« Alors, ça vient d'où à ton avis, cette huile de palme ? »
Le jeune Julien a déjà fait deux pas sur le tapis de jeu : il s'agit de relier les étapes qui vont de la matière première au produit fini, en posant pieds et mains sur des cercles figurant les pays d'extraction, de transformation, et de consommation. « République démocratique du Congo ? » Isabelle a achevé le parcours qui va de l'exploitation désastreuse du coltan africain aux profits de la vente de téléphones mobiles par une entreprise occidentale.

Le CCFD-Terre solidaire avait choisi la pédagogie ludique pour son stand au Village mondial des alternatives, tenu samedi 5 et dimanche 6 décembre sur plus de deux hectares du centre de Montreuil (93), et principale manifestation du Sommet citoyen pour le climat (1).
De jeunes bénévoles se succèdent pour inviter les visiteurs à découvrir les arcanes des inégalités Nord-Sud, et s'informer sur les alternatives concrètes.
Une grande balance Roberval incite les passants à déséquilibrer le fléau en faveur du plateau « COP », où figurent de petites boîtes que chacun peut étiqueter « je consomme le plus possible de produits en vrac », « je fais mes courses en vélo », etc. Le côté « pas COP » , lui, s'emplit de «soja OGM », « agrocarburants »… Un jeune chef cuisinier affiche le « menu de la faim », proposant « rôti de spéculation et sa sauce trader » et « mousse Santo » au dessert. Brochures, explications auprès d'un public attentif.

À quelques mètres, sur cette esplanade Jean-Jaurès où le Village bat son plein, c'est une leçon de géographie simple mais instructive : les bénévoles font appel aux passants pour compléter un puzzle à grosses pièces reconstituant un planisphère « projection de Peters » qui respecte la surface réelle des pays, sans favoriser l'hémisphère Nord. Entre les stands déambulent les pancartes portant des messages des partenaires du Sud sur le dérèglement climatique, que des militants du CCFD Terre solidaire ont brandies lors de la chaîne humaine formée la semaine passée à Paris.

Le soleil est de la partie et l'ambiance franchement revigorante. Les organisateurs redoutaient les désaffections, en raison du climat sécuritaire : ils comptabiliseront près de 30 000 visiteurs, dont de très nombreux étrangers, lors de ce Sommet qui s'est déroulé sans le moindre incident — c'était la crainte de la préfecture de police, qui n'avait donné son accord que quelques jours auparavant.

Clou visuel de cette fin de semaine : un « procès des 196 chaises », sièges et fauteuils « empruntées » dans diverses agences de bancaires de France. Elles figuraient les 196 délégations gouvernementales négociant à la COP 21 et qui ont tellement de mal à rassembler les 100 milliards de dollars annuels prévus pour le Fonds climat destiné à aider les pays pauvres à s'adapter au dérèglement climatique, une somme que couvriraient largement le volume mondial de l'évasion fiscale, que les banques et les gouvernements combattent bien trop mollement au goût des militants du climat.

COP21/ Sommet Citoyen pour le Climat from CCFD-TerreSolidaire on Vimeo.

Patrick Piro