Par Sébastien (69),

Réflexe quasi machinale, vous saisissez votre portable afin de lire le SMS de vœux envoyés par l’un de vos proches. Saviez-vous que le temps de cette manœuvre, 200 téléphones portables auront été vendus à travers le monde (soit 40 à chaque seconde). Ce petit appareil électronique, bijou de technologie, a suffisamment bousculé notre quotidien pour que la simple évocation de « l’avant portable » me donne l’impression d’être un historien du Moyen-âge. Et effectivement, quel confort que de pouvoir appeler à l’autre bout de la planète, envoyer des

photos en quelques secondes, consulter ses mails, naviguer sur le web ou même regarder le journal tv dans le train !

Journal TV qui n’a pas manqué de nous informer (quoique très partiellement et partialement) en avril, juin, puis aout 2012, des évolutions de la situation
au Kivu, région frontalière entre la République Démocratique du Congo et son
petit voisin le Rwanda.

En effet, en proie a une instabilité chronique depuis avril 1994 (date du commencement du génocide des Tutsis au Rwanda ayant provoqué de gigantesques déplacements de population), l’Est de la RDC et particulièrement le Kivu sont le théâtre de violents affrontements entre groupes armés. Sans entrer dans les détails de cette situation complexe, on peut esquisser un schéma explicatif sous forme du triangle : fuite de miliciens génocidaires (hutus) du Rwanda en 1994 et installation au Kivu ; incursions de milices (tutsis) soutenues par le gouvernement Rwandais ; armée congolaise déliquescente.

Or dans ce triptyque, le point central n’est pas mentionné. Il en est pourtant la clef de voûte et permet d’expliquer pourquoi cette région dite des Grands Lacs n’a plus connu la paix depuis vingt ans (certains bilans estiment que le nombre de morts provoqués par ces conflits est compris entre 3 et 5 millions de morts,

soit le plus lourd bilan humain depuis la seconde Guerre Mondiale).

Cet élément nous le connaissons bien, il se trouve en partie dans ma poche, dans votre poche !

Et oui, en effet, il s’agit de ce même outil formidable qui nous permet de souhaiter la bonne année à 200 personnes en même temps, notre fameux téléphone portable.

Comment ? La raison en est simple, le Kivu regorge de minéraux précieux (en particulier de Coltan) indispensables dans la fabrication de nombreux appareils électroniques. Qualifié par le colonisateur belge de « scandale écologique », la R D C est une réserve géante de matières fossiles, et attire donc énormément de convoitises étant donné la demande exponentielle.

Chouette ! Quelle aubaine pour ce pays d’une extrême pauvreté (la RDC est 228ème/229 pays au classement de richesse par habitants). A moins que...

A moins que ne frappe encore ce que d’aucun appelle « la malédiction des ressources ».

Ainsi, plutôt que de permettre un développement si chèrement attendu, l’explosion des ventes de téléphones, et donc de la demande en minéraux congolais a, au contraire, provoqué une reprise des combats et de leur lot de viols, meurtres, exodes forcés et autres drames humains mais aussi écologiques. Chaque évolution du cours en bourse de ces matières premières correspond avec la formation d’une nouvelle milice, qui s’armera lourdement en vendant au prix fort la richesse congolaise à de respectables multinationales qui «omettent» d’en mentionner la provenance dans leurs bilans de Responsabilité Sociétale et Environnementale...

Comment ? Le journal TV regardé dans le train ne vous avait pas précisé cela ?

Alors à vous, citoyens consom’acteurs, d’aller vous renseigner, vérifier mes propos et prendre la mesure de l’impact de nos modes de vie sur la vie de ces millions de femmes, d’hommes mais aussi d’enfants. Il ne s’agit pas de changer radicalement, du jour au lendemain, nos habitudes, mais de les faire coïncider autant que faire ce peux avec les valeurs que l’on porte.