On a beau être une haute personnalité rompue à l’âpreté des négociations internationales, on n’en reste pas moins un être sensible, manifestait Christiana Figueres samedi 28 novembre. Dans la salle de la Légion d’honneur, qui jouxte la basilique de Saint-Denis (93), elle étreint comme d’éternelles copines des représentantes de mouvements religieux et spirituels, et écrase une larme à l’heure de s’exprimer à la tribune.

La secrétaire exécutive de la Convention cadre des Nations unies pour les changements climatiques (CCNUCC ou UNFCCC) vient de recevoir, de la main de Thabo Makgoba, archevêque de l’Église anglicane d’Afrique du Sud, la conclusion résumée des quatre grandes pétitions lancées ces derniers mois par des mouvements religieux en faveur de la justice climatique, dont celle du Mouvement Catholique Global pour le Climat, relayée par le CCFD-Terre Solidaire : 1 780 528 signataires !

Le révérend Kyoichi Sugino (Religions for Peace, Chine) cite la longue liste des mouvements représentés dans cette démarche sans précédent : catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans, bouddhistes, hindouistes, taoïstes, sikhs, jaïns, shintos, zoroastriens, indigènes !

« C’est un monde qui s’est levé, une mobilisation exceptionnelle », salue le pasteur François Clavairoly.

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2015, une année « climat » sans précédent pour ces mouvements, qui a vu la percée considérable suscitée par l’encyclique radicale Laudato si’ du pape François, la déclaration islamique sur le dérèglement climatique, et bien d’autres prises de positions similaires — bouddhiste, hindouiste, etc. —, « on assiste à une convergence des spiritualités ainsi qu’à un approfondissement des messages dans la mobilisation sur le climat », souligne Martin Kopp, à la fédération luthérienne mondiale.

Le discours lu par le cardinal Cláudio Hummes (Brésil) en donne une bonne idée, martelant l’impératif de la justice climatique en alignant des exigences que les ONG les plus résolues ne renieraient pas : la réduction « drastique » des émissions de CO2 pour contenir la dérive des températures sous 1,5°C, le bannissement de « l’ère des fossiles », la décarbonation totale de l’économie d’ici à 2050, l’éradication de la surconcommation, l’instauration du principe d’une solidarité intra et transgénérationnelle, l’exigence pour les pays riches de fournir les fonds qui aideront les pays pauvres à s’adapter au réchauffement.

Invité, Nicolas Hulot ne boude pas son plaisir, qui a noué des contacts avec plusieurs de ces mouvements depuis près de trois ans. « Cette mobilisation des croyants est une… bénédiction !, se réjouit l’envoyé spécial de François Hollande pour la protection de la planète.

Elle porte ce message essentiel que la bataille climatique, avant d’être technologique ou économique, est avant tout une question d’humanité. Elle l’élève au rang d’enjeu universel et lui donne toute sa dimension spirituelle et culturelle, ce qui faisait cruellement défaut jusque-là. »

Patrick Piro