Ce mardi 26 avril, s’ouvre au Luxembourg, le procès d’Antoine Deltour et de deux autres accusés dans le cadre de l’affaire LuxLeaks. Le « Luxembourg Leaks » (ou LuxLeaks) est le nom du scandale financier révélant le contenu de centaine d’accords fiscaux très avantageux conclus avec le fisc luxembourgeois par les cabinets d’audit pour le compte de nombreux clients internationaux. Parmi ces clients figurent les sociétés multinationales Apple, Amazon, Heinz, Pepsi, Ikea et Deutsche Bank. Le scandale LuxLeaks a été révélé en novembre 2014 à la suite des investigations de l’International Consortium of Investigative Journalists. Les révélations ont eu un retentissement international, mettant en lumière les pratiques d’évitement fiscal mises en œuvre au Luxembourg et ailleurs.
Le volet judiciaire de ce scandale concerne les personnes poursuivies par la justice luxembourgeoise pour avoir fait fuiter les documents ayant permis ces révélations. Aucune compagnie multinationale n’est poursuivie par une juridiction pour évasion fiscale, du fait du caractère légal des dispositifs employés. Cette légalité est cependant questionnée du fait des distorsions de concurrence qu’entraînent ces dispositifs d’optimisation fiscale. En effet, les sociétés écran sont au cœur de ce scandale : elles sont utilisées dans des montages savants réalisés par des spécialistes de l’ingénierie juridique, qui permettent de protéger à la fois les fraudeurs du fisc et le blanchiment du crime organisé, en ne dévoilant pas le nom du propriétaire réel de ces sociétés. Plusieurs Etats, y compris au sein de l’Union européenne, continuent d’offrir la possibilité de créer, en toute légalité, des sociétés avec des prête-noms de manière à cacher l’identité du bénéficiaire réel, dans le but d’échapper au fisc ou à la justice.
Poursuivi pour cinq chef d’inculpation : « -vol domestique, -accès ou maintien frauduleux dans un système informatique, -divulgation de secrets d’affaires, -violation de secret professionnel, -et blanchiment-détention des documents soustraits », Antoine Deltour risque jusqu’à cinq ans de prison et plus d’un million d’euros d’amende. Edouard Perrin – journaliste de l’Agence Première Ligne, qui produit le magazine « Cash Investigation » - est poursuivi pour les mêmes chefs d’accusation. Les citoyens et citoyennes européens leur doivent pourtant beaucoup : en faisant fuiter des accords secrets passés entre de grandes entreprises – par l’intermédiaire d’un grand cabinet de conseil – et l’administration fiscale luxembourgeoise, Antoine Deltour a révélé comment des centaines de multinationales ont pu faire échapper leurs bénéfices à l’impôt, dans les pays où elles exercent réellement leurs activités.
Le scandale des « Panama Papers » montre une nouvelle fois que le rôle des lanceurs d’alerte est essentiel pour notre démocratie, et que les mesures prises jusqu’ici pour lutter contre l’opacité fiscale sont insuffisantes. Les dernières en date, annoncées par la Commission européenne le 12 avril dernier, montrent que la bataille pour la transparence est très loin d’être gagnée. En effet, leur proposition de reporting public pays par pays, tellement restrictive puisqu’elle ne concerne que 85 % des entreprises multinationales, ne permettra pas de relever le défi de la transparence, pourtant si cruciale dans la lutte contre l’évasion fiscale, pour tous pays et particulièrement pour les pays en développement. Les organisations de la « Plateforme paradis fiscaux et judiciaires » appellent donc à soutenir les lanceurs d’alerte, au moins moralement !, et réclamer plus de transparence financière, ce mardi 26 avril, à l’ouverture du procès d’Antoine Deltour et de ses co-accusés au Luxembourg.