Le CCFD-Terre solidaire, ONG d'éducation au développement et de solidarité internationale, révolutionne la conception de l'aide au développement en décidant en 2012 de mettre en place une dynamique de Territoire en Transition en Lozère. Dans une économie mondialisée où les crises sont systémiques, la solidarité envers les populations du Sud s'exprime alors par un virage radical dans nos modes de vie et de consommation au Nord. Deux jeunes ont été engagées en service civique pour la mise en place du projet : Raphaëlle Anginot et Cécile Petit.

Une dynamique localisée

Le lancement de la dynamique a eu lieu en janvier 2013, lors de rencontres conviviales autour du documentaire « En transition 1.0 » à Mende et Marvejols. Un peu plus tard, Florac a lancé l'initiative à son tour, autour du documentaire « En transition 2.0 ». Intrigués par la formule « Vivre sur un territoire plus durable ? Plus solidaire ? », une cinquantaine d'habitants du territoires se sont rencontrés une première fois pour découvrir la dynamique des Villes et Territoires en Transition. Après avoir laissé leurs contacts, d'autres rencontres ont été organisées suite à ces soirées de lancement. Amené à se plonger dans sa propre vision d'un futur plus accueillant, chacun a pu exprimer ce qui les motivait personnellement dans cette démarche : la sensibilisation, la création de modes de consom'action (système d'échange de services, groupement d'achat, création d'une AMAP...), la mise en place d'ateliers d'échange de savoir-faire, de potagers publics, donner de la visibilité aux initiatives déjà existantes...

Un collectif pour briser le sentiment d'impuissance

Partout, des initiatives individuelles ou associatives « de transition » existent déjà. Mais l'idée ici est de passer à une échelle citoyenne. Sortir de la démarche individuelle et des réseaux de connaissance est plus fédérateur, plus inclusif : des gens très différents et de toute génération sont amenés à se rencontrer. Face à l'urgence du changement climatique, de la raréfaction des énergies fossiles, des pressions économiques et politiques, il est crucial de se rassembler pour donner de l'ampleur à ces initiatives. De plus, être plusieurs permet des projets qui seraient inaccessibles seuls. Créer des espaces ou l'on peut exprimer son désarroi en toute sécurité face au monde d'aujourd'hui et briser une certaine solitude est déjà source d'énergie positive, base de toute action concrète!

Vivre son territoire plutôt que d'entrer par la porte de l'écologie

Créer du lien social et faire vivre la vie locale est la clé d'un mouvement fédérateur. Elle différencie ainsi la Transition d'une démarche environnementale classique. En effet, la Transition est enthousiaste : elle est plus attirante pour les « non-convaincus » que la vision habituelle d'une décroissance austère. Ainsi, à Saint Léger de Peyre, petit village près de Marvejols, la Fête de la Transition a été organisée par le collectif de Marvejols le 20 avril. Afin de donner de la visibilité aux initiatives déjà présentes, une foire associative s'est tenue dans l'après-midi, ponctuée d'activités : démonstration de greffe pour sensibiliser à la conservation de la biodiversité fruitière, sortie cueillette-découverte des plantes sauvages et des savoirs populaires oubliés, conférence clownesque sur la construction en paille, film humoristique « La vie des vers de terre dans l'humus cévenole »... Faire des activités d'initiatives déjà existantes un support d'événementiel festif permet de sortir des réseaux habituels de « convaincus » ; conscientiser sans faire culpabiliser: des habitants du villages intéressés par la greffe ont ainsi pu découvrir l'éco-construction par exemple.

Enjeu : pérenniser la dynamique

Comme pour beaucoup de dynamiques collectives, le risque d'un essoufflement du mouvement est présent. N'étant pas nécessairement porté par une structure juridique associative mais uniquement par l'implication des individus qui composent le collectif, une attention particulière doit être portée à des phénomènes récurrents : un leader qui étouffe l'énergie des autres ou qui impose sa vision, les rapports de force, les différentes personnalités, les conflits d'égo, le manque de temps disponibles sont autant de difficultés à surmonter. La Transition passe également par un profond changement de son rapport à soi-même, aux autres, c'est-à-dire des schémas sociaux desquels nous sommes imprégnés... Tous ces sujets seront abordés (ont été? Cf date de parution de l'article) en profondeur lors de la form'action « Lancer et développer une initiative de transition », sur la commune de Quézac le 1er et 2 juin, animée par Guillaume Dorvaux et Claire Carré, membres du réseau Transition Network et forts de nombreuses expériences de transition.

Lozère en transition apporte ainsi sa pierre à l'édifice vers un futur que nous voulons construire plutôt que subir.

Raphaëlle Anginot
CCFD-Terre Solidaire / Lozère en transition

Villes et Territoires en Transition :  de quoi parle-t-on   ?
La transition est un mouvement créé autour de 2005 en Angleterre, par Rob Hopkins, enseignant en permaculture. En réponse à la double pression du pic pétrolier et du changement climatique, quelques communes pionnières du Royaume Uni et d'Irlande ont adopté une approche fédératrice et globale pour réduire leur bilan carbone et mieux se préparer aux bouleversements qui accompagneront le pic pétrolier. Depuis, des initiatives se sont enrichies les unes des autres et composent aujourd'hui un réseau mondial.

La Transition propose de mettre en place des initiatives citoyennes dont le but est de bâtir un futur moins gourmand en énergie et d'améliorer le niveau de résilience d'une communauté. Plus que le développement durable, la résilience désigne la capacité d'un système (comme des sociétés humaines) à s'adapter à des événements extérieurs et à des changements imposés (chocs économiques, environnementaux...)». Finalement, le pic pétrolier et le changement climatique ne sont que des éléments d'une crise systémique. Une approche transversale est ainsi privilégiée: alimentation, habitat, transport, éducation ..., qui pose aussi la question du lien social et d'une transition plus intérieure.

Toute initiative locale peut s'inspirer des fondements philosophiques et des outils du «  Manuel de transition - De la dépendance du pétrole à la résilience locale  » de Rob Hopkins, et les adapter à son contexte.