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Retranscription de l'intervention Roberto « Gogo » Malvezzi

Conférence du 25 mars 2014 à Blois

Le CCFD-Terre solidaire et ses partenaires : l’Église s'engage contre la pauvreté"

 

Le CCFD-Terre Solidaire m’a demandé de parler de l’Eglise du Brésil. Je vais vous parler plus précisément de la relation de l’Eglise avec les pauvres.  

 

Tout d’abord, mon témoignage : je suis né dans la périphérie de Sao Paulo, une région riche. J’y ai fait mes études et je m’imaginais travailler plutôt dans la communication, la radio, mais en lien avec l’Eglise. Je me suis retrouvé finalement à travailler à la Commission Pastorale de la Terre (CPT).

J’aime aussi beaucoup la musique et je compose.

 

Dans les années 70, l’Eglise du Brésil a beaucoup changé, grâce au contexte de Vatican 2. Celui-ci a eu beaucoup d’influences sur les évêques d’Amérique Latine, avec en chef de file Dom Elder Camara. Célébration des 50 ans de Vatican 2 un texte de lui a été repris : le « Texte des Catacombes » (les caves à Rome ou les chrétiens se cachaient). Nous devons créer une « Eglise des catacombes » disaient ces évêques.

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Un public très attentif à l'intervention de Roberto Malvezzi

L’inquiétude de Dom Helder Camara sur comment traduire ce texte pour qu’il parle aux latinos. Une conférence très connue à Medellin 1978, suivie de Puebla en 1979 ont consacré l’expression « l’option (préférentielle*) pour les pauvres » (*=ajoutée à Puebla). Sortez et allez dans tout le Brésil répandre ce message. C’est à cette époque que beaucoup de communautés (…) de base sont nées.

 

C’est dans ce contexte que je suis allé moi aussi voir les plus pauvres, ce pourquoi je me suis installé (d’abord provisoirement, maintenant j’y vis depuis 35 ans) dans le Nordeste en 1980 : pas d’électricité, pas d’eau potable… La nuit, ma seule activité était de lire un livre à la bougie, c’est tout.

 

Mon choc majeur n’était pas le manque de richesses mais surtout la qualité d’eau bue : elle était stockée dans un trou à terre, et servait aussi bien pour les hommes que pour les animaux. Le diocèse de ma ville : 56km carrés. Et à l’époque, l’évêque avait seulement 6 prêtres pour l’aider à travailler, ainsi que quelques sœurs, et donc il demandait de l’aide. Je suis resté l’aider et j’ai rejoint la CPT.

 

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Je me suis questionné : comment rester chrétien devant de telles situations (manque cruel d’eau) ? Pendant certaines périodes, j’ai vu des choses emblématiques comme : les gens du Nordeste sont très cathos, les célébrations, la messe, l’eucharistie, … Quand quelqu’un organise un baptême, une messe, il invite tous ses voisins, ses amis à venir chez lui. Mais parfois on ne pouvait faire la messe, le baptême car pas d’eau. J’aurai des millions d’exemples pour signifier « l’option préférentielle pour les pauvres ». En ouvrant les saintes écritures, on comprend comment Jésus s’adressait à ces gens. Pas besoin d’être un théologien pour comprendre l’action de Jésus, dans de pareils contextes.

 

Le pape François nous apporte des nouveautés : il nous attire l’attention non sur seulement la pauvreté matérielle mais aussi et surtout la pauvreté spirituelle. Il y a plein de gens qui ont une bonne vie (matérielle) mais qui ne sont pas heureuses, c’est hélas la donne de nos sociétés contemporaines.

Quand je vais rentrer à Paris, je vais rencontrer un avocat, prêtre dominicain, Frère Henri de Roziers. Il est très âgé, il a beaucoup travaillé avec nous pour défendre les droits des indigènes et des noirs.

 

Durant la 5ième semaine sociale brésilienne, j’ai pu rencontrer Yvonne Belaunde (actuelle chargée de mission Brésil au CCFD-Terre Solidaire), et c’est grâce à elle si je suis parmi vous ce soir.

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Visite d'un chantier participatif de construction de citernes, programme "1 million de citernes" appuyé par des partenaires du CCFD. Février 2014, Caruaru, Pernambouc, Brésil. Photo CCFD. 

QUESTIONS-Réponses

Église et dictature :

L’église a soutenu le coup d’État, mais il y avait quelques évêques qui ne soutenaient pas (Dom Elder Camara), mais une fois implantée, l’église est devenue un adversaire et a lutté pour le retour de la Démocratie. Beaucoup de chrétiens sont morts. Pendant 10 ans, le nom de Camara ne pouvait pas être cité dans les médias.

L’Église française a beaucoup aidé en invitant en France des gens comme Helder Camara, qui a pu témoigner. On lisait au Brésil le magasine « La vie » pour savoir ce qu’il disait, pensait, depuis la France.

 

Qui sont les « indigènes » dont vous parlez ?

Ce sont ceux qui vivaient là avant l’arrivée des portugais. Les portugais ont essayé de les mettre en esclavage pour les faire travailler dans les champs de canne à sucre ou la recherche d’or. Devant leur refus catégorique, les portugais ont donc amené des noirs d’Afrique. Donc le Brésil est fait de 3 grandes catégories de population qui se sont plus ou moins métissées : indigènes, noirs, et blancs européens. Mais le mariage métis n’est pas un problème. Ma femme est noire et tous nos enfants sont de couleur différente !

Les femmes noires et indigènes ont été violentées et violées pendant des générations. Le Film « 12 ans d’esclavage » sorti il y a peu relate très bien cette histoire, qui s’est déroulée du nord au sud de l‘Amérique (donc Brésil).

Le problème aujourd’hui c’est que les métis, les noirs, et les indigènes ont encore du mal à être considérés sans différence sociale.  La question de l’identité brésilienne est aussi un frein au bon développement du pays.

 

Perception de l’église par les jeunes/ Comment les JMJ ont été accueillis au Brésil ?

2 phénomènes actuels dans l’Eglise brésilienne :

- arrivée des églises pentecôtistes

- la culture moderne dénoncée par le Pape, la Culture de l’individualisme, l’indifférence, …

Beaucoup de jeunes sont encore dans toutes les Églises. Quand le Pape est arrivé au Brésil, on attendait 2 millions de jeunes, et ce sont 3,5 millions de jeunes qui étaient là. On était surpris par cette telle quantité de jeunes. Mais notre pays a une moyenne d’âge beaucoup plus jeune.

Grands propriétaires terriens

Le problème de la Terre au Brésil est selon moi le « péché originel » du Brésil. Jusqu’aujourd’hui, sans rédemption !

Nous avons encore les grandes propriétés, pas de réforme agraire effective, des gens chassés, et beaucoup d’assassinats pour des questions de terres.

Forêt Amazonienne :

Selon moi ce sont 80% du peuple brésilien qui souhaite un développement respectant la nature et plus largement la création, et le respect du créateur. Nous avons gagné une bataille ici, une autre là, mais on continue de perdre la guerre.

Il y a les grandes entreprises nationales, et les marchés internationaux (soja, bovins, agrocarburants, …) qui sont très puissants, et nous n’arrivons pas en tant que majorité à vaincre une minorité de gens bien organisés.

  

L’Eglise en France :

J’ai rencontré beaucoup de gens engagés pour la solidarité, la fraternité, l’action sociale. Quand je vais écrire mon rapport pour la CPT, je raconterai tout cela.

Pour moi la solidarité est une valeur chrétienne même si elle vient d’ailleurs (Ch.25, Matthieu)

Selon l’évangile, certaines personnes sont appelées à l’intimité avec Dieu, ce sont les baptisés : nous sommes privilégiés, car Il se présente à nous et révèle qui il est ; mais ça nous donne une mission, celle d’annoncer l’évangile. D’autres le connaitront lors du jugement dernier…

 

En tant que catholiques, pourquoi les gens ne veulent plus venir à l’Église ? Le pape a dit : on ne doit pas attendre que les gens viennent mais nous devons aller là où ils sont ! Défi pour toutes les Églises. Je sais que la société contemporaine a d’autres dieux (la consommation), et d’autres temples (les supermarchés). Cette réalité crée un vide, un manque de sens pour la vie, et les gens ne sont pas heureux, mais je crois, profondément que cela ne va pas durer, et l’Église doit jouer son rôle et cette réalité va s’améliorer dans ce siècle. Mais cette Église doit être vraie, ne pas vivre de symboles et de chefs, et le futur de l’Église c’est d’être le « sel » et le « levain » de la terre.

 

Laïcité à la française / brésilienne :

- Pendant nos 2 jours d’accueil à Paris, le mot le plus prononcé était « laïcité ». En voyant le château de Chambord, j’ai pu comprendre pourquoi la révolution française avait eu lieu !

- Du point de vue légal, le Brésil (comme beaucoup d’autres pays) est laïc, mais les évêques brésiliens disent souvent : « le pays est laïc, mais les gens sont religieux ! ». Notre gros problème : les évangélistes existent, s’organisent politiquement, et il y a un grand débat car l’Église évangélique souhaiterait, selon certains, prendre le pouvoir ! Au Brésil, cette laïcité est nouvelle, et je ne vois pas de problème si elle respecte les choix de chacun.

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Quelles influences musicales en tant que compositeur interprète :

J’étais étudiant séminariste, je suivais aussi des cours de musique : le prêtre nous faisait écouter la musique classique et la musique populaire brésilienne : samba, frevo, bossa nova, forro, … C’est cette musique que j’ai écouté et quand je fais mes chansons, comme tout brésilien, je m’en inspire.

                                           

Pour écouter et télécharger mes chansons :

www.robertomalvezzi.com.br

Voici en bonus les paroles de la chanson que nous a chanté Roberto à la fin de son intervention :

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