En Indonésie, à Bornéo, les Dayaks représentent une population de près de 4 millions d’habitants. Ce sont des populations indigènes non-islamisées, qui vivent de l’agriculture en petites communautés le long des cours d’eau, pour un bon nombre christianisés, et qui parlent des langues de la famille malayo-polynésiennes de l’Ouest. Le peuple Dayak vit dans -et de- la forêt de Bornéo, ce second poumon vert de la planète après l’Amazonie, que se partage l’Indonésie, la Malaisie et Brunei.

Mais aujourd’hui, la culture des Dayaks est durement menacée par la déforestation qui ravage les terres ancestrales, l’un des écosystèmes les plus riches en biodiversité de la terre. Fondée en 1991 par des universitaire du Kalimantan, la partie indonésienne de Bornéo, l’Institut Dayakologi s’est donné comme mission de revaloriser la culture Dayak avec le double objectif de renforcer la cohésion de ses communautés, tout en leur permettant de vivre en bonne intelligence avec les autres populations : les Malais, les Chinois et les Madurais. C’est une des six associations, partenaires du C.C.F.D.-Terre Solidaire, qu’a rencontrée, il y a 3 ans, une délégation de bénévoles de l’Ouest, qui ont témoigné de leurs échanges et leurs expériences communes par un D.V.D. intitulé : « ALTER EGAUX ». Avec l’Institut Dayakologi, ils ont appris que les traditions, les rituels, la médecine, l’identité Dayak étaient étroitement liés au cycle agricole et à leur gestion des ressources naturelles.

Or l’extinction de leurs pratiques agricoles et forestières entraînera irrémédiablement l’extinction de leur culture. En cause : l’exportation des bois tropicaux, l’expansion des industries minières et la démultiplication des plantations de palmiers à huile pour répondre à la demande mondiale en agro-carburants. Sans compter la chute des prix du caoutchouc qui, par la culture de l’hévéa, leur permettait de s’assurer un revenu monétaire de base pour se procurer des biens de consommation et de services, comme l’école pour leurs enfants . Les impacts de la déforestation sont déjà prégnants : certaines variétés de fruits se raréfient, la chasse et la pêche se font plus difficiles ; l’irrégularité et l’imprévisibilité des saisons affectent les récoltes, donc la diminution de la production de riz qui les rend dépendants des marchés et débouche sur une vraie crise alimentaire. Des sécheresses, qui provoquent des pénuries d’eau potable, alternent avec des inondations autrefois inconnues, et la détérioration de l’air augmente les maladies.

Confronté au double enjeu de préserver la culture Dayak tout en atténuant les effets du changement climatique, l’Institut Dayakologi s’est lancé, avec le soutien du C.C.F.D.-Terre Solidaire, dans un projet pilote de renforcement de la gestion des ressources naturelles, en pariant sur la réappropriation de méthodes traditionnelles qui ne sont plus transmises avec la même vigueur qu’autrefois. Le projet concerne deux communautés du Kalimantan occidental. Il s’agit de freiner l’abandon des terres et des techniques ancestrales et de contrer la résignation des hommes et femmes qui ont fini par travailler dans les plantations de palmiers à huile, ou que les sociétés minières chassent. Le projet est une convention qui interdit la vente des terres à des intervenants extérieurs, qui développe des stratégies pour atténuer les effets du dérèglement climatique, et qui met en place des formations techniques en vue de diversifier les productions agricoles. L’objectif est double : générer des ressources alternatives à l’hévéa, comme le poivre ou le gingembre, mais aussi améliorer la sécurité alimentaire des populations. Une mise en place exemplaire d’action concrète qui nous vient du bout du monde, qui pourrait bien inspirer bon nombre de lieux et d’acteurs, y compris à l’occasion de la C.O.P. 21, et surtout qui mérite qu’on la soutienne par tous nos moyens !