Septembre 2012 : 12 familles Roms, chassées violemment de Marseille puis de commune en commune pendant tout l’été, squattent deux terrains de la commune de Gardanne.

Un petit groupe de citoyens indignés, membres de diverses associations, s’adresse au maire, Roger MEÏ, en le pressant d’autoriser ces familles à demeurer sur le territoire communal. Après un refus initial le maire, conscient de leur détresse et de l’absence de solution alternative, accepte de les accueillir à titre transitoire sur un terrain communal, le carreau de l’ancien puits de mine dit « Puits Z ».

 

Quinze mois plus tard, que peut-on dire de la situation de Gardanne, la seule commune des Bouches du Rhône qui a mis un terrain à la disposition des familles Roms ?

 

 

Un « confort »... relatif 

 

Le nombre de résidents initialement autorisés était de 62 personnes. Il est monté dans les mois suivants à la suite d’expulsions répétées à Marseille mais il est stabilisé depuis plus de 9 mois à 79. Les familles ont signé une charte avec la Mairie et se sont engagées à ne pas accueillir de nouveaux résidents.

 

La Ville de Gardanne, dès les premiers jours, a mis à disposition des familles eau, électricité, WC mobiles et enlèvement des ordures ménagères.

 

Ensuite, progressivement, grâce notam-ment au concours de la Fondation Abbé Pierre et de l’AMPIL, des caravanes et mobile-homes convenables ont été installés pour les familles. À l’heure actuelle, quelques logements sont encore à améliorer, c’est en cours.

Il n’y a pas encore de WC ni de douches ; des solutions sont à l’étude, avec des financements obtenus par la Ville.

 

Le plus important est que les familles Roms peuvent désormais envisager les prochains mois sans craindre une expulsion violente, peuvent travailler et scolariser normalement leurs enfants.

 

Qui fait ?

 

- La Ville de Gardanne, qui a progressivement consacré des moyens matériels et humains croissants à l’aide et au suivi des Familles Roms.

De sa « simple » décision d’accueil au départ, politiquement très courageuse, elle est passée à la mise en œuvre de moyens plus importants avec ses services, notamment le CCAS et la Police Muni-cipale, très actifs.

Cela s’est fait progressivement, à la mesure des financements dédiés aux Roms obtenus de l’État, du Conseil Général, de la Région PACA, et bientôt de l’Europe.

Il est important de souligner que l’accueil des familles Roms au Puits Z ne pèse pas sur le budget de la Ville de Gardanne.

 

- l’Éducation Nationale, dont tous les personnels ont été exemplaires dans leur ouverture et leur volonté d’intégrer les enfants dans le cursus scolaire, en dépit des difficultés, ainsi que différents services publics locaux ou départementaux (notamment la PMI pour le suivi médical),

 

- Le Collectif Roms de Gardanne, qui regroupe plus de cent adhérents effectifs (personnes et associations d’une très grande diversité), plus de 40 bénévoles sur le terrain, et qui s’est constitué en association 1901 afin d’acquérir la personnalité morale et d’accroître ainsi ses moyens d’action.

Le Collectif a entrepris dès les premiers jours un travail de terrain selon des axes prioritaires qui se sont précisés au fil des mois.

 

- Diverses associations et organismes caritatifs qui, même moins impliqués au quotidien, soutiennent et accompagnent réellement le travail réalisé avec les familles Roms du Puits Z.

 

Quoi ?

 

Le Collectif Roms s’est fixé comme objectif d’accompagner les familles Roms dans leur acces-sion à l’autonomie économique et sociale et dans leur insertion, dans la mesure de leurs souhaits, notamment par des actions de formation et d’éducation.

Il travaille en lien étroit avec les services muni-cipaux, les Établissements scolaires et les différents acteurs institutionnels selon trois priorités :

                                                                                                                                                                        

- scolarisation des enfants :

Elle a commencé par un travail de pré-scolarisation indispensable pour des enfants n’ayant jamais été insérés en milieu scolaire. Actuellement 24 enfants vont régulièrement à l’école, s’y intègrent bien et y font des progrès rapides.

Les bénévoles du « groupe scolarisa-tion » assurent un suivi individuel des enfants, sans négliger l’aspect essentiel du jeu et du plaisir.

 

- questions sanitaires et sociales :

accès à la santé :

En lien avec la PMI, accompagnement et suivi des consultations pour les jeunes enfants et les femmes enceintes, accompagnement à des consultations hospitalières spécialisées, recherche de lieux de soins de proximité pour permettre un maximum d’autonomie.

accès aux droits, en lien avec le service social du CCAS de Gardanne : obtention de cartes AME (aide médicale d’état), constitution de dossiers adminis-tratifs divers, papiers d’identité, cartes grises, ...

 

- vie au Puits Z et sécurité :

En relation étroite avec la Police Municipale et avec le CCAS, travail avec les familles Roms sur toutes les questions ayant trait à la vie quotidienne au Puits Z : propreté du camp, sécurité, organisation de l’espace, partage des tâches, ...

 

Et ensuite ?

 

En quinze mois, les choses ont beaucoup évolué.

De nouveaux objectifs et questionnements se sont imposés dans tous ces domaines,  et particulièrement en termes de formation et d’insertion profession-nelle, posant des questions multiples et complexes.

 

Les Roms du puits Z veulent-ils rester en France ?

Parmi nous, certains ont des enfants (adultes) ou parents qui travaillent au Canada, en Chine, aux États-Unis, en Nouvelle Zélande.

Est-ce qu’on les presse pour autant de dire s’ils veulent s’intégrer définitivement dans ces pays ? Évidemment non.

 

Une grande partie des familles du puits Z souhaite rester en France, y travailler et scolariser durablement leurs enfants. D’autres préféreraient rentrer en Roumanie si elles pouvaient y vivre décemment.

 

Travailler en France

Depuis 1er janvier 2014, les ressortissants roumains ont le droit de travailler en France comme tous les citoyens de l’Union Européenne. Les restrictions qui leur interdisaient, de fait, l’accès à un emploi légal sont abrogées.

 

Mais les obstacles à franchir sont nombreux : maîtrise du français, lourdeurs ou réticences administratives, reconnaissance des compétences, formation…

 

 

Priorités actuelles :

 

Apprentissage du français et formation

Les enfants scolarisés progressent très vite, les hommes parlent un peu français pour leur travail (essentiellement le ferraillage).

Mais les femmes restent à la maison pour s’occuper des enfants, du ménage, et ont peu d’occasion de parler le français. Leur seule activité rémunératrice est la mendicité.

L’enjeu de la langue est double : leur permettre de suivre leurs enfants scolarisés et leur permettre d’accéder à des activités rémunératrices « normales ».

C’est donc aux femmes que sont proposées les premières formations : cours de français assurés par un organisme professionnel et atelier de couture assuré par des bénévoles du collectif.

Trois petits locaux pour le soutien scolaire et la formation des adultes ont été aménagés pendant l’été par des bénévoles du Collectif, avec le soutien financier du CCAS pour les fournitures.

 

Trouver du travail

Une « ressourcerie » (recyclage d’objets mis endéchèterie) va être mise en service et pourra proposer un emploi (ou plusieurs à temps partiel) aux Roms du Puits Z.

 

Différentes pistes sont à l’étude et des rendez-vous sont pris avec Pôle Emploi. Parmi les emplois (surtout manuels) non pourvus, beaucoup pourraient être occupés par les hommes ou femmes du Puits Z.

L’accession au travail devient pour notre Collectif une priorité et une urgence.

 

 

 

Perspectives ?

 

Nous ne saurions trop rappeler, au regard d’un ratio numérique saisissant (16 800 Roms dans un pays de 66 millions d’habitants (1), soit environ 2,5 Roms pour 100 000 habitants !) que si quelques communes consentaient  comme Gardanne un effort raison-nable, à la mesure de leur taille et de leurs possibilités, il n’y aurait plus de « problème Rom » en France.

La France a accueilli au fil du temps des centaines de milliers d’immigrés de toutes origines, particu-lièrement dans le Midi.

 

Pourquoi ne pourrait-elle pas accueillir aujourd’hui quelques milliers de Roms ?

 

La période pré-électorale dans laquelle nous sommes figera probablement tout engagement nouveau des élus municipaux et candidats.

 

Cela n’empêchera pas le travail d’accompagnement des familles Roms et d’information de tous les publics rencontrés de se poursuivre sereinement.

 

Nous persistons à vouloir croire que l’application enfin effective de la circulaire inter-ministérielle du 26 août 2012, les efforts du Préfet Régnier à travers la DIHAL et son tout dernier « Vademecum » (2), le travail des élus de bonne volonté et la pugnacité des associations et citoyens permettront de confirmer les quelques progrès ponctuels auxquels nous croyons assister ici et là.

 

 

Gardanne, le 8 janvier 2014


 

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(1) Recensement officiel du Gouvernement (DIHAL), décembre 2013

(2) Document PDF disponible sur simple demande