile, dont les ONG sur le front depuis plusieurs années, ont organisé ce même lundi dernier à Bruxelles, pendant les débats du Comité Parlementaire européen, une action symbolique, mettant en scène l’affrontement entre les grandes multinationales de l’agrobusiness et les petits agriculteurs. Déjà l’Union Européenne a investi plus d’un milliards d’euros dans la NASAN, en plus des contributions des Etats membres de la NASAN. Or, depuis son lancement, la NASAN a un objectif assez clair : favoriser les investissements de multinationales en Afrique en prenant pour alibi la lutte contre la faim et la malnutrition. Non seulement la Nouvelle Alliance ne soutient pas les producteurs de l’agriculture familiale et paysanne qui produisent plus de 70% de l’alimentation, mais en plus elle les affaiblit en permettant aux multinationales de prendre durablement le contrôle du secteur agricole africain, via des réformes législatives à leur profit, imposées aux Etats africains, concernant les semences, le foncier et la fiscalité.
Alors que l’argent de l’aide au développement devrait être utilisé pour les initiatives agricoles qui favorisent l’augmentation des récoltes, des pratiques durables, et la résilience des communautés, cette Alliance ne fait que contribuer à donner des subsides à l’agrobusiness et à leur faire prendre le contrôle de tout un secteur de l’alimentation et de la nutrition des communautés africaines. Au contraire, celles-ci avaient besoin, et auraient besoin, qu’on soutienne financièrement leurs efforts d’agriculture paysanne et familiale.