Le 24 avril 2013, il y a exactement 2 ans, à Dacca, au Bengladesh, l’immeuble Rana Plaza, qui hébergeait plusieurs usines de confection textile, s’effondrait, provoquant la mort de 1138 personnes et plus de 2 000 blessés. Les ouvrières ensevelies sous les décombres, travaillaient pour des marques internationales de vêtements parmi lesquelles Auchan, Carrefour, Benetton ou Camaïeu. Deux ans après cette catastrophe, les victimes attendent toujours justice et réparation malgré les nombreuses interpellations et actions de la société civile. Les multinationales impliquées comptent encore leurs sous pour indemniser les victimes. Et la plainte déposée par le collectif Ethique sur l’Etiquette, Sherpa et Peuples Solidaires à l’encontre d’Auchan pour pratique commerciale trompeuse a été classée sans suite. L’entreprise s’est finalement engagée à participer au fond d’indemnisation des victimes, mais elle n’a jamais reconnu sa responsabilité dans ce drame. En effet, à ce jour la responsabilité des grandes marques internationales pour lesquelles travaillaient les usines de confection du Rana Plaza ne peut être établie en l’absence de cadre juridique adapté.
Cette situation d’irresponsabilité dans les exploitations des personnes, des biens et des ressources des pays en développement est malheureusement constatée dans bon nombre de lieux et pour une grande variété d’activités. Ce sont les déversements de rejets toxiques en Côte d’Ivoire, l’esclavage de populations birmanes déplacées dans la filière des crevettes en Thaïlande, le scandale des minerais du sang en République démocratique du Congo, les accaparements de terres et les conditions de travail indignes dans bon nombre de pays d’Afrique notamment, et les importations majoritaires de bananes en Europe prétendument issues de l’île anglo-normande de Jersey ! Les activités des multinationales dans les pays du Sud, entre autres, riment trop souvent avec violations des droits humains et accaparement des ressources, soutiens indirects à des conflits, et évasion fiscale massive. Car si le marché a ses règles, les populations ont aussi leurs droits élémentaires !
En France, une avancée décisive, mais non définitive, a été obtenue, avec l’adoption en première lecture de la loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants, votée par l’Assemblée Nationale le 30 mars dernier, fruit d’un patient travail de la société civile et de députés tenaces. Cette nouvelle obligation de prévention et de respect des droits humains par les grandes multinationales pourrait néanmoins rester lettre morte et ne jamais entrer en vigueur si la loi n’est pas examinée au Sénat. Or la volonté du gouvernement de faire aboutir ce texte est loin d’être évidente, puisque aucun calendrier d’examen du projet, entre les deux assemblées, n’a été annoncé. Les organisations de la société civile demandent un engagement ferme du gouvernement pour l’inscription du texte à l’agenda du Sénat et appellent les sénateurs à se mobiliser en vue de son adoption. L’Etat français doit encadrer les activités de ses multinationales dans les pays du Sud afin qu’elles contribuent réellement au développement, par la création d’emplois et de richesses et respectent les droits humains. Pour cela, il faut que les multinationales soient rendues juridiquement responsables de leurs actes et des atteintes aux droits humains et à l’environnement, générées par leurs filiales et sous-traitants. Qu’elles ne se fournissent plus en ressources naturelles qui alimentent les conflits armés, et qu’elles payent des impôts partout où elles exercent leurs activités. Toutes ces questions de justice concernent certainement les responsables économiques et politiques, les organisations non gouvernementales, mais aussi bien sûr, chacun d’entre nous !