Les légumes vendus par le Thai Green Market par le biais de l'AMAP sont-ils « vraiment » biologiques ? je vous avais laissé avec cette question en suspend dans le dernier article.
On peut déjà se poser la question du sens de « vraiment biologique », par là, je voulais dire, y-a-t-il une certification biologique pour ces produits ?
Alors, vraiment bio comme en Europe ? Bien souvent non.
Les agriculteurs que nous avons rencontré sont pour la plupart non certifiés en agriculture biologique. La certification est chère pour les agriculteurs qui n'en voient pas réellement l'attrait puisqu'ils ont déjà un canal de distribution (l'AMAP) qui a validé leurs pratiques et les vérifient régulièrement. Pour d'autres agriculteurs qui ne sont pas inclus dans les AMAP, les systèmes de vente à l'échelle très locale font que les consommateurs connaissent le producteur et connaissent ses méthodes de production.
Mais, à mesure que le marché progresse et s'agrandit, les consommateurs réclament désormais plus de garantie sur la qualité de leur produits et dans le même temps, le Thai Green Market essaie de renforcer les liens entre producteurs et entre producteurs et consommateurs. Pour ces deux raisons, l'entreprise sociale se lance dans la mise en place d'un des premiers systèmes participatifs de garantie en Thaïlande.
Les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) sont définis par l'IFOAM (Fondation Internationale pour l'Agriculture Biologique) comme étant « des systèmes d’assurance qualité ancrés localement. Ils certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances ». Plus d'infos sur le site de Nature et Progrès qui a été pionnier en France dans le lancement de ces systèmes : http://www.natureetprogres.org/producteurs/professionnels_nature_progres.php
J'ai donc participé au lancement du premier système participatif de garantie du Thai Green Market.
Nous étions une dizaine réunis dans une ferme à Nonthaburi. Il y avait 5 agriculteurs, 4 femmes et 1 homme (on entend beaucoup parler les femmes ici !), 3 chercheurs en biologie dans le domaine de l'agriculture biologique et un animateur de réunion (lui même faisant de l'agriculture à Bangkok et ayant lancé une petite AMAP avec la production de son jardin).
Nous avons commencé la discussion par la revue des 17 critères que se sont donnés les paysans à respecter pour être désigné comme étant en agriculture biologique. L'idée était donc de réfléchir autour de ces critères, de les discuter pour bien les comprendre, et d'imaginer la mise en place du SPG. La réunion a donné lieu à des échanges autour des règles et des critères et pour la mise en place du système dans les fermes, les fermiers se sont accordés sur une visite entre producteurs tous les deux mois dont le jour n'est pas fixé à l'avance. Ces visites ne se feront pas entre voisins, mais entre membres du SPG vivant sur un territoire restreint.
Les agriculteurs ont aussi discuté de l'importance de présenter l'ensemble de la chaîne de production lors des visites, mais aussi de question comme « Comment je sais que les engrais que j'achète sont bien biologiques », les chercheurs ont notamment pu répondre à ces interrogations. Des jeunes fermiers qui venaient de s'installer à quelques kilomètres de Nonthaburi étaient très intéressés pour découvrir les méthodes utilisées pour faire de l'agriculture biologique, des échanges techniques sur les méthodes utilisées ont aussi eu lieu entre les agriculteurs.
Le système en est à sa phase de lancement et de test à l'heure actuelle, des réunions entre les consommateurs et les producteurs suivront. Ce système représente une alternative intéressante au système de certification classique qui est géré majoritairement par un organisme, ACT, en Thaïlande et dont les coûts sont très élevés pour les paysans.
Cet organisme de certification, ACT, a été crée suite à une demande d'une entreprise européenne, Capital Rice, qui souhaitait importer du riz issu de l'agriculture biologique originaire de Thaïlande en Italie. Aujourd'hui, même si la certification touche aussi des petites structures (systèmes de garantie liés souvent aux systèmes du commerce équitable), la certification reste un luxe pour beaucoup de producteurs. Selon Peter Van Der Geest, un chercheur canadien qui a fait une intervention sur l'agriculture biologique à Bangkok, la certification classique a tendance à « s'industrialiser » et à être réservé à de très grosses exploitations ou plantations dont les produits sont uniquement destinés à l'exportation.