Témoignage de Dimanche Kinyamwanza suite à la rencontre avec les élèves du lycée Bonsecours à Perpignan

La RDC est un pays au cœur de l’Afrique. Il compte 11 provinces et chacune d’elles a ses caractéristiques différentes. En ce qui me concerne, je viens de la province du Nord Kivu où l’activité principale est l’agriculture. Cette activité occupe plus de 80% de la population. Ce sont surtout les femmes qui font tout au champ avec leurs enfants. Tenez, dans cette province la densité démographique est éparpillée au point que nous y trouvons une moyenne de dix enfants par ménage. L’enfant y est considéré comme une richesse pour servir à la main d’œuvre de l’agriculture familiale. 

Au delà de cette pression à la terre,  les chefs des clans amodient la terre à leurs affinités particulières au point que les exploitants agricoles qui versent la redevance auprès d’eux, se voient insécurisés car ce lien coutumier est violé au détriment des pauvres agriculteurs. Au-delà de cette réalité sombre, les instances se combattent dans la gestion foncière où on n’observe le droit écrit s’imposer aux pratiques locales qui ont résisté à disparaitre. En résumé, l’exploitant agricole est coincé par les conflits familiaux liés à la succession des terres née de la pression démographique, des chefs coutumiers qui violent les us et coutumes fonciers, les conflits de pouvoir qui ne disent pas leur nom, les exploitants par esprit d’élargir leurs concessions chassent les petits; ce qui entraine de mort d’hommes, des enrôlements dans les milices; bref une situation permanente des conflits fonciers.

C’est pourquoi, poussé par  la nécessité de sécuriser les droits des petits exploitants, tout en sécurisant les grands, le Forum des Amis de la Terre a initié un dialogue de tous ses acteurs qui interviennent au quotidien dans le foncier à la gestion concertée et décentralisée de la terre. Certes, des avancées sont entrain d’être enregistrées  non seulement du coté des acteurs privés du foncier mais également avec les autorités politiques car le partenariat public privé est déjà aux bons fixes.   

Après cet échange, les étudiants  et professeurs du Lycée Bon Secours qui nous ont très bien  accueillis, ont manifesté la volonté de puiser encore plus de ce témoignage vivant du citoyen de ce pays  pour avoir la vraie version des choses. Des questions sur la problématique foncière ont été soulevées  étant entendu que la RDC est vingt fois plus grande que la France. A proprement parler, dans ce pays continent, on n’y enregistrerait plus des conflits fonciers. Des questions autour du social, à l’accès aux soins de santé, au système éducatif, etc  ont préoccupé les étudiants de BTS.

S’agissant de la permanence des conflits, le moins que l’on puisse dire est celui du lien irréversible entre « terre et identité ». Les agriculteurs ne veulent pas quitter leurs coins tout simplement parce qu’ils se reconnaissent d’un coin bien déterminé où ils ont enterrés leurs ancêtres, leurs paires et qu’ils sont socialement considérés comme de telle colline. Dire qu’il faut qu’ils glissent vers les autres terres, cela revient à dire se  déposséder de leur histoire, de leur identité.

S’agissant du social, du système éducatif et d’accès aux soins de santé, le chemin à parcourir est encore long car cette question mérite un leadership politique fort qui amènera le pays dans sa propre destinée, de sa prise de conscience pour un développement calqué sur les réalités locales.

D’un coté comme de l’autre, chacun a tiré sa part. Pour moi, cet échange m’a profité dans la mesure où j'ai compris que tout modèle étranger n’est pas à copier en  RDC car les  pays différents en social et en moral et surtout dans la vision de voir les choses. L’important  a été pour moi de tirer l’expérience française pour voir ce qui est faisable chez moi encore non pas tel que la France le fait mais voir comment elle peut être mariée à la réalité de mon pays. Bref, chacun pays doit avoir son mode de développement, tiré bien sur des expériences des autres  et non pas calquer une situation.

Je remercie sincèrement toute l’équipe du CCFD, les élèves et professeurs avec qui nous avons eu un échange fructueux et sans tabou pour l’avènement d’un monde meilleur et solidaire.