Lors du Carême 1999, Anna-Maria , jeune fille du Brésil fût notre partenaire et sillonna l’Aveyron 5 jours durant.
Elle nous sensibilisa alors à son travail de formation auprès de jeunes ruraux et surtout au combat des Paysans Sans Terre.
Lors d’un voyage nous sommes allés à sa rencontre. Elle a aujourd’hui 36 ans et est maman d’un garçon Yan de 8 ans. Après s’y être beaucoup investie, elle a quitté l’Ecole Familiale Agricole de Goïas dont elle était directrice. Elle est maintenant enseignante, avec peu de moyens, dans une école primaire municipale dans un quartier populaire de Goïania. (une ville créée au milieu de nulle part en 1930 seulement et qui compte aujourd’hui 2 millions d’habitants…c’est dire l’exode rural qu’il y a eu !)
Au-delà de la joie des retrouvailles, Anna-Maria nous a permis d’avoir, avec la complicité d’un prêtre francophone, des contacts fructueux durant 5 jours sur Goïas. Dans ce pays où les différences sont énormes et s’accentuent entre classes sociales nous avons rencontré une Eglise très engagée auprès des humbles et des petits… où l’action de certains, évêques, prêtres et militants laïcs est allé jusqu’au sacrifice de leur vie. Ces chrétiens s’investissent énormément dans la vie de la cité : formation des jeunes, centres de soins, promotion des femmes , centre de réhabilitation de drogués, soutien aux révoltés, défense des petits paysans, etc…
Impressionnant le chœur de la Cathédrale décoré, il y a peu, par la volonté de son Evêque, de 4 grandes peintures illustrant le combat des Paysans Sans Terre mettant en comparaison l’oppression qui leur est réservée et le dessein de Dieu mettant la terre au service de tous les hommes. Les offices religieux sont vivants et… vivifiants, empreints d’une convivialité et d’une joie débordantes.
Aux portes de la ville 3 groupes de Paysans sans terre campent en bord de route. A l’Acampamento (campement) Dom Eugênio nous avons rencontré 35 familles qui attendent depuis 2 ans que des terres leur soient rendues. Logés dans des abris de fortune, faits de branchages et de vieilles planches, couverts de bâches noires récupérées, à même la terre battue. Des hommes, des femmes, comme nous ; des enfants comme les nôtres,… dans la misère certes mais plein de dignité. Ils ont pour voisin un propriétaire avec 25.000 vaches !!
Ils sont déçus et restent sceptiques sur les effets de la réforme agraire promise. Celle-ci n’a pas eu, loin de là, les effets bénéfiques qu’escomptaient ces petits paysans. Malgré sa volonté plus sociale, le Pouvoir central reste confronté à la puissance des riches et a besoin de leurs grandes unités de production pour exporter sucre, maïs et soja, et rentrer des devises.
Le Brésil est présenté comme un pays en pleine croissance, mais celle-ci va-t-elle profiter à tous ? Jusqu’à aujourd’hui elle s’est beaucoup faite sur le dos des moins nantis et il faudra bien plus pour que le courant s’inverse.
Dans ce Brésil profond nous avons senti une grande richesse : celle d’hommes et de femmes, telle Anna-Maria, qui à leur place luttent chaque jour pour que cela change…l’évêque Mgr Rixen, des prêtres, des animateurs sociaux infatigables, des leaders paysans,…
Avec tant d’autres, ils sont tous porteurs d’une grande Espérance.
Ch. et R. Galtier