La signature des Accords de paix en Colombie est annoncée pour le 23 mars 2016. Cela fait suite à un préaccord entre le gouvernement et les FARC, signé en mai 2013. Rappelons que les FARC –les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie-, d’inspiration castriste, font partie de mouvements de guérilla qui agitent la vie des Colombiens, en raison des prises d’otages, auxquels viennent s’ajouter les exactions de groupes paramilitaires, les trafics de la drogue, et toutes sortes de violences liées aux tensions politiques, depuis plusieurs décennies. La Colombie, capitale Bogota, deux fois grande comme la France, avec près de 50 millions d’habitants, est située au nord-ouest de l’Amérique du Sud, jouxtant l’Etat de Panama, et est entourée du Venezuela, du Brésil, du Pérou et de l’Equateur, et regarde deux mers : la Mer des Antilles, au Nord, et l’océan Pacifique à l’ouest.
Pourquoi parler d’accord de paix le mois prochain ? Parce que l’une des origines des conflits qui perdurent depuis plus de 60 ans en Colombie est l’injuste répartition des terres, la concentration foncière étant la plus élevée au monde. Des chiffres clés l’expliquent :52% de la terre appartient à 1,5 % de la population ; 25% de la population vit dans les campagnes, et 6 à 7 millions d’hectares ont été spoliés durant le conflit, soit 15% de la surface agricole. Des propositions ambitieuses de réforme afin de restituer la terre aux paysans et de développer les zone rurales ont été évoquées aux négociations de paix à La Havane en 2013. Mais, dans le même temps, l’absence de remise en cause du modèle agraire productiviste et de la surexploitation des ressources extractives – au bénéfice notamment des entreprises multinationales – menace la réalisation effective de la paix dans les territoires.
Il était prévu : - le renforcement des zones de réserve paysanne, comme moyen de promouvoir l’économie paysanne et l’agriculture familiale ; - la création d’un fonds de terres, afin de favoriser la réinstallation des populations déplacées par le conflit ; - l’amélioration du cadastre pour rétablir une formalisation de la propriété foncière ; - et un ensemble de dispositions pour lutter contre les inégalités sociales, la faiblesse du système éducatif ou le manque d’infrastructures des territoires ruraux. Un projet ambitieux et porteur d’espoir, mais pour se faire, il faudrait des améliorations palpables des conditions de vie des populations et la remise en cause de certains modèles existants.
Or, les difficultés s’accumulent. Le gouvernement est peu engagé dans la redistribution des terres, ne sachant toujours pas combien d’hectares et quelles zones seront concernées. Depuis le précédent de la Loi sur la restitution des terres adoptée en 2011, les paysans déplacés par le conflit n’ont récupéré que 1% de leurs terres, et les défenseurs des droits de l’homme qui luttent pour leur retour sont de plus en plus menacés par les groupes armés. Enfin, plusieurs initiatives gouvernementales récentes promeuvent un modèle agraire productiviste et extractiviste (avec un accès facilité aux ressources énergétiques, minières et pétrolières), reposant sur la concentration foncière. Le gouvernement défend notamment la création de « Zones d’Intérêt de Développement Rural et Economique », par l’attribution de vastes territoires, dit « non occupés », à des grands groupes de l’agro-industrie.
Il est louable et plein d’espoir de paix de prétendre engager une « transformation structurelle » des campagnes à travers la réalisation d’une réforme rurale intégrale, et qui aborde non seulement les questions d’accès à la terre, mais aussi la garantie des droits fondamentaux des populations et communautés rurales longtemps marginalisées. Si c’est une route totalement différente qui est prise, il sera très difficile d’envisager une réussite des Accords de paix prévus le 23 mars en Colombie !