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9 avril 2013
Quelques précisions sur l’appel « non à la disparition des associations »
pour le maintien des financements associatifs et la reconnaissance du rôle des associations dans la société
La restauration d’un climat de confiance doit se traduire par la reconnaissance du rôle des associations citoyennes et par leur financement
Il est nécessaire de réaffirmer solennellement que les associations constituent l'un des piliers de notre vie démocratique, sociale et culturelle. Dans les territoires, elles sont le creuset de la démocratie et de la participation citoyenne et jouent un rôle d'alerte indispensable.
Elles jouent également un rôle essentiel pour innover, inventer des solutions adaptées face aux enjeux des territoires, que ce soit en matière de transition écologique, de lien social, de participation, de services ou de développement économique. De très nombreux besoins sociétaux sont couverts par leurs activités dans un but d'éducation, de justice et de dignité des personnes, de solidarité, de lien social, de coopération, de participation citoyenne, de pratiques culturelles et sportives, etc.
Les associations donnent un sens à l'engagement de 16 millions de bénévoles, dans une logique de désintéressement et de réciprocité. S’il venait à disparaître, cet apport des associations ne pourrait être remplacé. Aucune société ne peut exister sans cette contribution et la cohésion qu'elle apporte.
Les associations représentent également l’essentiel de l'économie sociale et solidaire. Elles produisent des richesses matérielles et immatérielles. Toutefois ce ne sont pas, pour la plupart d'entre elles, des entreprises commerciales dans la mesure où leur projet associatif répond à des besoins collectifs, où elles fonctionnent sur un mode désintéressé, avec une participation démocratique des membres, en faisant une large place à l'engagement bénévole.
L'État doit pour 2014 apporter aux collectivités les moyens d'exercer leurs missions
Décisions budgétaires
L'État doit pour 2014 apporter aux collectivités les moyens d'exercer leurs missions et maintenir la multitude des lignes de crédits nécessaires. On n'en prend pas du tout le chemin. Le Premier ministre vient d'annoncer 5 milliards d’euros d’économies budgétaires nouvelles pour 2014. Ces restrictions s'ajoutent aux économies décidées initialement dans le cadre de la loi de programmation 2013-2015, alors que celle-ci prévoyait déjà une baisse des dotations de l'État aux collectivités1, ajoutant que « cet effort portera principalement sur les dépenses hors masse salariale. Les collectivités territoriales doivent également prendre part à l’effort de redressement avec en 2013, la stabilisation des concours de l’État, puis leur réduction progressive2 ». Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), a demandé le 5 mars à Jean-Marc Ayrault de "changer sa façon de travailler", après cette annonce unilatérale d'une deuxième baisse des dotations de l'Etat. Les maires, a-t-il déclaré, s'alarment de "l'effet de ciseau" provoqué par la conjugaison d'une réduction des dotations et d'une hausse des charges, estimée à 2 milliards pour la seule année 2013. Selon M. Pélissard, "cela risque de peser sur les subventions aux associations, et sur les investissements ». Rappelons que les communes assurent 75% des financements publics des associations sans salarié.
Faiblesse des politiques d'austérité
Un euro de restriction budgétaire génère en période de récession 2,5 euros de perte de revenu national, admet aujourd'hui le FMI3, et avec un taux de prélèvements obligatoires de 45 % il génère mécaniquement 1,2 euros de pertes de recettes fiscales ou sociales. Les économistes du FMI craignent aujourd'hui que la généralisation de l'austérité et de la consolidation budgétaire dans le contexte global actuel ne conduisent tout simplement le monde vers une récession de grande ampleur.
1 En compensation aux charges nouvelles imposées aux collectivités par les transferts de compétences
2 http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl0234.asp
3 Voir Le Monde 28 janvier 2013 http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/01/28/erreur-de-calcul-du-fmi-ou-exces-des-zelateurs-de-l-austerite_1823437_3234.html
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Le coût d'un emploi associatif
Les emplois associatifs ne sont pas aidés à 100 % mais à un taux moyen de 50 %, supérieur pour les associations gestionnaires, inférieur pour les petites et moyennes associations.
Un calcul simple montre pour les emplois associatifs non aidés, la suppression de la subvention génère une perte de rentrées sociales et fiscales supérieure à l'économie budgétaire dès lors que le taux de subventions est inférieur à 45 %. Pour un emploi rémunéré à 1,2 % le SMIC. Un salaire net de 15 600 € (salaire brut 20 000 € annuel) conduit à un total (salaire et cotisations sociales) de 28 400 € et génère le paiement de 12 800 € de cotisations sociales. Si la suppression de l'aide publique conduit à la disparition de cet emploi, la perte de recettes sociales et fiscales est de 12 800 €. Si le taux de subvention est de 40 % par exemple, l'économie budgétaire liée à la suppression de cette subvention est de 11 300 euros. La puissance publique perd de l'argent.
Sal net (cot sal 22 %)
salaire brut
cot pat 42% du brut)
total
Salaire associatif net annuel, à hauteur de 1,2 SMIC en moyenne
15600
20000
28400
Cotisations salariales 22 %
4400
8400
12800
Ce raisonnement n'est pas exact pour les emplois associatifs aidés, qui sont soit exonérés de cotisations sociales employeurs, soit imposés à 14 % avec le dispositif Fillon pour des salaires à hauteur du SMIC. Dans ce cas, la puissance publique semble « économiser » tout ou partie du montant de la subvention.
Mais dans tous les cas, il convient de prendre en compte le coût du chômage évité. La mise au chômage d'un salarié (associatif ou non) se traduit des allocations-chômage et par les effets indirects sur le fonctionnement de la société et sur le développement des territoires. Il est significatif que ce travail qui était pratiqué dans les années 1990 ait été abandonné. Nous ne disposons pas encore d’éléments chiffrés suffisamment probants, mais si l'on divise le coût des allocations-chômage (45 milliards d'euros) par le nombre de chômeurs (3 millions) cela donne une moyenne de 15 000 € par an et par chômeur. Même si cette somme est inférieure pour les bas salaires, elle semble être d'un niveau comparable à celui de la subvention « gagnée ».
Une position incompréhensible pour les associations
Ces actions sont plus que jamais nécessaires dans la conjoncture actuelle pour amortir les effets du chômage, de la pauvreté et de la souffrance sociale, et à plus long terme pour inventer des solutions face à la crise. Ce sont des emplois non délocalisables, répartis sur les territoires, qui contribuent à l'insertion professionnelle. Les associations ont proportionnellement créé depuis 10 ans beaucoup plus d'emplois que le secteur privé. Tout ceci répond aux objectifs affichés par le Président de la République. Alors que celui-ci affirme vouloir tout faire pour gagner la bataille de l'emploi, il est paradoxal qu'il renonce à utiliser l'arme des emplois associatifs.
Les associations créent des richesses multiples, à travers l'action des salariés comme des bénévoles, qui constitue une perte nette pour la société, d'un intérêt non monétaire, lorsque la rupture des financements les conduits à mettre la clé sous la porte. Le travail associatif représente un capital qui ne sera pas reconstitué s'il vient à être détruit, et qu'il faudra remplacer en partie par des services lucratifs qui coûteront beaucoup plus cher, pour une qualité moindre. Nous
Cette politique incompréhensible ne peut pas s'expliquer par une démarche rationnelle. Même si le gouvernement reste sourd au rôle sociétal des associations, il n'est pas acceptable que celles-ci fassent l'objet de décisions aveugles.
Quand 500 emplois sont supprimés dans une branche industrielle fortement syndicalisée, tous les médias en parlent et le gouvernement agit. Quand 20 000 emplois sont supprimés de façon dispersée sur le territoire par les associations, le mutisme est total. C'est pourquoi il faut que les associations se fassent entendre.
La subvention doit être confortée et privilégiée
Cet objectif semble partagé par tous les partenaires, y compris les administrations de l'État, les coordinations associatives et certaines collectivités, conscientes du rôle sociétal des associations. Cependant, certains grands réseaux associatifs se sont convertis pour survivre à des logiques de marché et ont la taille suffisante pour répondre à des appels d'offres. Certaines collectivités trouvent plus pratique ou plus confortable de généraliser les appels d'offres, même si cela leur coûte plus cher. L'appel se situe clairement en appui à la légitimation de la subvention ( ?).
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La subvention ne constitue pas la compensation d’un service rendu, mais la reconnaissance de l’intérêt d’un projet associatif
La loi-cadre pour l'économie sociale et solidaire va donner une définition de la subvention afin de contrebalancer le poids du code des marchés publics. Il convient cependant de différencier radicalement la subvention de la compensation d'une mission de service public. D'où la proposition de rédaction de 2 articles de loi pour définir les formes d'aides publiques : la subvention, qui est une aide financière attribuée de façon discrétionnaire à un projet associatif (ou coopératif, personnel, etc.) et la compensation d’une mission de service public, faisant l'objet d'un mandatement, en compensation des surcoûts induits par ces obligations de service public.
Les subventions de fonctionnement doivent être réhabilitées
La subvention ne constitue pas la compensation d’un service rendu mais la reconnaissance de l’intérêt d’un projet associatif. Or, de plus en plus, l'État et les collectivités entendent financer des projets particuliers et ne reconnaissent plus la nécessité de contribuer aux charges de structures. Dès lors que l'État ou les collectivités reconnaissent l'importance pour une association de développer un projet associatif au service de ses membres et de l'intérêt général, et sa contribution à la vie sociale, culturelle, démocratique du pays et des territoires, il est légitime qu'ils contribuent au financement de la réalisation de ce projet dès lors que celui-ci répond à l’intérêt général, territorial, à la cohésion sociale ou culturelle.
L'appel ne réaffirme pas la nécessité de conventions pluriannuelles d'objectifs car l'accord est général sur cette position. La convention pluriannuelle d'objectifs permet de reconnaître facilement les charges de fonctionnement.
Si la charte d'engagements réciproques renouvelée reconnaît la contribution essentielle des associations à l'intérêt général, il faudra se mettre autour de la table pour savoir comment les associations peuvent trouver leurs moyens de fonctionnement. Ce problème est particulièrement crucial pour les têtes de réseau nationales ou régionales qui ne peuvent pas s’autofinancer auprès de leurs membres. Cette fonction est cruciale pour la cohésion du mouvement associatif et l'efficacité des structures locales.
Simplifications administratives et adaptation des règles à la diversité des situations associatives
Certaines règles de comptabilité publique doivent être révisées car elles ont été définies dans la période heureuse mais lointaine où les associations pouvaient percevoir dès le mois de février de l'année en cours une avance de subventions leur permettant d'assurer la continuité des actions. Aujourd'hui, avec la succession de gels et de dégels budgétaires, pouvant parfois se transformer en une glaciation définitive, les associations n'ont l'assurance de leurs financements qu'au second semestre, empêchant l’action de se terminer au cours de l'année civile. De même, l'application stricte de la règle de l'antériorité conduit à ne pouvoir justifier qu'une partie des dépenses afférentes à une action, notamment des cotisations salariales, plus que dans la pratique il est bien nécessaire de commencer les actions avant d'avoir l'assurance de financement.
En revanche, les textes continuent d'imposer une évaluation avant la fin de l'exercice budgétaire, en particulier lors du renouvellement des conventions pluriannuelles, mais également pour des financements annuels. Cela oblige à effectuer des évaluations purement formelles auquel personne n'a intérêt.
C'est pourquoi, si la promesse présidentielle d’une conférence annuelle avec les associations se vérifiait, des simplifications pourraient être proposées dans ce cadre, en lien avec la Commission pour les simplifications administratives.
Rappelons que depuis la circulaire du 24 décembre 2002, aucune pièce comptable n'est à joindre à l'appui du dossier s'agissant d'une première demande et jusqu'au seuil fixé à 23 000 euros. Au-delà, le premier dossier déposé pourrait servir de base à la constitution d'un dossier permanent disponible sur internet.
Les appels à projets peuvent constituer des formes souvent proches de celles des appels d’offres
Le gouvernement a laissé entendre qu'il souhaitait privilégier, comme remède à la généralisation des appels d'offres, la mise en place d'appels à initiatives, qui constitue une nouvelle appellation des appels à projets. L'observation des pratiques réelles des collectivités sur le terrain conduit à distinguer plusieurs formes d'appels à projets. Certains ont pour objectif de conforter le projet associatif dans sa globalité et respectent l'initiative de l'association (par exemple le FRDVA de la région Île-de-France). D'autres sont proches d'appels d'offres dans la mesure où ils correspondent à des besoins précis de la collectivité, ce qui se traduit par un cahier des charges extrêmement directif (exemple du projet Art au collège que le Conseil Général 93 voulait lancer sous forme d'appel d'offres, et qu'il a transformé en appel à projets devant l'opposition de
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certains élus, sans vraiment modifier son contenu). C’est pourquoi les appels à projets ou les appels à initiatives ne sauraient devenir le mode habituel d'attribution des subventions.
Cependant, l'appel à projet est par nature très différent d'un appel d'offres. Le choix reste aux mains du politique (à la différence de l’appel d'offres qui devient totalement technique). L’association reste maître d’ouvrage et peut rechercher des cofinancements. Enfin, la subvention par appel à projets sort de l’assiette du calcul de la fiscalisation. Ces avantages sont substantiels quand même et peut se justifier lorsque la collectivité veut ouvrir le champ à des opérateurs potentiels, ou en changer ;
Par ailleurs, l'appel à projets peut être légitime lorsqu'une collectivité veut ouvrir le champ à des opérateurs nouveaux ou se trouve face à des associations qui ne se renouvellent pas. Des associations seniors ou bien introduites peuvent monopoliser un domaine d'action de la collectivité, et empêcher que des nouvelles initiatives puissent être accompagnées alors que les moyens n'augmentent pas. Le financeur a parfois besoin de se débarrasser des « abonnés ». Certaines collectivités utilisent les appels à initiatives pour remettre en cause le financement des associations installées. Mais d'autres collectivités en savent le faire en utilisant la subvention. Au total, l'appel à l'initiative n'est pas un remède miracle.
Beaucoup d’actions associatives ne sont pas des activités économiques au sens européen du terme
La question posée est celle de l'articulation entre la réglementation française et la réglementation européenne, qui ne prend en compte que les actions qu'elle qualifie d'économiques, car la préoccupation de l’Union européenne est de garantir la libre concurrence.
Mais qu’appelle-t-on à Bruxelles activité économique ? C’est une activité qui consiste à produire ou vendre des biens ou des services sur un marché, caractérisée par une offre et une demande. Toute entité exerçant régulièrement une activité économique est qualifiée d’entreprise, quel que soit son statut juridique4. La rémunération peut provenir ou non de l'usager ou du client. Cette notion est extrêmement large car elle englobe des activités susceptibles d’être vendues. Il suffit qu’une entreprise privée s’intéresse à une activité associative et propose des services, par exemple en matière d’accompagnement scolaire, pour que cette activité devienne marchande aux yeux de la Commission. Saisis par la peur du juge européen, certains services de l'État estiment que toutes les actions associatives peuvent être qualifiées d'économiques, comme l'a affirmé la circulaire Fillon.
Cependant, une association peut distribuer des salaires et jouer un rôle économique par son activité sans être considérée comme une entreprise, car elle ne vend rien sur un marché. Il y a donc un débat au cas par cas pour déterminer la nature des activités (économiques ou non économiques). Au cours des dernières années, le gouvernement n’a pas cherché à clarifier ce débat. Bien au contraire, l’interprétation française est allée au- delà des règlements européens.
De nombreuses activités associatives doivent être considérées comme des activités non économiques ou des services non économiques d’intérêt général
Toutes les activités associatives ne sont pas des services. Pour qu'il y ait service, il faut un prestataire et un usager. De nombreux projets associatifs sont réalisés par les membres de l'association, plus dans une logique d'entraide que de service. Une telle activité d'auto réalisation n'est évidemment pas assimilable à une vente sur un marché.
Lorsque l'activité a le caractère d'un service, 3 cas de figure se présentent :
- L'activité n'a pas de caractère économique. Il est possible de soutenir cette option dès lors que la finalité de l'action, la façon dont elle est menée et la nature des relations financières l'éloignent de la définition donnée par l'Union européenne des activités concurrentielles. Ce peut être le cas par exemple des activités culturelles, sanitaires et sociales, d'éducation ou d'éducation populaire, dès lors que le projet éducatif, culturel ou de santé est en référence directe avec l'intérêt général et le respect des droits fondamentaux. Dans certains pays européens, la loi a affirmé le caractère non économique de ce type d'activités, ce que n'a pas fait le gouvernement français qui a au contraire soumis ce type d'actions à la loi du marché au-delà de ce qu'imposait la réglementation européenne. Les commissaires européens ont maintes fois répété que « la France n'utilisait pas toutes les ressources que lui offrait la réglementation européenne ».
4 Règlement 800/2008, annexe 1, paragraphe 1
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- L'activité a un caractère économique, mais l'aide qu'elle reçoit ne constitue pas une « aide d'État »,
c'est-à-dire une aide nationale aux entreprises. La réglementation des aides d'État interdit des subventions
aux activités économiques au-delà d'un certain seuil de subventions, fixé aujourd'hui à 500 000 € sur 3 ans.
Au-delà de ce seuil, les subventions ne sont autorisées que si elles correspondent à une activité d'intérêt
général, ayant fait l'objet d'un mandatement, dans la limite du surcoût occasionné par les obligations de
service public. En deçà du seuil l'aide est jugée trop modique pour fausser la concurrence, et les actions
possibles sans obligation d'un mandatement.
- L'activité a un caractère économique, l'aide qu'elle reçoit constitue une « aide d'État ». Dans ce cas, le
mécanisme proposé par la circulaire Fillon constitue une solution satisfaisante dans son principe : la
signature d'une convention pluriannuelle d'objectifs équivaut à un mandat par lequel la puissance publique
reconnaît le caractère d'intérêt général de l'activité menée par l'association. Mais l'aide accordée cesse d'être
une subvention pour devenir une compensation, ce qui va poser de plus en plus de problèmes. Les modalités
de calcul de la surcompensation, qui étaient peu précises en 2010, sont en cours de redéfinition au niveau
européen, ce qui risque de rendre complexe la justification des aides accordées. C'est pourquoi il paraît
préférable d'étendre au maximum le champ des actions non économiques.
Le gouvernement doit protéger certaines de ces activités de l’extension indéfinie du champ de la
concurrence
La loi peut reconnaître que certains services nécessitent, par leur nature, d’être réalisés sur une base non
lucrative. La Cour européenne de justice a admis en 1997 dans l'arrêt Sodemare5 qu’il peut être justifié de
soumettre un prestataire à l’exigence de ne pas poursuivre de but lucratif lorsque la nature du service le
justifie. En substance, « le traité ne s'oppose pas ce qu'un État membre subordonne la réalisation d'actions
tournées vers la solidarité à la condition que les opérateurs ne poursuivent aucun but lucratif ». Bien que cet
arrêt soit antérieur à la Directive Services, il constitue un point d’appui pour considérer que des services
lucratifs relevant du même domaine d'activité ne sont pas de même nature dès lors que le travail associatif
comporte une part de relations humaines, une plus grande crédibilité liée à ses finalités et à sa non lucrativité,
un autre rapport au temps, etc., qui sont substantiellement nécessaires à la relation qui constitue le service.
On peut arguer que ces activités ne sont pas sur le même marché dans la mesure où l’offre et la demande ne
sont pas les mêmes.
La diversité associative est un trésor national qui doit être préservé
L'immense majorité (82 %) des 1 300 000 associations est composée d'associations sans salariés
(1 135 000 soit 82 %) ou de moins de 10 salariés (128 000 associations soit 10%). Seules 37 000
associations comptent plus de 10 salariés (3 %). Cependant, ces 37 000 associations regroupent 82 % des
1 800 000 emplois associatifs. La concentration est encore plus importante si l'on considère que les 7700
associations qui emploient plus de 50 personnes, représentent à elles seules 46 % du total des emplois.
Nombre d’associations selon leur taille
Pas de salariés
Moins de 3
De 3 à 5
De 10 à 19
De 20 à 49
De 50 à 100
Plus de 100
Nombre total de salariés selon la taille des associations
Pas de salariés
Moins de 3
De 3 à 5
De 10 à 19
De 20 à 49
De 50 à 100
Plus de 100
Au cours des dernières années, la politique associative a été définie pour et par les associations les plus
importantes. Comme celles-ci sont pour la plupart insérées dans le marché et dotées de services juridiques,
l'assimilation de toutes les associations à des SIEG ne les a pas choquées. Mais quand on parle de l'utilité
sociale de 16 millions de bénévoles, c'est bien entendu à la masse des associations que l'on fait allusion. Il est
donc nécessaire de différencier en termes de reconnaissance, de réglementation et de financement, le cas des
5 Voir le texte et la référence de l’arrêt sur http://www.associations-citoyennes.net/?p=83
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petites et moyennes associations de celui des associations gestionnaires. Si la loi distingue la subvention de la compensation de services publics, un pas en avant aura été fait.
Diverses rumeurs ont circulé ces dernières semaines disant que la circulaire Fillon ne serait modifiée qu'à la marge par le ministère de la vie associative. L'appel réaffirme la nécessité de prévoir dans la réglementation plusieurs cas de figure, comme semble le prévoir la loi.
Lutter contre les politiques qui ont pour effet de réduire fortement le nombre d'associations
« Il est nécessaire de définir un cadre juridique, comptable et administratif approprié pour les petites et moyennes associations en luttant contre la volonté de certaines collectivités et ministères de réduire fortement le nombre d’associations ».
Les politiques menées par un certain nombre de collectivités et de départements ministériels reçoivent pour objectif, en application de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances6) de concentrer les financements sur les plus grosses associations. C'est ainsi que la direction de l'action sociale du ministère de la solidarité, qui auparavant finançait 350 associations, s'est vu fixer pour objectif de réduire ce nombre à 150, au nom d'une soi-disant productivité des services. Les mêmes orientations, liées au « new public management », sont appliquées par certaines collectivités. Il est nécessaire de revenir sur ces orientations et de lutter contre ces politiques de concentration des associations en veillant à la possibilité de financer des projets de faibles montants. Le saupoudrage ne résulte pas du faible montant mais de l'absence d'objectifs.
Ce respect de la diversité associative passe également par des modèles diversifiés de convention. Aujourd'hui, le modèle unique de convention CERFA pour l'attribution de financement est adapté aux associations importantes, mais dissuasif pour les petites associations. Des modèles simplifiés de conventions pourraient être établis en fonction du montant des aides accordées, de la nature des activités et du dialogue préalable entre l'association et les administrations concernées. Ces modèles de conventions doivent être centrés sur le projet associatif plus que sur la structure.
Afin d'assurer l'égalité de traitement entre les associations selon leur taille et leur antériorité, des structures d'appui spécifique pourraient être mises en place, à l'initiative de l'État déconcentré ou des collectivités, aux petites et moyennes associations pour les aider dans leurs démarches administratives, en particulier par rapport aux instances communautaires.
Développer la participation citoyenne
La participation citoyenne doit être encouragée pour donner une place centrale au citoyen dans la vie politique et à l’engagement du plus grand nombre.
Dès l'origine, les clubs politiques, les sociétés d'entraide de secours et les associations professionnelles ont été les creusets du débat politique sur lequel s'est construite la République. Aujourd'hui encore, les associations constituent des écoles de citoyenneté irremplaçables, au service de l'ensemble de la vie politique et sociale. La démocratie ne s'exerce par seulement au sein des instances représentatives, mais également au sein des regroupements libres de citoyens. Les associations constituent des espaces de confiance, d'éducation citoyenne et de solidarité qui comme on l’a dit donnent un sens à l'engagement de 16 millions de bénévoles, dans une logique de désintéressement et de réciprocité.
La participation citoyenne passe en particulier par le développement de relations partenariales entre les associations et les collectivités. Alors que l'abstention connaît des sommets et que le vote d’extrême droite progresse dans les zones rurales comme dans les quartiers, il paraît aberrant que l'acte III de la décentralisation oublie tout simplement la participation citoyenne. Le sauvetage et le développement des associations ne dépendent pas que de conditions financières mais aussi d'un environnement favorable pour que les collectivités soient aujourd'hui les mieux à même d'assurer : pédagogie de la citoyenneté, encouragement à la mobilisation citoyenne, architecture institutionnelle dynamique prenant en compte le développement local participatif, cadre juridique de la contractualisation, processus, procédures et instances de la démocratie participative, acteurs publics participant à la prise en compte des projets territoriaux. La loi doit aborder ces points pour apporter aux associations un environnement favorable. Mais on en est loin.
La récente décision gouvernementale de scinder en trois lois distinctes le projet de loi initiale peut permettre d’une part de déposer des amendements parlementaires dans les 2 premières lois relatives aux métropoles et aux régions, d'autre part d’instaurer un vaste débat sur la nécessité d'inclure un volet sur la participation
6 Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_organique_relative_aux_lois_de_finances
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citoyenne dans la troisième loi relative aux « solidarités territoriales ». En réponse à une initiative de Michel Dinet, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, Mme Marylise Lebranchu envisagerait d’organiser au mois de mai 2013 une journée de débat autour de cette question (d'où l'expression au pluriel « des lois de décentralisation »).
La demande d'un engagement du Premier ministre
Outre les débats autour de la loi de décentralisation, de multiples concertations ont été lancées par les différents ministères en matière de politique de la ville, de création culturelle, d'environnement, de solidarité internationale, etc. L'appel souligne la nécessité d'une cohérence dans le dialogue civil, c'est-à-dire la prise en compte des associations dans la préparation des décisions. Un simple exemple : pour la révision du code de l'environnement, seules 8 ONG ont été consultées, dont certaines sont de grandes organisations para administratives et d'autre des multinationales de l'environnement, alors que des dizaines de milliers d'associations de terrains ont beaucoup de choses à dire. D'où la nécessité d'une approche interministérielle de cette question, sous l'autorité du premier ministre. La politique associative n'est pas une politique additionnelle disposant de très faibles moyens, mais doit être une des dimensions d'un certain nombre de politiques publiques. La même question se pose au niveau des Régions, des départements et des villes.