journée mondiale de l'eauJournal LA CROIX du 5 avril 2012 - Pascal Boniface, directeur de l’IRIS -   

Le sommet mondial de l’eau vient de se tenir à Marseille. La base de l’analyse géopolitique sur l’eau repose sur son inégale répartition : neuf pays se répartissent 60 % du débit annuel mondial d’eau douce ! Les tensions liées à l’accès à l’eau, la rivalité pour le contrôle de l’approvisionnement sont devenus des sujets de réflexion géopolitique. Certains n’ont pas hésité à dire que l’eau sera, au XXIe siècle, ce que le pétrole est au XXe, et qu’il y aura désormais des guerres de l’eau.
L'eau

FeDePHOtO / atGeR GuIllaume Autour du point d’eau à Boussouma, au Burkina Faso. Un Français consomme 180 litres d’eau par jour, un Américain 300. La consommation quotidienne moyenne d’un Africain ne dépasse pas 10 litres.

Certes, lorsqu’une matière indispensable se raréfie, les risques d’affrontement se multiplient. Cette multiplication des tensions exige d’anticiper les risques, avant que ces cas ne dégénèrent en situation hydraulique belliqueuse.

La première des guerres pour l’eau des temps modernes pourrait susciter des exemples négatifs. Il y a 260 bassins transfrontaliers qui pourraient être autant de sources de conflit. Pour le moment, la rivalité pour le contrôle de l’eau n’a généré aucun conflit armé direct. 200 traités ont été signés entre pays voisins sur la question du partage et de la ressource. Il n’en reste pas moins que les tensions existent bel et bien autour du partage de l’eau, à des niveaux régionaux et locaux, et ce sur tous les continents. Les points les plus sensibles sont : ▶ Les tensions entre la Turquie, la Syrie et l’Irak pour le partage du Tigre et de l’Euphrate ;

▶ Israël et ses voisins : 57 % des ressources en eau israéliennes proviennent des territoires occupés depuis 1967 ;

▶ Les tensions entre l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan pour le partage des eaux du Nil ;

▶ La Chine est accusée de mener une politique unilatérale visant à détourner les fleuves importants par de grands travaux, créant des difficultés avec ses voisins indiens et vietnamiens ;

▶ Le conflit du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan a une dimension partage des eaux.

En réalité, l’eau est un élément parmi d’autres, dans les antagonismes géopolitiques. Les rivalités pour l’eau sont d’autant plus dangereuses qu’elles viennent se greffer sur d’autres rivalités. Elles vienn e nt a mp l i f i e r l e s t e n s i o n s existantes, elles ne les créent pas. L’eau n’est pas la principale composante du dossier israélo-palestinien, sino-tibétain, ou indo-pakistanais.

Le véritable problème posé par l’eau est global. Si l’eau est une cause de mortalité, ce n’est pas par les guerres qu’elle peut susciter mais par l’impossibilité d’y accéder pour une partie de l’humanité. L’accès à l’eau, ou son déni, est l’un des aspects de la problématique Nord-Sud. Les pays développés qui ont les capacités techniques de faciliter l’accès à l’eau pour leurs populations sont également ceux qui sont les plus favorisés par la répartition naturelle de la ressource.

Un Français consomme 180 litres par jour, un Japonais 280, un Américain 300. La consommation quotidienne moyenne d’un Africain ne dépasse pas 10 litres. 1,1 milliard de personnes sont sans accès à l’eau potable. 2,5 milliards sont sans accès à un moyen d’assainissement. Une conséquence directe sur la santé publique : 80 % des maladies dans les pays en développement seraient liées au manque d’eau de bonne qualité.

Les besoins du Sud sont connus. Il y a un manque de moyens financiers et techniques aggravé par l’accroissement démographique, la hausse de la demande en produits agricoles et une urbanisation mal maîtrisée.

Dans un rapport de 2004 (« Amélioration de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement dans le monde : coûts et avantages »), l’Organisation mondiale de la santé (l’OMS) estimait que, pour atteindre l’objectif du millénaire pour le développement (OMD) en 2015, 9,5 milliards d’investissements par an étaient nécessaires. Cette somme est importante, pas inaccessible. C’est une question de volonté politique. Force est de constater qu’elle manque encore aujourd’hui.

L’accès à l’eau sera garanti s’il y a une coopération des différents acteurs internationaux. Le rôle des États reste primordial. Il doit être accompagné par celui des organisations internationales, des ONG, des collectivités locales, des secteurs privés et de la société civile.

Il y a 260 bassins transfrontaliers qui pourraient être autant de sources de conflit.

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