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Le 19 mai dernier, Nayla AJALTOUNI, coordinatrice du Collectif Éthique sur l’étiquette ESE [1], était l’invitée de l’Action catholique ouvrière ACO, du CCFD-Terre solidaire et de RéCiDev.

Nayla ouvre la soirée avec un extrait du documentaire « Les damnées du low cost »[2] qui nous plonge dans ce drame de la mondialisation : l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh le 24 avril 2013, causant la mort de 1138 ouvrières du textile et faisant 2000 blessées. Ce documentaire enquête auprès des victimes et de ceux qui luttent pour des changements de pratiques dans les ateliers où les ouvrières fabriquent les vêtements que nous portons au quotidien.

 

                     Une dilution extrême des responsabilités

Le Bangladesh est le 2ème exportateur de vêtements après la Chine et le secteur textile représente 80 % des exportations du pays qui connaît une croissance économique à deux chiffres.

Mais ce modèle économique hyper spécialisé, grand utilisateur de main d’oeuvre, a seulement permis que « des femmes passent de l’extrême misère à la pauvreté » déplore Nayla.

Le drame du Rana Plaza a révélé au grand jour les pratiques utilisées pour produire toujours plus, plus vite et moins cher. Qui est responsable ? Qui va indemniser ces jeunes femmes certaines handicapées à vie ? « Les responsabilités sont multiples : l’état défaillant n’est pas en mesure de protéger ses propres citoyens, les multinationales donneuses d’ordre ignorent leurs sous-traitants et les sous-traitants locaux sont bien souvent aussi les législateurs soucieux de leurs intérêts personnels » constate Nayla. La mondialisation non régulée a conduit à une concurrence entre les pays dans une course au moins-disant social et à ce système de sous-traitance démultipliée : la dilution des sous-traitances entraîne la dilution des responsabilités.

 

                     Le Rana Plaza : la face émergée de l’iceberg

Éthique sur l’étiquette fait les mêmes constats dans d’autres secteurs de production (jouet, électronique) à travers le monde. Dans tous ces secteurs, les salaires ne couvrent pas les besoins fondamentaux des travailleurs. Au Bangladesh, le salaire, bien que passé de 28 à 50 dollars mensuels, est très inférieur aux 100 dollars minimum demandés par les syndicats pour couvrir seulement l’essentiel : nourriture, santé, éducation, car le pays n’offre ni protection sociale, ni scolarité gratuite. La notion de « salaire vital » [3] prend en compte ces différents besoins essentiels.

Les conditions de travail sont hors des normes internationales (OIT, ONU) : 12 à 15 heures par jour, dans des conditions très pénibles et avec des heures supplémentaires imposées pour répondre aux pics de production liés aux pics de consommation !

Si les syndicats sont autorisés, les mouvements sociaux sont réprimés et il est impossible de négocier les conditions de travail malgré l’évidente défaillance de la sécurité. Déjà, ESE était intervenu auprès des multinationales à la suite d’un incendie à Tasreen au Bangladesh, en novembre 2012, qui avait causé la mort de 112 travailleurs, mais sans obtenir aucune avancée : « nos systèmes de sécurité sont performants » avait été la seule réponse ! Pourtant le Bangladesh comptait de début 2012 à ce 24 avril 2013, un triste bilan de 700 morts dans ses ateliers.

 

                     Une avancée grâce à la mobilisation citoyenne !

L’horreur et l’échelle du Rana Plaza a suscité une réaction médiatique et citoyenne de grande ampleur. La pétition lancée sur les réseaux, au lendemain du drame a recueilli en une semaine un million de signatures ! Une telle mobilisation a ébranlé les marques, soucieuses de leur image. Ainsi l’Accord sur la sécurité des bâtiments et la prévention des incendies au Bangladesh a été signé, sous l’égide de l’OIT, entre les syndicats nationaux et internationaux et 150 multinationales : celles-ci se sont engagées à financer des inspections indépendantes dans les usines textiles au Bangladesh et à trouver avec leurs fournisseurs les moyens de rénover les locaux et assurer la sécurité des travailleurs. « C’est une grande victoire de la mobilisation citoyenne, car cet accord signé est contraignant ». À ce jour les inspections ont commencé et la sécurité devrait progresser.

 

                     Le coeur du problème : « 1138 morts, est-ce trop peu pour une loi ? »

Avec la découverte, dans les décombres du Rana Plaza, d’étiquettes de la marque In Extenso commercialisée par Auchan, la responsabilité de cette multinationale est avérée ; pourtant celle-ci refuse de reconnaître sa responsabilité et d’indemniser les victimes : « Nous n’étions pas informés, il s’agit d’une sous-traitance sauvage !». Mais alors, pourquoi investir au Bangladesh si les pratiques y sont si mauvaises ? Pour mettre fin à l’impunité des multinationales, Éthique sur l’étiquette, le CCFD-Terre Solidaire, Peuples Solidaires, plaident pour une loi qui établirait la responsabilité juridique mère-filiale et permettrait des actions de justice en cas de violation de droits humains. Quatre groupes parlementaires ont déposé une proposition de loi en ce sens. Il s’agit en fait de traduire dans la législation française les principes directeurs de l’ONU signés par les États en de 2011 qui font obligation de « protéger (par les états), respecter et réparer (par les entreprises) » dans des domaines plus larges que le seul secteur textile.

Seule une loi par son caractère contraignant impliquant des actions possibles en justice, peut obliger à un devoir de vigilance et prévenir d’autres drames !

Et pourtant une telle loi est bloquée depuis plusieurs mois, car elle suscite les foudres du Medef et de l’Afep[3]. Alors que les multinationales se portent bien et que les travailleurs du Nord pâtissent aussi d’une pression sur les conditions de travail, elles ont également à contribuer à l’intérêt général. Sur ce sujet, seul ou avec d’autres ONG, Éthique sur l’étiquette interpelle les multinationales.[4]

La mobilisation citoyenne est un levier très puissant, bien meilleur qu’un boycott qui imposerait aux ouvrières du Bangladesh une « double peine ». Il faut la mettre en œuvre et nous vous invitons à signer cette pétition au Président de la République : « Pour que les droits humains prévalent sur la course au profit, pour que les entreprises assument leurs responsabilités, pour que justice soit rendue aux victimes, nous vous demandons de soutenir cette proposition de loi », en cliquant sur le lien :

 

https://secure.avaaz.org/fr/petition/Francois_HOLLANDE_President_de_la_Republique_Rana_Plaza_1138_morts_le_cout_de_limpunite_des_multinationales/

                                                                                                                                            


2] Le documentaire « Les damnées du low cost » a été tourné à l’occasion de la mission que Nayla a effectuée sur place avec Antonio Manganella (chargé de mission pour la responsabilité sociale des entreprises (RSE) au CCFD-Terre Solidaire). Il est disponible : demandez-le pour animer une soirée.

[3] Afep : Association française des entreprises privées

[4] À l’issue d’une enquête commune, un communiqué de presse a été publié : « Multinationales et droits humains : les entreprises du CAC40 s’expriment », il se trouve en fichier joint.

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[1] Créé en 1995, le collectif ESE est constitué de 20 organisations : ONG de solidarité internationale – dont le CCFD-Terre Solidaire –, syndicats, mouvements d’éducation populaire, associations de consommateurs. Il est la branche française de la Clean Clothes Campaign présente dans 16 pays européens. Site web : www.ethique-sur-etiquette.org


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