blog_4.JPGVisite d’un camp d’occupation

 

Nous sommes à Campina Grande, la ville des paysans, comme disent les gens de Joao Pessao. Il y a là un stade, architecture plutôt moderne. A ses pieds, un terrain vague, qui a été occupé il y a quelques années par 47 familles, probablement les familles les plus en difficulté de la ville. A comparer, les favelas, c’est l’hôtel trois étoiles, voire trois et demi. Ici, une série de cabanes, faites de bric et de broc, un peu comme celles que l’on a vu dans les acampamentos : du bois, des bâches, du cartons, trois tôles. La différence ? Au lieu des jardins, des tas de poubelles.

 

Il y a des gosses partout, des tous petits, des moyens, des grands, et des grands qui ont déjà des petits, du genre j’ai seize ans et trois enfants ! Tout de suite, on nous agrippe le pantalon. « Tu peux me donner un réal ? », « Hé, tu peux me donner un réal ? », « Dis, tu peux me donner un réal ? ». Je ne comprends pas le portugais, mais je sais que c’est ça qu’on me demande. Quoi répondre ? Que je ne comprends pas la langue du pays ? Faux jeton ! Je ne suis juste pas très à l’aise.

Il y a aussi des adultes, bien sûr. Des femmes, et des grand-mères, qui s’occupent de leurs petits enfants. Les hommes sont surement au boulot, à trier les poubelles, les autres sont en prison, parait-il, pour des vols, ou des crimes. Voler, ou tuer, mais survivre !

 

Il y a l’électricité sur le camp, on se débrouille pour se raccorder à un poteau électrique. Il y a l’eau courante aussi, des copains plombiers arrivent à créer des dérivations sur les réseaux d’eau, publics ou privés. L’administration ou les entreprises ferment les yeux, on ne peut quand même pas finir d’enterrer ceux qui sont déjà au fond du trou. Dans les acampamentos, on peut toujours faire un peu de jardin pour manger, et il y a les copains des assentamentos qui amènent des légumes. Mais ici, on bouffe aux poubelles, on ne peut compter que sur les rejets des autres, et encore, il faut trier. Ca fait une belle différence.

 

Le MNLM-PB devrait pouvoir reloger ces familles, si tout va bien, dans six mois ou dans un an. Il y a un programme de construction dans la ville qui a été interrompu pour corruption, mais qui semble gentiment se débloquer. Ceci dit, tant qu’on est sûr de rien, on n’évoque pas le sujet, il serait assez mal venu de donner de faux espoirs.

 

Une femme nous parle des conditions de vie sur le campement. « Le principal, c’est la santé », dit-elle, « le reste, ça n’est que du matériel ». Une autre essaie la conversation avec Marie-Anne. Elle ne lui demande pas le moindre Réal, simplement de lui envoyer de la force et du courage depuis la France, et de prier, pour elle et ses camarades.

 

Gorge serrée, c’est le choc, un peu à retardement. Besoin d’un paquet de kleenex, besoin de déguerpir d’ici, besoin de respirer, besoin de comprendre comment on peut en arriver là, alors que d’autres se gavent à en vomir. On connaît tout ça, bien sûr, les mêmes images, vues à la télé ou dans les revues. Mais là, il n’y a pas d’écran, c’est du direct. On monte dans le bus. On part. On n’en mène pas large. Silence radio pour la suite du trajet.