Voici un article de presse écrit par Louis Moulay du CCFD, pour l'hebdomadaire La Renaissance du Loir-et-Cher paru le 21 octobre dernier.
Vous pouvez le télécharger en bas de cette page.
A l’APPROCHE du G20, la MOBILISATION du CCFD–TERRE SOLIDAIRE et de la SOCIETE CIVILE
Les paradis fiscaux, source d’injustice et de mal-développement
Depuis sa création en 1961, le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement – Terre Solidaire (CCFD-Terre Solidaire) a surtout pour objectif le développement des populations du Sud et de l’Est, ainsi que l’éducation au développement. En soutenant ses partenaires dans la mise en œuvre de leurs projets, les analyses menées avec eux ont conduit à identifier une cause - clé du mal développement : l’accroissement des inégalités de répartition des richesses dans le monde. Dès 2004, le CCFD-Terre Solidaire a repéré la responsabilité des multinationales. La lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux est devenue un de ses axes forts d’intervention.
Que sont les paradis fiscaux, quels en sont les principaux acteurs et leurs agissements ? Cinq critères les caractérisent :
- Leur opacité qui permet de dissimuler les comptes et activités douteuses, de blanchir l’argent du crime et de la corruption.
- Une fiscalité inexistante qui fait échapper les non–résidents à l’impôt.
- Des facilités administratives accordées pour la création de sociétés écran, n’ayant pas d’activités réelles sur le territoire.
- Une absence de coopération de la justice locale avec le fisc, les douanes et la justice des autres pays, se traduisant par un refus de donner des informations.
- Une insuffisance de régulation financière, qui, sous couvert d’ouverture à la concurrence, favorise les acteurs les plus mobiles.
Les principaux acteurs de ces désordres sont les Multinationales. C’est peu banal d’apprendre que l’île de Jersey est le principal producteur de bananes en Europe, que les îles Caïmans hébergent la plus grande concentration de sociétés y ayant leur siège social et que les Iles vierges britanniques comptent 830 000 sociétés pour 25 000 habitants ! Les Banques, second acteur, organisent l’optimisation fiscale des multinationales grâce au secret bancaire, la pratique de l’anonymat et l’opacité. Elles favorisent la circulation incontrôlée des capitaux spéculatifs et la mise en circulation de produits financiers toxiques. Quant aux « Hedge Funds », dits fonds spéculatifs, déconnectés du marché, ils aspirent uniquement à une rentabilité optimale.
Ces flux illicites qui transitent par les paradis fiscaux sont évalués entre 800 et 1000 milliards d’euros chaque année. Les pays du Sud sont ainsi privés de 125 milliards d’euros de ressources nécessaires à leur développement. Ces pratiques, nuisibles pour l’économie, faussent la concurrence. Les entreprises du CAC 40 ont un taux d’imposition de l’ordre de 8% sur les bénéfices alors que les petites entreprises payent plus de 30% ! Ces trous noirs de la finance affaiblissent la souveraineté de chaque Etat, et aspirent les capitaux des pays en voie de développement.
Un engagement du CCFD-Terre Solidaire pour proposer des mécanismes de transparence et de régulation :
Intervenant majeur depuis 2005, le CCFD-Terre Solidaire a participé à la création en 2006 de la Plateforme des paradis Fiscaux et Judiciaires en France, qui regroupe une quinzaine d’Organisations Non Gouvernementales (ONG) et de Syndicats dont Attac, le Secours Catholique, Oxfam, etc. A l’international, le CCFD-Terre Solidaire a contribué à la naissance du partenaire Tax Justice Network. En 2009, la Plateforme a formulé 29 recommandations pour en finir avec l’opacité financière. Le CCFD-Terre Solidaire anime la campagne « Stop paradis Fiscaux » au cours de l’année 2010, en personnalisant l’argent. « Monsieur Argent est retenu dans les paradis fiscaux ; aidons le à retourner dans les pays ou il pourrait être au service des hommes. »
Les actions de sensibilisation lancées en direction des banques et des élus, portent des fruits : treize régions de France exigent de leurs banques des critères de transparence pour leurs opérations dans les paradis fiscaux. Par leurs multiples actions d’interpellation, les ONG ont contribué à médiatiser le sujet et réussi à mettre plusieurs propositions sur la table des négociations. Ce travail d’analyse et d’interpellation, mené sur la durée, a permis à la Société Civile d’élaborer une expertise pointue et d’être régulièrement consultée par les cabinets ministériels, les parlementaires nationaux et européens.
Quelques timides avancées, et un contexte qui doit permettre d’aller beaucoup plus loin
Depuis la conférence de Doha fin 2008, le G20 (les dirigeants de 19 pays et de l’Union Européenne) s’est réuni à différentes reprises avec cette question à l’ordre du jour. Le sommet de Londres, en avril 2009, a établi une classification, entre les territoires qui acceptent de collaborer (liste grise) et ceux qui refusent (liste noire). Mais, pour être agréé en quelque sorte, il suffit d’échanger des informations et de signer des conventions d’assistance informative de pays à pays, avec 12 autres pays sur environ 190 pays répertoriés dans le monde : une bien maigre avancée ! Les propos du Président Français en septembre 2009, « les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé », témoignent d’un décalage abyssal entre la parole et la réalité.
Un espoir est toutefois permis, car en période budgétaire serrée, les pays riches ont besoin de renflouer les caisses de leur Etat et certains éprouvent des difficultés à tenir leur engagement d’aide au développement. L’Union Européenne monte en puissance sur ces sujets car le Parlement Européen dénonce l’impact des paradis fiscaux sur les pays en développement et appelle l’Union Européenne à exiger davantage de transparence comptable des multinationales. Afin de financer leurs politiques publiques, des pays émergents comme le Brésil, l’Inde ou l’Afrique du Sud, ont engagé leur administration dans le combat contre la fraude et l’évasion fiscale.
La Société Civile a appris d’expérience que pour être significatifs, les changements s’obtenaient dans la durée. La mobilisation en Région Centre a déjà eu lieu avec des conférences-débats, à Tours le 20 janvier, à Blois le 23 mars et à Orléans le 2 avril, sans oublier les divers ateliers animés avec des scolaires et des associations, en veillant toujours à inviter des élus régionaux et locaux. On peut évoquer aussi la sortie récente de la brochure : « Au service du bien commun » qui souligne l’engagement des chrétiens pour plus de justice sociale au nom de leur foi.
Le calendrier de travail du prochain G20 de novembre 2011 à Cannes, prévoit un renforcement de la régulation, une réforme du système monétaire international et des taxes sur les transactions financières. Le CCFD-Terre Solidaire est engagé, avec d’autres ONG, pour faire pression sur les négociateurs. Nous exigeons des positions claires de la part des dirigeants du G20. Mobilisons- nous par l’envoi d’une pluie de cartes postales sur le futur sommet. Contre l’opacité financière, nous présentons trois revendications car nous voulons :
- Des comptes transparents pays par pays pour les multinationales.
- Des registres publics pour identifier les bénéficiaires réels des trusts.
- Une coopération fiscale et judiciaire entre les Etats et avec les pays du Sud.
Cette mobilisation dans le monde contre les paradis fiscaux va donc durer et s’amplifier, poussant les hommes politiques à agir. Le CCFD-Terre Solidaire est et sera encore une force de proposition et de changement, porteuse d’espérance, afin de répondre à sa mission.
Louis MOULAY – Tours / Au nom du CCFD Région Centre