Dans le cadre du Festival des Solidarités, un public d’une soixantaine de personnes de tout horizon, dont des «accompagnants » du Réseau Hospitalité, s’étaient réunies ce jeudi 28 novembre, dans l’amphithéâtre R. Coffi de la Maison Diocésaine pour participer à la conférence-débat donnée par Sylvie Bukhari de Pontual, Présidente nationale du CCFD –Terre Solidaire, en présence de Mgr Xavier Malle.

En introduction Michel Collignon du CCFD 05, rappelait cette mise en garde prophétique de l’Abbé Pierre dans les années soixante : « Beaucoup de pays d’Afrique viennent d’accéder à l’indépendance, d’autres sont en passe de le faire, nous allons laisser derrière nous des pays qui sont loin d’accéder à notre degré de Développement. Nous avons profité de leur richesse, notre pays s’est développé grâce à ce que nous sommes allés chercher chez eux. Nous avons le devoir de les aider à acquérir un degré de développement digne et juste, c’est urgent, si nous ne le faisons pas, ils viendront eux même, chez nous chercher ce qu’ils ne trouvent pas chez eux et nous n’aurons pas le droit de leur refuser. »

En propos liminaires Sylvie B. de Pontual, dans une posture d’humilité, affirmait que le public présent, de par son vécu des joies et difficultés dans l’accueil des personnes migrantes, est plus légitime qu’elle pour évoquer ce sujet. De rappeler ensuite que le CCFD est un Service d’Eglise, voulu par la Conférence des Evêques de France pour porter la préoccupation de la solidarité internationale et accompagner dans les pays du Sud des partenaires confrontés au défi de la faim, de la mal nutrition et du mal développement à la source entre autre du défi des migrations. A l’occasion de sa réflexion, la Présidente du CCFD s’est proposée, dans une société en France, en Europe et dans le monde, de moins en moins intégrante, de voir comment essayer de renverser les peurs, les replis, les murs et les barbelés aussi. Et de nous proposer une perspective vers laquelle mobiliser nos énergies en citant des propos de Saint Jean-Paul II prononcés lors de la journée mondiale du migrant et du réfugié en 2004: « Si le rêve d’un monde en Paix est partagé par de nombreuses personnes, si l’on valorise la contribution des migrants et des réfugiés, l’humanité peut devenir toujours plus, la famille de tous et notre Terre, devenir une véritable Maison Commune ».

Revenant sur le premier terme du titre de la conférence, « Développement durable et Migrations constructive… » la Présidente, indiquait que pour le CCFD Terre solidaire, la source de ses engagements est l’encyclique du Pape François, Laudato Si, avec le concept d’ECOLOGIE INTEGRALE. Le paradigme auquel appelait déjà Paul VI : « Le développement de tout l’Homme et de tous les hommes », un développement qui met l’accent plus sur les relations que sur l’accumulation, sur le partage plus que sur la possession et sur le temps long pour construire ensemble au travers de partenariats sur 15-20ans avec d’autres dans les pays du Sud. Enfin l’écologie intégrale, c’est aussi la préservation de notre Bien Commun, la protection de la planète et de ceux qui y habitent, de la création voulue par Dieu, ce qui ne peut être qu’une démarche collective pour construire solidarité, paix, sécurité. Chacun doit pouvoir avoir accès non seulement à un développement économique mais aussi social culturel et spirituel autrement dit, en respectant l’être humain dans toute sa richesse, qu’il soit né dans le pays ou en résidence pour un temps dans ce dernier de sa propre volonté ou parce qu’il y a été contraint. Développement intégral renvoie aussi à notre mission d’être humain, co-créateur d’un monde en perpétuelle évolution au gré de nos interactions mutuelles et avec les éléments de la création, ce qui veut dire notre interdépendance dans la manière de vivre ensemble dans cette maison commune dans le respect de la diversité des cultures et modes de vie de chaque peuple qui doivent pouvoir s’enrichir mutuellement de leurs différences. Il n’y a sans doute pas de modèle de développement unique pour autant que l’on évite toutes formes d’exploitation et de domination consciente ou non. Le CCFD fondé il y a près de 60 ans pour lutter contre la faim et pour le développement, en arrive maintenant à travailler sur les causes du mal développement, sur la question de la souveraineté alimentaire des populations avec le partage d’expériences en matière d’agroécologie et d’agroforesterie ; sur l’accès à la terre, une terre trop souvent convoitée et objet d’accaparement avec notamment les projets extractivistes de toute nature. Avec d’autres, le CCFD a été conduit à investir d’autres champs, celui de la régulation des entreprises pour le respect d’un minimum de droit des employés hommes et femmes notamment dans les pays du sud, celui de la justice fiscale pour que les entreprises ne puissent s’exonérer d’apporter leur contribution au fonctionnement des Etats ici et là-bas. Il y a le chantier de la justice climatique qui mobilise particulièrement et à juste titre la jeunesse sous toutes les latitudes : le réchauffement du climat affecte en premier les populations pauvres et celles qui vivent de l’agriculture. A la demande des partenaires de certains pays où intervient le CCFD, il y a le travail d’éducation à la paix auprès des plus jeunes ou encore le chantier de l’égale dignité hommes – femmes, ces dernières jouant un rôle prépondérant au développement de leurs communautés, elles subviennent aux besoins matériels et d’éducation de leur famille, et cela sans nier nos propres contradictions, ce qui ne nous permet pas d’être donneurs de leçons. Enfin le CCFD en est arrivé à accompagner des Migrants. Sylvie B. de Pontual abordait là, dans la deuxième partie de son exposé, ce défi contenu dans le titre : «migrations constructives ? », exposé que l’on pourra retrouver intégralement en activant le lien [ici].

Il s’en est suivi un débat passionnant à la hauteur des propos tenus précédemment, sur la question des préjugés à déconstruire, la question du statut des demandeurs d’asile qui en France n’ont pas le droit de travailler, contrairement à d’autres pays, ce qui diminue les chances d’autonomisation et d’intégration. Une femme médecin pédiatre retraitée, Nicole en lien avec le Réseau Hospitalité a également témoigné des difficultés à trouver des hébergements et fait appel à de nouvelles familles d’accueil ; a souligné le cas des mineurs non accompagnés et parfois « déminorisés » par le Conseil Départemental avec les difficultés de recours que cela entraine. Elle a évoqué aussi la surpopulation du squat avec les jeunes rendus invisibles et souligne enfin la générosité mais en même temps la lassitude de nombreux bénévoles. Xavier Malle Evêque du Diocèse de Gap et Embrun a dénoncé le rôle des mafias qui vivent en partie sur les transferts financiers émanant des populations migrantes insérées sur nos territoires. La réponse de la présidente, à cet égard et concernant les déboutés « invisibles » utilisés dans une économie souterraine, est édifiante. Une participante lui a témoigné sa reconnaissance de par la qualité des informations transmises. A suivre grâce au très bon enregistrement réalisé par Jean Baptiste Rougny, ardent défenseur dans le Diocèse d’une écologie intégrale et d’une Église plus verte.

Joël Descoings