La conférence-débat de Gaël Giraud, le 17 octobre 2014 à Besançon, organisée par sept associations [1],a rassemblé 600 personnes.
Gaël Giraud a commencé son exposé par une description des trois modèles possibles des économies des pays occidentaux. Après les « trente glorieuses » de 1945 à 1975, (croissance et inflation fortes, plein-emploi) fondée sur une consommation élevée d’énergie fossile, impossible aujourd’hui, deux scénarios subsistent :
- celui de la déflation qu’il compare à un « coma économique » dans lequel est plongé le Japon depuis 20 ans sans pouvoir en sortir. Une déflation qui désespère les citoyens et entraîne le risque d’une sortie de route hors démocratie. La déflation des années 30, n’a été surmontée que « grâce » à la 2e guerre mondiale !
- celui de la « croissance molle » que nous vivons, « secouée par des krach financiers tous les quatre ou cinq ans, dus aux trous noirs que sont les marchés financiers complètement dérégulés et déconnectés de l’économie réelle ». Les liquidités injectées par les banques centrales n’ont pas irrigué l’économie réelle et ont servi aux banques à jouer sur les marchés financiers, avec des rendements atteignant 10 % par an, ce que n’atteint aucun investissement dans l’économie réelle !
Le « pire » serait que la France (et l’Europe) bascule aussi dans la déflation où est déjà plongée en partie l’Espagne.
« Le dérèglement climatique et la finitude des ressources sont des contraintes physiques incontournables » – car on ne peut pas changer les lois de la physique ! – et constituent un « enjeu infiniment plus important » que l’économie.
Les travaux du GIEC, publiés en 2014, montrent que l’engagement pris par les États, de limiter l’élévation de température moyenne à +2°C en 2100, ne pourra pas être tenu, parce que les mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas été prises. G. Giraud prévoit une « facture terrifiante, comparable à l’Apocalypse de la Bible », avant la fin de siècle. A partir d’une élévation de température de +3°C, les rendements agricoles baissent notablement, aussi en 2050, si nous sommes 9 milliards d’humains « ce sera très compliqué de choisir entre se nourrir, nourrir le bétail pour la viande et produire des agrocarburants ». Les réserves de combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz) sont élevées, mais c’est leur extraction qui est limitée : l’agence internationale de l’énergie a révélé que le « pic du pétrole » avait été atteint en 2005. Le diagnostique est alors implacable : la consommation d’énergie fossile ne peut plus être le moteur de la croissance de nos économies ! Nous sommes donc devant le mur de la réalité !
Dans cet horizon très noir, quelle est donc « la lumière au bout du tunnel » annoncée par Gaël Giraud en début d’exposé ?
Cette lumière, c’est la transition énergétique (c’est-à-dire une partie de la transition écologique, non développée dans cette soirée). Le Comité des experts, dont a fait partie Gaël Giraud avec 70 scientifiques de toutes disciplines, a remis l’an dernier, un rapport proposant douze scénarios de transition énergétique. Gaël Giraud insiste sur la nécessité d’un débat démocratique sur le choix du mix énergétique futur. Les douze « feuilles de route » ont un point commun : ce sont les mesures incontournables d’économies d’énergie par :
- la rénovation thermique des bâtiments (40 % de la consommation d’énergie fossile et 1/4 à 1/3 des gaz à effet de serre émis),
- le réaménagement du territoire et des villes avec développement des transports publics, sans voiture,
- le verdissement agricole et industriel : une polyagriculture proche des villes, AMAP, circuits courts, arrêt de la spécialisation des sols qui fait faire des kilomètres aux aliments avant d’arriver dans nos assiettes,
« Ces chantiers sont créateurs d’emplois locaux, on peut les mettre en route tout de suite, il n’y a aucun obstacle technique. ».
« La transition écologique c’est le grand projet politique et social qui est devant nous,... qui donnerait du sens à nos existences, car nous vivons une grande panne eschatologique depuis les années 70 (...) En 1945, la génération qui arrive à l’age adulte a une mission très claire : reconstruire l’Europe en ruines, la génération héroïque de mes grands-parents a fait ce travail (...). La génération arrivée à l’âge adulte en 70 n’adhère plus aux grandes utopies (...) et, comme le peuple hébreu après la traversée de la Mer Rouge, elle est tétanisée de trouille ; le veau d’or qu’elle s’invente alors, c’est les marchés financiers dérégulés».
Gaël Giraud se fait insistant :
« La jeune génération d’aujourd’hui a la grande mission historique de mener à bien la transition écologique, cela a du sens : cela est au moins aussi extraordinaire que ce qu’a fait la génération de 45, et même encore plus héroïque ! ».
Le succès de cette soirée, est bien l’indice que ces questions - quel avenir a notre humanité ? quel projet et quelles valeurs peuvent guider nos engagements ? traversent toute la société.
Quel que soit notre âge, pourquoi hésiter à avancer vers « la lumière au bout du tunnel» ?
[1] Les organisateurs : ATD-Quart-monde, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Roosevelt, EPI, Les Amis de la Vie, Observatoire social diocésain, Service de formation du diocèse de Besançon.
Maryse Fischer (DD25)
La vidéo de la conférence de Gaël Giraud est
disponible sur YouTUBE, il suffit de cliquer sur le lien :
https://www.youtube.com/watch?v=TPRhDrXP_1k&feature=em-upload_owner#action=share
et la partie débat :
https://www.youtube.com/watch?v=Sbqp_p6ad4U&feature=em-upload_owner