La Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition (la NASAN), lancée par le G8 en juin 2012, était présentée comme le moyen d’éradiquer la faim et la malnutrition en Afrique « en libérant le pouvoir du secteur privé », lequel repose essentiellement sur les grandes multinationales de l’agroalimentaire et des grandes entreprises du marché des matières premières. Or, quatre ans après sa mise en place, le Parlement Européen à Strasbourg, mardi dernier 7 juin, a voté une résolution concernant cette Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition qui cible dix pays de l’Afrique subsaharienne. Les parlementaires appellent l’Union européenne à plus de contrôle et de transparence du secteur privé, et à soutenir les agricultures familiales et le développement de l’agro-écologie.
La résolution votée dresse un bilan sévère de la NASAN, qui prétendait sortit 50 millions de personnes d’Afrique subsaharienne de la pauvreté d’ici 2022. Les principes imaginés étaient de « libérer le pouvoir du secteur privé », tout en poussant les Etats africains à mettre en œuvre des mesures de dérégulations destinées à créer un « environnement favorable » aux investissements des multinationales de l’agrobusiness : facilités foncières, fiscales, et réglementaires de tous ordres, notamment concernant les droits humains des populations concernées. Pour le C.C.F.D.-Terre Solidaire et Oxfam France, tout comme pour leurs partenaires de la société civile africaine, cette initiative, contrairement aux objectifs affichés, met en péril la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations et porte atteinte au droit à l’alimentation des populations les plus vulnérables. Le Parlement européen, selon ses propres termes, « demande à l’Union Européenne de remédier à toutes les lacunes de la NASAN décrites ci-dessus, d’oeuvrer au renforcement de la transparence et de la gouvernance, ainsi que de garantir que les mesures prises dans le cadre de l’Alliance sont compatibles avec les objectifs en matière de développement ». En particulier, il demande que les promesses d’investissements des acteurs privés soient publiées, que les répercussions des activités des entreprises sur les droits humains soient évaluées, et que des moyens de recours indépendants pour les communautés dépossédées de leurs terres par des projets d’investissement de grande envergure soient mis en place.
Selon Oxfam France, la France en particulier a des devoirs : membre de la NASAN, elle est chef de file au Burkina Faso, où l’initiative est davantage tournée vers les grands investisseurs que vers l’agriculture familiale. Elle doit agir dès juillet prochain, au Conseil de gouvernance de la NASAN au Rwanda, pour bloquer son expansion et mettre en œuvre une évaluation. Maureen Jorand, du C.C.F.D.-Terre Solidaire déclare : « Cette résolution pose la question des partenariats public-privé dans l’agriculture, mais également celle des modèles et pratiques agricoles soutenus par le G7 en Afrique. Les Parlementaires appellent…à ne pas soutenir les OGM sur ce continent. Et la France doit prendre en compte cette résolution… et s’opposer à toutes les initiatives qui promeuvent l’ouverture des marchés africains aux dépens de la souveraineté alimentaire des populations locales ».
Ainsi les deux ONG appellent le gouvernement français à prendre acte, dès juillet prochain, des critiques et recommandations formulées par les parlementaires européens, et à convaincre les partenaires des autres puissances du monde non pas de proroger la NASAN, mais d’assurer l’évaluation des engagements initiaux, et leur réorientation là où c’est nécessaire.