Une conférence gesticulée, un gouter, une conférence et des ateliers, tout cela afin de découvrir comment les paradis fiscaux sont proches de nous, et comment nous pouvons les combattre!
Il y avait plus de 80 personnes ce samedi pour mieux comprendre la situation, et comment agir dessus. C'est très encourageant pour nous d'avoir eu autant de public!
En attendant les extraits sonores et vidéos de la journée, voici déjà la retranscription de la conférence donnée par notre intervenant :
Télécharger la conférence : CONFERENCE___de__Jean__MECKAERT_du_7_Decembre_2013_-_par_Louis_Moulay.pdf
CONFÉRENCE de JeanMECKAERT du 7 Décembre 2013
Les Paradis Fiscaux : Etat des Lieux et Mobilisation
A// Etat des Lieux et Actions à mener
Les actions à mener sont au nombre de trois.
1/ Il s’agit de « taper » sur les iles aux trésors. La moitié des transactions fiscales sont enregistrées dans les paradis fiscaux. On y cache le butin à l’abri de l’impôt. Aux iles Caïman, on dénombre 34 sociétés par habitant. 40 % des investissements réalisés en Inde proviennent de l’ile Maurice.
2/ Il s’agit aussi de « taper » sur les utilisateurs des paradis fiscaux, en les obligeant à la transparence et en les sanctionnant.
3/ Il s’agit encore de « taper » sur les transporteurs qui véhiculent le butin.
Depuis 1980, on inscrit les paradis fiscaux ( Tax Havens ) sur des listes noires. Lorsque l’on blanchit l’argent du crime, cela relève des paradis judiciaires. C’est le GAFI (groupe d’action financière) qui intervient et propose aux états nationaux des plans de lutte, efficaces contre le blanchiment d’argent sale. La mise en place des listes a été confiée à l’OCDE et, depuis 2009, cette dernière en opère la révision. Le G 20 se retourne vers l’OCDE, détenteur d’une liste de 42 territoires. Ces pays vont – ils accepter d’échanger entre eux sur les fraudeurs fiscaux ? Si oui, ils passent en liste grise. On est à la recherche des détenteurs de fonds. Une évaluation sur 4 ans a été réalisée dans les iles vierges britanniques, la Suisse et le Luxembourg. Deux points forts se font jour
– une création de brèches dans le secret bancaire suisse.
- une mise en place d’outils qui permet aux commissions rogatoires
internationales de prendre des sanctions.
B// Qui sont les Pirates ?
1/ Les riches particuliers, comme ces américains qui ont ouvert des comptes chez UBS en Suisse. 30% du chiffre d’affaires d’UBS est américain. Sous peine d’interdiction du commerce, la Suisse a consenti de céder au fisc 4 500 noms. Du coup, 15 000 fraudeurs se sont dénoncés spontanément au fisc américain. Le coût de l’évasion fiscale, correspondant aux sommes détenues dans les paradis fiscaux, s’élèverait d’après Gabriel Zucman, auteur de « la richesse cachée des nations » à 5 800 milliards d’euros, ce qui représente deux fois et demie le Produit Intérieur Brut de la France. La part de la France y serait de 350 milliards €. D’autres sources, invérifiables, chiffrent le montant des sommes détournées entre 20 000 et 30 000 milliards €.
2/ les Entreprises Multinationales (comme Google, Apple, Amazone, Facebook etc…). Ces grands groupes transfèrent leurs bénéfices en des lieux moins fiscalisés et procèdent en 4 étapes :
- Ils multiplient le nombre de leurs filiales à l’étranger. Chacun des
50 principaux groupes financiers européens possèdent entre 500 et 1 000 filiales.
- Ils répartissent leurs activités en deux secteurs :
+ le matériel et le corporel constituent la réalité physique.
+ l’incorporel, l’immatériel est localisé là où ça les arrange dans les paradis fiscaux. L’immatériel représente 63 % de la valeur des multinationales.
- Ils procèdent au marchandage de remises, de ristournes fiscales auprès des autorités locales, elles aussi corrompues.
- Ils effectuent le transfert de la valeur créée dans les pays les moins fiscalisés. Ces manipulations de transfert d’argent ne sont pas toujours faciles à démontrer. Aussi, bien souvent, des compromis sont signés entre le fisc et ces grands groupes, afin de récupérer une partie du redressement fiscal envisagé. La conséquence directe est que le déficit fiscal des Etats se creuse.
Les ONG se sont mobilisées et ont obtenu :
- Le Reporting pays par pays : où sont vos filiales ? Quel est leur
chiffre d’affaires ? le nombre de salariés ? leur bénéfice ?
- Les mesures de transparence progressent
+ sur les fonds bancaires : à partir de 2015, les banques vont devoir révéler ces informations dans leur rapport annuel.
+ dans le secteur extractif (pétrole, cuivre…). USA et UE ont acquis que les versements d’argent, effectués aux Etats, soient rendus publics.
3/ Les transporteurs de butin
Ce sont les banques intermédiaires, qui détiennent les informations. Il suffit de les interroger. Les USA ont obligé toutes les banques à donner des noms si elles veulent continuer de travailler avec eux. Les échanges de données entre les Etats supposent que ces derniers connaissent les trusts. Dans le monde anglo-saxon notamment, il y a une myriade de structures dont on ne connait pas les propriétaires.
Les USA frappent fort en matière de sanctions. Plusieurs banques suisses ont fait faillite. Avec cette loi contre la fraude, il s’agit de contraindre les conseillers en optimisation fiscale à dévoiler les montages complexes qu’ils proposent à leurs clients. Interdire la publicité sur Internet à toutes ces sociétés est aussi un objectif.
Les paradis fiscaux sont un secteur économique à part entière, qui a permis à toute une économie de gagner beaucoup d’argent. Les « Big Four » (Cabinets d’Audit Ernest Young, Deloitte, KPMG, PricewaterhouseCoopers ), par leurs conseils, créent des activités, des montages qui détruisent le bien commun.
C// Quel est l’Impact de cet Argent qui fuit ?
+ Il ne rentre pas dans la Caisse de l’Etat. Pour la France, ce manque à gagner se situe entre 60 et 80 milliards €. L’évasion fiscale dans les pays du Sud en développement serait de 200 milliards €. Cette dette continue de se creuser.
+ Cet état de fait crée une inégalité croissante. On paie pour ceux qui sont partis ailleurs. Inégalité aussi au niveau des entreprises qui profite aux multinationales en raison de leur plasticité.
+ Le pilotage de nos sociétés est rendu, en devient plus compliqué. La démocratie est menacée. Nos révolutions sont avant tout fiscales, car le but aujourd’hui recherché est l’abolition des privilèges fiscaux. Il ne devrait pas y avoir d’impôt, sans que l’on soit représenté dans la façon de collecter.
Il y a lieu de revoir notre conception du monde qui est territorialisée. La valeur est créée au plan mondial. Où va – t – on la localiser ? Le principal facteur d’inégalité, c’est aussi le différentiel de mobilité. Sur ce plan, ce sont les financiers qui sont les plus rapides. Les acteurs privés ont capturé le pouvoir des pays les plus faibles, en vendant les clés de leur législation. L’enjeu, c’est notre capacité à reprendre la main sur ceux qui sont les plus mobiles.
L’Association Sherpa a déposé une plainte contre BNP Monaco qui pratique la « lessiveuse africaine ». On contourne la législation et l’argent sale peut s’évaporer de façon illégale. On détourne l’argent de l’impôt, on blanchit celui du crime.
D// Poursuivre la Mobilisation
C’est une histoire porteuse d’espoir, car les ONG parviennent à des résultats. ONG et Syndicats ont su décrypter des mécanismes complexes, ce qui demande du temps et des moyens. La conviction et le travail de plaidoyer ont payé, grâce à une remontée auprès d’un certain nombre de députés – de tous bords – à l’Assemblée Nationale, lesquels ont porté un certain nombre d’amendements qu’ils ont imposés au Gouvernement. Le travail d’alliance avec les syndicats peut s’avérer efficace. On peut demander un contre – audit financier de l’entreprise par le biais du comité d’entreprise.
La mobilisation locale peut devenir payante. En 2009, les élections européennes ont retenu l’idée de Reporting pays par pays. En 2010, lors des élections régionales, il a été proposé de choisir ses banques en région, en fonction de leur transparence (Ile de France, Rhône Alpes ). Nous avons un rôle d’aiguillon, de poil à gratter pour donner aux politiques l’envie de se battre. La médiatisation de nos projets peut se faire avec la communication d’une « off shore list ».
Nous sommes les victimes de ce système. En se comportant en militants organisés, il est à notre portée de convaincre les élus, afin qu’ils fassent leur boulot. En rentrant par la porte « pays en développement », nous observons que les Africains sont victimes des mêmes types de mécanismes, qui enrichissent une poignée de privilégiés au détriment de la majorité.
Le développement est le mode de société, que l’on veut bâtir en France et dans le monde.
Les paradis fiscaux sont une économie opaque, sur laquelle nous n’avons aucun contrôle. On peut néanmoins investir notre argent dans des circuits courts comme la N.E.F. nouvelle économie fraternelle, Habitat et Humanisme, Terre de liens, Economies partagées etc…
Nous devons dompter, museler la bête, afin de faire face à une entreprise de financiarisation. Il faudrait scinder les banques, devenues trop grosses, trop puissantes. Au sein de l’Union Européenne, on pourrait se mettre d’accord sur le taux de l’Impôt Sociétés. Des valeurs sont soustraites à la richesse des autres pays. Si vous passez une commande chez Amazone France, le paiement sera encaissé au Luxembourg ? !
Pour les élections locales, ce qu’on a obtenu au niveau des régions, on peut le réaliser au niveau des communes. Notre questionnement va se poursuivre maintenant en trois ateliers :
- Comment agir sur les banques ?
- Comment agir sur les entreprises ?
- Que peut – on faire pour les prochaines élections ?
Rédigé par Louis Moulay