Visite d’un marché puis d’une exploitation familiale

 

Débarquement en ville. Il y a un marché sur la grande place, des étals et des gens un peu partout. On nous regarde un peu comme des zombies, c’est vrai que nous avons un look pas vraiment du coin. Ca vend, ça achète. Sur des petits stands de restauration, certains cassent déjà la croûte, d’autres se ruinent à la Cachassa.

 

Dans une petite rue attenante, une dizaine de stands tenus par des paysans liés à l’ASPTA. Ils y vendent beaucoup de salades, des herbes aromatiques, quelques fruits. N’oublions pas que c’est l’hiver ici. Chacun a suspendu au dessus de son étal le certificat officiel attestant que les produits sont issus de l’agro-écologie. Les prix ne sont pas plus chers qu’ailleurs, et c’est un choix des paysans. Les produits doivent être accessibles au plus grand nombre, y compris les plus pauvres. Et puis il n’y a pas de perte, il existe un accord avec le gouvernement qui assure le rachat de la totalité des invendus, pour approvisionner les banques alimentaires.

 

Nous échangeons avec ces petits paysans. Ils nous disent comment le choix de l’agro-écologie a été salvateur pour eux. Leur niveau de vie s’est considérablement amélioré, leur pouvoir d’achat a environ doublé, et ils peuvent maintenant avoir des salariés à demeure. Ils nous disent au moins quatre fois combien ils sont fiers de notre visite et de notre curiosité à leur égard.

 

Nous partons ensuite chez Paulo et Safina, un couple d’une cinquantaine d’années. Ils sont arrivés ici il y a 12 ans, dans le cadre d’un acampamento du MST, sur une terre occupée par une fazenda appartenant à un parlementaire de l’état. Un an plus tard, ils avaient un titre de propriété pour 12 hectares, trois ans plus tard, une maison de cinq pièces.

Contrairement à ce que l’on a vu jusque là, tout est coquet ici. Safina aime les plantes, les fleurs, les arbustes. Il y en a un peu partout, c’est chouette, colorée et harmonieux. Contre la maison, Safina élève une vingtaine de poules, dans un parc grillagé rempli de cactus.

 

Paulo nous fait d’abord visiter ses réserves d’eau. Elle est rare ici, nous sommes en terres semi-arides. Depuis quelques années, il a équipé son toit de gouttières, qui collectent les eaux de pluie et les acheminent vers deux citernes de 16 000 litres chacune. Derrière la maison, une grande plate- forme de béton, qui permet également la collecte d’eau en direction d’une troisième citerne de 54 000 litres. Elle porte une plaque officielle avec le numéro 003505. Paulo a en effet bénéficié du programme fédéral « un million de citernes ». Cool, la plate forme permet également de faire sécher le haricot à la saison sèche.

 

Nous partons ensuite du côté du jardin. Des espèces de toutes sortes : fruits, légumes, arbustes. Paulo aime la nature et les plantes, et adore faire des expériences. Il essaie tous types de plantation, fait des essais, tire des conclusions, systématise les réussites. Alors que tout le monde en riait, lui qui voulait faire pousser des fruits où les fruits ne poussent pas, il est maintenant copié.

 

Nous continuons la visite un peu plus loin, sur une parcelle de quelques hectares, où Paulo fait d’autres expériences, notamment sur la qualité des semences. Il a planté là un champ de maïs avec des graines issues de 12 variétés différentes. Régulièrement, et jusqu’à la récolte, il organise des visites sur site avec des paysans, des universitaires et l’équivalent de notre CNRS. L’objectif : prouver que les trois variétés traditionnelles de maïs du secteur sont les plus appropriées à la région semi-aride, et qu’elles sont à intégrer dans les programmes gouvernementaux de distribution de semences. Entre les rangs de maïs, ils cultivent d’autres espèces. Ainsi, les plantes se protègent les unes des autres, elles nourrissent le sol en complémentarité, et quand une année est mauvaise pour une espèce, il n’y a pas de catastrophe, et toujours quelque chose à mettre sur la table.

 

Nous repensons à nos visites dans les acampamentos. Il y a vraiment de l’espoir à avoir. La lutte n’est pas facile, mais le résultat est sous nos yeux. Ca marche, tout simplement. Paulo et Safina sont debouts, libres, indépendants, sortis pour de bon de la misère !