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Libre opinion Guy Aurenche, président du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire)

Tant de difficultés assaillent notre pays, nos finances, nos emplois, nos familles, qu’il devient difficile aujourd’hui d’appeler la population au soutien des efforts de solidarité internationale. Le « d’abord chez nous », « la Corrèze avant le Zambèze »… Et pourtant il paraît plus nécessaire que jamais d’intégrer la solidarité internationale dans nos réflexions, nos stratégies et notre générosité.










Il y a quarante ans, les amis du tiersmonde affirmaient à juste titre que rien ne s’améliorerait chez eux si nous ne changions pas nos pratiques ici. Nous affirmons aujourd’hui qu’aucune solution ne sera trouvée aux problèmes que connaît la France ou l’Europe si celles-ci n’intègrent pas la solidarité internationale dans leurs stratégies de sortie de crise. En matière d’emplois, cela est évident puisque les délocalisations ou relocalisations se décident à Pékin, New York, Bruxelles ou Brasilia. Dans l’invention d’une nouvelle Politique européenne agricole commune (PAC), nous ne pouvons pas faire comme si la capacité de nourrir les populations des pays du Sud ne dépendait pas aussi des pratiques européennes. Bien plus, les organisations que nous soutenons dans ces pays ont quelque chose à dire aux paysans français qui souffrent aussi de l’accaparement des terres, qui sont comme eux en quête d’eau propre, du maintien des équilibres écologiques et du vivreensemble. Investir dans la solidarité internationale, c’est investir pour la paix dans le monde que nous léguerons à nos enfants. Le court-termisme, comme le repli sur soi, sont de bien mauvais conseillers.

En s’adressant à tous les membres de la famille humaine, l’Évangile de Jésus-Christ rappelle l’universalité de l’exigence solidaire. La pensée sociale de l’Église propose des pistes pour la mettre en œuvre.

Au cœur d’une mondialisation violente, trois réponses s’offrent à nous pour faire face à l’interdépendance liant l’avenir des peuples.

En choisissant le « chacun pour soi », nous engageons une guerre concurrentielle, à mort. Bon courage pour nos héritiers… Si nous nous contentons du « Que le meilleur gagne », bon courage à ceux et celles qui ne sont pas les meilleurs, les exclus du vivre-ensemble… D’une manière à la fois éthique et réaliste, décidons de construire nos stratégies de sortie de crise sur le partenariat et la solidarité effective. En appelant au choix de la solidarité internationale nous ne rêvons pas. Nous donnons une chance à la paix.

Ces questions paraissent complexes à beaucoup de Français. Elles sont pourtant déjà portées à travers le monde par des millions de paysans, artisans, éducateurs qui luttent contre la misère. Le CCFD-Terre solidaire avec ses 450 organisations partenaires dans 70 pays, et des milliers d’autres associations, ont fait le choix de la solidarité internationale, de l’alliance plutôt que la violence. La société civile organisée est capable d’influencer les décideurs politiques et économiques. Ceux-ci savent bien que nous sommes aussi des électeurs et des consommateurs. Si après trente ans de combat l’idée de la taxe sur les transactions financières internationales trouve sa place dans les agendas européens, ce n’est pas dû à un miracle ! Les associations ont pu avec compétence démontrer le bien-fondé de ce projet. Nous restons en alerte pour s’assurer que les revenus de cette taxe ne soient pas détournés de leurs finalités de solidarité.

Par la générosité financière, qui accompagne l’action des partenaires sur le terrain, chacun peut aider les réfugiés birmans à construire la Birmanie de demain, appuyer les paysans sans terre dans leur combat pour la survie, contribuer à la formation de millions de jeunes de la région des Grands Lacs africains meurtris par tant de violences, défendre les droits des femmes si souvent bafouées dans leur dignité…

La solidarité internationale passe aussi par la pression citoyenne, par l e p a r t ag e d e s connaissances, par les pratiques interculturelles dans le quartier, par le goût de l’Autre qui interpelle nos modes de vie.

La démarche Diaconia proposée par l’Église de France, comme les enseignements tirés de l’engagement des communautés au service de la dignité humaine, contribuent à nourrir la réflexion et l’action au service du bien commun.

Au cours de ce Carême, les occasions, les moyens ne manquent pas d’être au rendez-vous de la solidarité internationale.

La société civile organisée est capable d’influencer les décideurs politiques et économiques. Ceux-ci savent bien que nous sommes aussi des électeurs et des consommateurs.