Intervention de Catherine Wihtol de Wenden, professeure à Sciences-Po - Paris, directrice de recherche émérite au CNRS
Le 23 mars 2018

 

Migrant : Il n’existe pas de définition juridiquement reconnue du terme « migrant ». Toutefois, selon les Nations Unies, ce terme désigne « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer ». Cependant, il est courant d’y inclure certaines catégories de migrants de courte durée.

Il y a plusieurs profils de migrants :

  • Les étrangers qui travaillent légalement dans le pays d’accueil
  • Les réfugiés dont le départ est forcé : guerre, pauvreté, …
  • Ceux dont le départ est volontaire : études, vie au soleil,…
  • Les migrants internes qui migrent dans une autre région du même pays
  • Les migrants régionaux : sur le même continent (Amérique du Sud ; Russie ; Europe)

De par le monde il y a de plus en plus de migrants :

  • 258 Millions sur 7 Milliards d’habitants, soit 3,4 % de la population mondiale.
  • 740 millions de migrants internes (dans le même pays, d’une région à une autre), sachant qu’en Chine ils sont déjà 100 Millions.
  • 48% des migrants sont des femmes.

Les migrants climatiques sont principalement des migrants internes qui restent dans le même pays.

La migration est mondialisée, elle se fait dans tous les sens :

  • Migrations Nord / Nord : nouvelles migrations des pays de l’est par exemple.
  • Migrations Nord / Sud : les personnes qui vont vivre au soleil(ex : retraités au Maroc).
  • Migrations Sud / Sud : dues essentiellement aux guerres
  • Migrations Sud / Nord : environ 1/3 des migrations

Les grandes villes deviennent des « Villes monde » cosmopolites, ex : dans le métro de Londres ou de Paris on rencontre toutes les nationalités.Il y a de très grandes inégalités sur le droit de bouger.
Le système législatif international n’est plus adapté à la situation actuelle.
Les migrations vont se poursuivre, elles sont structurelles car tout est interdépendant. C’est un mouvement de fond.

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mai 2018
 

Les causes de l’immigration

  • La démographie :
    • Grande différence de moyenne d’âge entre les continents : Afrique : 19 ans / Europe : 40 ans. Il y a de moins en moins de naissances en Europe et en Asie.
    • Le vieillissement des populations amène le besoin de main d’œuvre
  • Richesse et pauvreté :
    • Celui qui quitte son pays améliore de 7 fois ses chances de trouver de meilleures conditions de vie.
    • La mobilité accroit la richesse d’un pays - paysd’origine et pays accueillant- Ex : l’Allemagne a vu son PIB augmenté avec l’arrivée des migrants et les migrants enrichissent leur pays d’origine en envoyant de l’argent aux familles.
    • Les pays du nord font figure d’eldorado pour les pays du sud.
  • Inégalité des droits de circuler dans le monde :
    • Plus les pays sont riches plus l’accès aux pays du monde entier est facile. Plus les pays sont pauvres moins le droit de circulation international est autorisé.
  • Des conflits sur tous les continents  
  • Offre de voyage ;
    • Le trafic des passeurs est répandu.
    • L’enfer libyen en est une illustration
  • La mode de la mobilité :
    • Beaucoup de gens, et les jeunes de tous les pays, veulent partir.
    • Le tourisme international est en pleine expansion avec un milliard de touristes.
  • L’ouverture à l’est : 

Conséquences de l’immigration :

  • On construit des murs pour des raisons sécuritaires (USA ; Espagne ;…).
  • Les frontières deviennent des « sas » : ex : la Lybie, la Turquie financée par l’Europe bloque dans son pays les migrants, le Liban qui accueille 1 millions de réfugiés pour une population de 6 millions d’habitants.
  • De nombreux morts : 32 000 en méditerranée depuis 2000.
  • Une question se pose : Faut-il obéir aux lois migratoires où a-t-on envie d’humanité ?
  • La mobilité accroit la richesse des pays accueillants.
  • Le migrant est un facteur important de développement des pays pauvres par le retour des devises pour faire vivre les familles.

Les migrations dans l’avenir :

  • En 1975 : 75 millions de migrants – En 2018 : 260 millions de migrants.
  • Les migrations vont se poursuivre.
  • Les grandes villes vont devenir de plus en plus importantes.
  • En absence de règles internationales.
  • L’ONU commence à s’occuper des migrations.

« L’utopie ce n’est pas d’ouvrir les frontières mais de mieux les contrôler »
«  La migration est un facteur de développement et le développement est un facteur de migration »

La politique française sur les migrations ?

  • De 1945 à 1975 pendant les « 30 glorieuses » il n’y a pas de loi concernant les migrations, tout est géré au coup par coup, les régularisations se font à tour de bras.
  • 1980 premiers textes sur l’immigration.
  • Puis on assiste à une frénésie législative ; il faut faire une loi pour satisfaire l’opinion publique.
  • Actuellement la politique des flux se décide au niveau européen. C’est Bruxelle qui décide vraiment.
  • On veut une approche plus ou moins humanitaire :
    • Accepter les regroupements familiaux
    • Protéger les femmes de l’excision.
    • Accueillir les apatrides.
  • et être dur avec les migrants :
    • Rapidité de traitement des dossiers (6 mois)
    • Réduction des délais de recours (15 jours)
  • On affiche une fermeté de reconduction à la frontière en augmentant la durée de détention à …jours alors que l’on sait que 90% des reconduites se font dans les 15 premiers jours. En effet le temps de reconduction dépend essentiellementdu délais de négociation avec le pays d’origine.
  • Il faut savoir que la reconduction aux frontières coute très cher (de 3000 à 35000 € par personne).
  • Cas particulier de Mayotte et de Cayenneoù les reconductions sont importantes du fait de la proximité des pays d’origine et de l’éloignement de l’hexagone.Il y a eu30000 reconduites ce qui permet de faire gonfler les statistiques nationales.
  • Le projet de loi est uniquement répressif mais aucune solution n’est envisagée pour intégrer les migrants par le travail.
  • Actuellement 43% des demandes d’asile sont satisfaites, ce qui est une nette amélioration même si d’une nationalité à l’autre les chiffres sont très différents. Les dossiers des syriens ont été traités favorablement.

Quelle politique européenne :
La politique européenne est définie par les accords de Dublin.

  • Dublin 1 (1990) : possibilité d’obtenir une régularisation valable sur toute l’Europe mais une seule demande possible.
  • Dublin 2 (2003) : les régularisations ne peuvent être obtenues qu’auprès du premier pays par lequel s’est faite l’entrée en Europe. Un accord pénalisant pour l’Italie et la Grèce.
  • Dublin 3 : accueil des migrants dans le cadre des regroupements familiaux.

Au niveau international :

  • Les législations des états ont 50 ans en retard par rapport à la réalité actuelle.
  • Il faut abandonner l’idée de contrôler les frontières, d’y construire des murs car cela n’a jamais été efficace.
  • Il en est de même pour la politique de reconduite aux frontières, c’est toujours un échec.
  • Les pays veulent rester souverains.
  • Malgré ces accords, les politiques nationales ne sont pas harmonisées. Il n’y a pas de politique globale. Le facteur migratoire n’est jamais pris en compte lors d’une décision d’ordre international : ex : si on décide de ne plus intervenir pour soutenir le cours du coton, aucune analyse n’est faite sur les conséquences pour les populations qui seront appelées à migrer. Idem si on décide d’intervenir militairement dans tel ou tel pays.
  • Il est important de savoir pourquoi les gens ont quitté leur pays et sont là.

Faut-il continuer à travailler au développement des pays pauvres sachant que cela favorisera le phénomène migratoire. ?

  • Le développement économique n’est pas une solution suffisante aux problèmes engendrés par les migrations.
  • Plus il y aura de démocratie plus les gens voudront rester dans leur pays.

Et si les migrations étaient signe de richesse et d’économie bénéfique au pays.