roms.jpgLA CROIX DU 27 août 2012 BRUnO BOUVET

‣ Connu pour son engagement auprès des Roms à Lille, le P. Arthur Hervet ne cache pas son incompréhension après le démantèlement de deux camps dans le Nord. ‣Après avoir violemment mis en cause la politique de Nicolas Sarkozy en la matière il y a deux ans (1), le prêtre assomptionniste se dit déçu par l’attitude du pouvoir socialiste. ‣ Il explique son soutien par sa fidélité à l’Évangile et appelle les chrétiens à la solidarité.


P. Arthur Hervet :
 Ce jour-là, je devais célébrer une quinzaine de baptêmes d’enfants roms. À 6 heures du matin, on m’a demandé de venir d’urgence mais je n’ai pu accéder au camp. Ensuite, il a fallu trouver de la nourriture pour tout le monde car les caravanes étaient parties : pour loger, le soir même, les habitants du camp, j’ai dépensé le peu d’argent qui me restait pour acheter des tentes. Nous nous sommes reprochés par la suite de ne pas avoir déplacé le camp, mais je crois que l’intervention était programmée et les forces de l’ordre étaient prêtes à tout. Il y avait 200 CRS pour 150 personnes sur le campement.Dans la région lilloise, deux camps de roms ont été démantelés le 9 août sur ordre de la préfecture (lire ci-dessous) . Comment l’avez-vous vécu ?

Comment réagissez-vous au fait que ces mesures sont ordonnées par le nouveau pouvoir socialiste ?

P. A. H. : Je ne comprends pas… Remarquez, je n’ai jamais rien compris à la politique mais je suis un peu surpris. Déçu aussi. J’aimerais dire à nos dirigeants : « Ouvrez les oreilles de votre cœur ! » Il y a deux ans, j’étais révolté. Aujourd’hui, je suis désemparé parce que nous avions imaginé autre chose.

Aujourd’hui, comment continuez-vous à manifester votre engagement auprès des roms ?

P. A. H. : Ma tâche est d’être auprès d’eux. J’apporte de la nourriture, des vêtements, du chauffage pendant l’hiver, des tentes pendant l’été. Il faut être concret. Il ne suffit pas de leur dire : « Le Seigneur vous aime », même si l’on m’appelle parfois pour bénir des enfants, traumatisés par la situation. Ce geste les apaise. Quand je suis arrivé à Lille, il y a cinq ans, je ne m’attendais pas du tout à m’occuper des Roms. Je crois que c’est le Seigneur qui m’a guidé vers eux. J’avais été affecté dans une église, souvent fermée, près de laquelle vivaient des Roms.

J’ai vu la misère de mon peuple. Conformément à la parabole du Bon Samaritain, je ne pouvais laisser ces gens de côté. À mon humble niveau, fidèle à l’intuition qui a toujours été la mienne et à ce que j’ai appris de l’Abbé Pierre, j’ai essayé d’apporter des vêtements mais aussi d’installer des W.-C. C’est une chose capitale à laquelle on ne songe pas : il n’est pas possible dans la ville de creuser des trous pour faire ses besoins.

Quels sont vos soutiens ?

P. A. H. : Des amis, des chrétiens, des scouts, des jeunes que je rencontre et qui me disent vouloir être solidaires de moi. Vendredi matin, je n’avais plus rien pour aider les Roms. Tout à coup, la Banque alimentaire m’a appelé. Je suis venu immédiatement. « Je vous ai vu à la télé, je suis heureux de vous aider », m’a dit le jeune homme qui m’avait téléphoné. C’est la preuve que le Seigneur nous donne ce qu’il faut au bon moment. Les Roms ne peuvent pas se contenter de théories : les enfants ont besoin de pain et d’aller à l’école, etc. Pour soulager la faim, le Christ ne s’est pas transformé en boulanger. Il a essayé d’ouvrir le cœur et l’imagination de ses disciples. Je ne sais pas si je serai admis dans le Royaume, mais j’essaie de vivre l’Évangile de Jésus. Avant de mourir, je ne veux pas qu’il me soit reproché de ne pas avoir fait ce qu’il fallait. Il est de notre devoir de trouver des solutions pour les Roms, ces « voleurs de poule » dont on dit tant de mal. Je crois profondément que Jésus voudrait que l’on s’occupe d’eux.

Qu’attendez-vous de l’Église ?

P. A. H. : J’ai été heureux que Mgr Gérard Coliche, évêque auxiliaire de Lille, appelle les pouvoirs publics à chercher des solutions « dans le respect des personnes et en concertation avec les associations » (lire La Croix du 22 août). J’aimerais bien le rencontrer pour lui dire, comme à d’autres : « Et maintenant, que faisons-nous ? » Moi-même, je suis très démuni : que peut faire un prêtre de 74 ans comme moi pour aider ces gens ? Heureusement, je peux compter sur des amis comme Yan Lafolie et sa fiancée. Quand j’apprends que le diocèse de Lyon accueille 65 familles, cela me rend heureux. À Marseille aussi, l’Église a mis à disposition une école désaffectée, comme elle l’avait fait à Lille il y a deux ans. Mais cela ne suffit pas. Chaque chrétien doit essayer de faire ce qu’il peut. Pour ma part, même si on me reproche parfois d’être un « mauvais prêtre », j’essaie simplement d’être utile.

« il est de notre devoir de trouver des solutions pour les Roms, ces “voleurs de poule” dont on dit tant de mal. »

(1) Le 22 août 2010, au plus fort de la polémique sur le sort infligé aux Roms, le P. Arthur Hervet avait déclaré prier pour que « Nicolas Sarkozy ait une crise cardiaque » . Avant de regretter sa déclaration et d’assurer qu’il ne souhaitait pas la mort du président de la République. Il s’en est expliqué dans un livre paru en février 2011 aux Éditions Bayard ( Ma vérité sur l’exclusion. Les aveux du curé des Roms, 138 p., 14,90 €).