(Journal LA CROIX du 3 septembre 2012) - Dans un ultime entretien, publié samedi à titre posthume par un quotidien italien, le cardinal Martini encourage l’Église à « entreprendre un chemin radical de changement » .
C’est le tout dernier entretien accordé par le cardinal Carlo Martini avant sa mort. Le 8 août dernier, l’archevêque émérite de Milan s’était confié à son ami de longue date, le P. Georg Sporschill, lui aussi jésuite (1). La retranscription de cet entretien, qui avait été approuvée par le cardinal, a été publiée à titre posthume, samedi, par le Corriere della Serra .« L’Église est fatiguée. Notre culture a vieilli, nos églises sont vastes, nos maisons religieuses sont vides et l’appareil bureaucratique de l’Église se développe. Nos rites et nos habits sont pompeux », estime le cardinal jésuite. Il compare l’Église à « la situation du jeune homme riche qui s’éloigne, empli de tristesse, alors que Jésus l’appelle à devenir son disciple » .
Le cardinal Martini recommande notamment au pape et aux évêques « de chercher, pour les postes de direction, douze personnes “hors normes”, proches des pauvres, entourées de jeunes, qui expérimentent des choses nouvelles. Nous avons besoin de ce contact avec des hommes qui brûlent, pour que l’Esprit puisse se diffuser partout. » Avant de poursuivre :« Mon premier conseil est la conversion. L’Église doit reconnaître ses propres erreurs et entreprendre un chemin radical de changement, à commencer par le pape et les évêques. À commencer par les questions posées sur la sexualité et le corps. (…) Nous devons nous demander si les gens écoutent encore les conseils de l’Église en matière sexuelle. L’Église est-elle encore, dans ce domaine, une autorité de référence ou seulement une caricature pour les médias ? » Il conseille aussi de se mettre à l’écoute de la parole de Dieu : « Seul celui qui reçoit cette Parole dans son cœur peut aider au renouvellement de l’Église et saura répondre avec justesse aux demandes personnelles. »
Sans minimiser « la grâce » de l’indissolubilité du mariage, il souligne, enfin, l’importance de l’attention à porter aux familles recomposées. « Une femme abandonnée par son mari trouve un nouveau compagnon qui s’occupe d’elle et de ses enfants. Ce second amour réussit. Si cette famille est discriminée, la mère et ses enfants s’éloigneront. Si ces parents se sentent extérieurs à l’Église, ne se sentent pas soutenus par elle, l’Église perdra les générations futures. (…) La demande d’accès des divorcés à la communion doit être prise en compte. »
« L’Église est en retard de deux cents ans, conclut le cardinal.Aurions-nous peur ? Peur au lieu de courage ? La foi, la confiance, le courage sont les fondements de l’Église. (…) Seul l’amour peut vaincre la fatigue. Je le vois bien avec toutes les personnes qui m’entourent désormais. »
« L’Église est en retard de deux cents ans. Aurions-nous peur ? Peur au lieu de courage ? »
(1) Déjà auteur d’un livre d’entretiens avec le cardinal Martini, paru en 2009 :Le Rêve de Jérusalem , traduit de l’allemand par Paul Kessler, Desclée de Brouwer.