Présentation du congrès
Le congrès continental de théologie qui a eu lieu à Unisinos
(prés de Porto Alegre) au Brésil du 7 au 11 octobre, était organisé par la
fondation AMERINDIA créée en 1978 à
l’occasion
de la conférence de Puebla
par un groupe d’évêques théologiens Latino -Américains.
Cette fondation
compte aussi aujourd’hui
des éducateurs, des chercheurs en sciences
sociales, des religieux, mais aussi des laïcs et
des membres de mouvements sociaux
importants.
Ont aussi participé à
l’organisation de ce congrès, La Conférence Latino-Américaine de Religieux,
(CLAR en Colombie), l’Association des Théologiens de Mexico (ATEM), le Réseau
de Théologie Pastorale du Guatemala, la société de Théologie et des Sciences de
la Religion du Brésil et
l’université
Catholique
« Javeriana » en
Colombie. Un immense congrès donc, qui a réuni quelques 750 personnes, 50 ans
après Vatican II et 40 ans après la publication du livre « Théologie de la
libération : Perspectives » de Gustavo GUTIERREZ, une première dans
l’histoire de la théologie du continent latino-américain.
![congres.jpg, nov. 2012 congres.jpg](/old/pacalc/public/congres_theologie/.congres_m.jpg)
L’objectif de ce congrès était de dresser un bilan de ces
dernières décennies concernant l’Eglise en Amérique Latine, mais aussi une
analyse du monde culturel, social et politico-économique actuel, afin de se
tourner vers l’avenir , de réfléchir et débattre sur les nouveaux défis et les
tâches futures de la théologie sur le continent. Ainsi, les quatre journées de
travail ont été découpées ainsi :
-
Situation socioculturelle, économique et
politique du continent dans le contexte mondial.
-
Les Eglises dans le continent
50 ans après Vatican II et les questions
actuelles…
-
Le rôle de la théologie dans les processus de
changement du continent dans le contexte mondial.
- Les tâches et défis futurs pour la théologie
en Amérique Latine et aux Caraïbes, à partir des conclusions de ce congrès.
Parmi les nombreux intervenants…
Gustavo
GUTIERREZ (1928) Prêtre
dominicain, philosophe et théologien Péruvien. Il est le père de la « théologie
de la Libération » et fondateur de l’Institut Bartolomé de Las Casas à
Lima. Auteur de nombreux livres.
Leonardo
BOFF (1938)
T
héologien
et
écrivain
Brésilien, Il est le précurseur de la « théologie de la libération »
au Brésil.
Chico
WHITAKER : (1931) Militant altermondialiste
brésilien et l'un des organisateurs du
Forum social mondial.
En 1964, il rejoint le mouvement d’opposition
contre le régime militaire du pays et milite pour la « théologie de la
libération », ce qui le conduit à s’exiler en France en 1966. De 1968 à 1970
il a travaillé pour le CCFD Terre Solidaire à Paris.
Jung Mo SUNG Économiste et théologien
, professeur et
chercheur à la faculté méthodiste des sciences humaines et de droit de São Paulo au Brésil.
Maria PILAR
AQUINOProfessor,
Theology and Religious Studies (1956)Professeur de théologie et de sciences
religieuses,
elle a été la première
femme présidente de l'académie des théologiens catholiques hispaniques des
États-Unis, dont elle est également co-fondatrice.
She is internationally renowned for her pioneering work in Latin
American and US Latina feminist theologies of liberation. Elle est
reconnue internationalement.
Victor
CODINA : (1941)Jésuite
Espagnol qui vit en Bolivie. Professeur en faculté de théologie et engagé
auprès des plus pauvres dans les communautés de base.
Jon SOBRINO
(1938) Prêtre jésuite.
Il vit au
Salvador et fut un ami et collaborateur de Monseigneur Oscar ROMERO assassiné
en 1980. Professeur de théologie et auteur de nombreux livres.
Pablo RICHARD
(1939) Prêtre et théologien Chilien, ami proche de Salvador ALLENDE,
président du Chili, assassiné en 1973.
Socorro MARTINEZ, (1943) avocate
Mexico-Américaine et militante contre le racisme.
![participants.jpg, nov. 2012 participants.jpg](/old/pacalc/public/congres_theologie/.participants_m.jpg)
Jon SOBRINO
La « Théologie de
la Libération », une théologie libératrice.
Dans la ligne de Vatican II et des encycliques sociales de
Jean XXIII et de Paul VI, L’Eglise a
réaffirmé lors de la conférence épiscopale de Medellin en 1968, son
« option préférentielle pour les pauvres ». Mais certains ne
mesuraient pas toute la portée de cet engagement. Opter pour les pauvres,
c’était aussi les défendre et lutter avec eux contre tous ceux qui les
appauvrissaient. D’ailleurs, le
président des Etats Unis de l’époque ne disait-il pas : « Si la
théologie de la libération fonctionne, les Etats Unis sont en
danger … » Il y a eu le Medellin pensé et parlé, mais il y a surtout
eu le Medellin vécu, qui a fait trembler les puissants et par là-même divisé
l’Eglise. Ce qui paraissait impossible est devenu possible, mais à quel prix !
Quand on parle de théologie sur ce continent, on parle des martyrs. Certains
parlent de mémoires subversives, alors que c’est une mémoire historique.
« La gloire de Dieu, disait Monseigneur ROMERO, c’est que le pauvre
vive. » En lui, la Parole de Dieu s’est faite chair, par son exemple
d’amour, de courage et d’authenticité.
Il était un prophète historique et il l’a payé de sa vie, assassiné au
Salvador en 1980. Mais la « théologie de la Libération » a changé
définitivement l’histoire de ce continent ou aujourd’hui encore, abondent des
fontaines d’eau vive…
« Un autre monde
est possible, mais surtout urgent et nécessaire »
« Un autre monde est
possible, mais surtout urgent et nécessaire, disait Chico WITHAKER, mais il y a une désinformation générale sur cet
autre monde possible ». Nous avons à nous opposer aux modèles économiques
et sociaux actuels pour replacer l’Homme au centre de la Création. Jung Mo SUNG, économiste et théologien,
quant à lui nous interpellait: « Aujourd’hui, quels sont nos nouveaux
modèles à nous chrétiens ? La croix
ou la carte de crédit et l’iPhone ?
Quelles sont nos églises, les cathédrales ou les centres
commerciaux ? Nous sommes les
victimes d’un système impérialiste et capitaliste et la plus grande religion
aujourd’hui est le « shopping ». Le système classe les gens selon
leur genre, leur culture, leur richesse. Où donc ancrer notre espérance dans un
tel monde ? » Nous avons sans cesse à nous redire que nous ne sommes
pas supérieurs les uns aux autres et que la terre est un bien commun de
l’humanité tout entière. Mais, comme l’a longuement souligné Leonardo BOFF,
notre vieille terre est fatiguée. Cette « terre mère, nourricière »,
vénérée par les peuples ancestraux d’Amérique Latine, « nous la
traitons comme un objet de convoitise. Mais comment penser le futur de
l’humanité en la détruisant ? Aujourd’hui, une théologie qui ne prendrait
pas en compte cet aspect, ne serait pas une théologie sérieuse. » Nous
avons à nous inspirer des sagesses et des croyances indigènes pour repenser
notre humanité afin qu’elle soit porteuse d’espérance et de vie pour tous. " Je suis venu, dit Jésus, pour que vous
ayez la vie et que vous l'ayez en abondance " (Jean 10-10).
Gustavo GUTIERREZ
« Il y a un critère pour savoir si l’on est
proche de Dieu, c’est d’être proche des pauvres ».
Gustavo
GUTIERREZ, père de la « Théologie de la Libération » en Amérique
Latine, nous a rappelé que la théologie ne s’articulait pas d’en haut, mais à
partir des témoignages de vie des communautés de base, une théologie qui donne
un témoignage réel de l’Evangile.
« Nous avons à nous remettre en relation avec le Jésus
historique », celui qui vivait pauvrement au milieu des pauvres et «
à avoir une réflexion critique de notre pratique à la lumière de la foi. Pas de
vie chrétienne sans prière certes, mais symétriquement, pas de vie chrétienne
sans engagement dans l’histoire. C’est ni plus ni moins, la logique de
l’Incarnation. Ce monde qui se prétend « adulte », n’ayant à ce
titre plus besoin de Dieu, est-il seulement « Libérateur » comme
il prétend l’être ? Ne produit-il pas de la domination, de l’oppression,
de la violence, et pour tout dire de la pauvreté et des pauvres ?
Aujourd’hui encore, la « Théologie de la Libération » peut rappeler à
notre Église occidentale en perte de vitesse et parfois trop tentée d’appliquer
pour son propre compte les recettes qui marchent, dans un monde préoccupé avant tout par la
rentabilité, qu’il existe une autre manière de considérer le monde et son
histoire. C’est une urgence et une nécessité que de répondre à la souffrance de
ce monde et de s’engager au service de cette cause. »
Mon témoignage
C’est une
tâche impossible que de résumer en quelques lignes ce qui s’est vécu à ce
congrès continental de théologie qui a réuni les plus grands théologiens
latinos américains de ces cinquante dernières années et beaucoup d’autres
encore. Quelques sept cent cinquante personnes présentes, de tous les pays de
ce continent, mais aussi des représentants de diverses organisations
humanitaires du monde entier. En union profonde avec tous les martyrs de la
théologie de la libération, cette rencontre a été une véritable expérience
d’Eglise, une Église qui se veut proche des plus pauvres de ce monde, des plus
marginalisés, des plus exclus. Des journées passionnantes et bouleversantes à
la fois, d’une richesse inestimable grâce aux rencontres et au partage de
réalités parfois bien douloureuses. Beaucoup de gens présents ici sont des
survivants des dictatures et des guerres civiles. Combien ont été torturés...
Aujourd’hui encore, l’Amérique Latine est un continent qui n’en finit pas de
souffrir. Mais la pauvreté n’est pas une fatalité. Elle existe parce que la
violence et la cupidité existent. Les pauvres sont les victimes d’un système capitaliste qui a transformé
l’économie mondiale en une véritable machine de consommation avec tout ce que
cela implique de souffrances et de destructions. Cette théologie, qui consiste
à remettre l’Homme debout, a souvent été et reste aujourd’hui encore très
controversée, et ce, au sein même de l’Eglise. Certains la voudraient disparue,
mais elle est toujours bien présente et vivante dans toutes ces communautés de
base qui, à la lumière de l’Evangile, luttent, jour après jour, pour plus de
dignité, de justice et de paix. Ma présence ici, me fait découvrir ce qu’est
réellement l’Eglise de Jésus Christ, bien plus qu’avec des mots et de grands
discours, mais par les témoignages, par ce vécu partagé en vérité avec les gens
de ce continent. Elle me fait descendre au plus profond de moi-même pour y
découvrir la personne de Jésus Christ, bien plus que dans des icônes et des
édifices, un Jésus Christ pauvre parmi les pauvres, qui n’a cessé de s’élever
contre l’ordre établi et l’arrogante des puissants. Il a fini sur la croix,
crucifié par les siens. On parle des Saints d’aujourd’hui, et ce à juste titre.
La terre ici aussi reste marquée par le sang versé de ses martyrs. Le premier
d’une longue liste fut Monseigneur ROMERO, assassiné en 1980. Mais on oublie
trop souvent les Prophètes et les Saints d’aujourd’hui, qui sont bien vivants et qui transmettent la
vie, par leurs actes, leurs paroles, et leurs engagements, et ce, bien souvent
au péril de leur vie. Oui, avec Monseigneur ROMERO, « Dieu est passé par le
Salvador », et Il continue de passer ici tous les jours. Nous, chrétiens, nous avons à nous engager pour la libération de
tout ce qui opprime l’homme et à dénoncer toute forme d’injustice.
Puissions-nous aussi, dans notre monde
occidental, ouvrir enfin les yeux, pour découvrir que la richesse n’est pas
dans les faux paradis de l’argent et dans les «temples» de la consommation,
mais dans la rencontre profonde d’Homme à Homme et dans la différence.
N’oublions jamais qu’aucun Homme n’est supérieur à un autre. Enfin,
puissions-nous accepter d’avoir moins, pour Être plus. Et cela, Il y a bien
longtemps que le CCFD Terre Solidaire l’a intégré. Preuve en est, les multiples
témoignages et les remerciements reçus ici pour sa présence et son soutien
actifs aux côtés de nombreuses
organisations de développement de ce continent. Oui, un autre monde est
possible, mais rien ne changera là-bas si rien ne change chez nous. Cet autre
monde, ce n’est qu’ensemble que nous pourrons le bâtir.
Écrit à
San Leopoldo au Brésil – Octobre 2012.
![rollande.jpg, nov. 2012 rollande.jpg](/old/pacalc/public/congres_theologie/.rollande_m.jpg)
Dans les semaines à venir, des soirées
ouvertes seront organisées
par le CCFD Terre Solidaire en Lozère,
pour donner un témoignage plus approfondi
de ce qu’a été ce congrès.