Un procès symbolique et exemplaire s’est tenu à La Haye, vendredi, samedi et dimanche dernier, 14, 15 et 16 octobre, pour juger la firme Monsanto, devant un tribunal international, et à travers cette énorme firme américaine, tout le système agro-industriel mondial. 200 organisations soutiennent activement cette entreprise, qui est le résultat d’une mobilisation internationale de la société civile, destinée à juger Monsanto pour violations des droits humains, et pour crimes contre l’humanité et l’environnement, aboutissant à altérer de façon grave et durable les équilibres écologiques dont dépendent bon nombre de groupes humains. Le C.C.F.D.-Terre Solidaire y a été présent avec une délégation de 10 organisations partenaires du Sud, impliquées dans la lutte contre les O.G.M. et les pesticides dans leurs pays. Leurs représentants sont venus, entre autres, de Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, d’Afrique du Sud, du Paraguay, du Mexique, du Guatemala, des Philippines et d’Egypte.
De nombreuses manifestations en tous genres se sont multipliées ces dernières années, plaintes, marches mondiales, pétitions et campagnes de signatures, avec parfois des condamnations de la firme à verser des indemnités. Mais le mastodonte industriel, dont le rachat prochain par le géant allemand Bayer est programmé pour 60 milliards de dollars, poursuit imperturbablement ses activités lucratives. En effet, forte en 2015 d’un chiffre d’affaire de 15 milliards de dollars et d’un bénéfice net de 2,3 milliards de dollars, la multinationale, leader mondiale des semences, ne semble pas ébranlée par les multiples attaques des victimes. Intoxiqués par des pesticides, expulsés de leurs terres, privés d’autonomie économique, à l’exemple des producteurs de coton burkinabé, ils sont nombreux à travers le monde à être victimes de Monsanto ou du système agro-industriel en général. C’est donc tout un modèle économique qui est visé par le tribunal contre Monsanto, un tribunal symbolique, face aux violations et à l’impunité des multinationales, qui a été imaginé par quelques personnalités de la société civile. Citons parmi ces personnalités : Marie-Monique Robin, la journaliste et réalisatrice de « Le Monde selon Monsanto », Vandana Shiva, la célèbre écologiste indienne, et Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, actuellement professeur de droit à l’Université de Louvain.
Ce tribunal a d’ores et déjà donné un coup de projecteur particulier sur les effets dévastateurs des activités de Monsanto sur l’environnement, les paysans et leurs productions, ainsi que les droits à l’alimentation et à la santé des populations. Les représentants du monde entier ont pu témoigner des graves atteintes aux droits fondamentaux subies par eux et leurs communautés : intoxication des populations, pollution des sols, privatisation des semences, endettement des paysans, entre autres… Or, c’est l’impunité qui domine. Ce tribunal est une occasion de changer d’échelle, de lier entre elles les luttes nationales et de faire en sorte que les dommages causés par Monsanto soient internationalement exposés. Au-delà du symbole, cette démarche a permis de réaffirmer la nécessité urgente d’inscrire la responsabilité juridique des entreprises au niveau international. Actuellement, aucun instrument juridique international ne s’applique aux multinationales, alors même qu’elles sont en situation de quasi-monopole et qu’on les place désormais comme les piliers des initiatives politiques de développement ! En tous les cas, pas pour un développement des paysans, ou de leurs représentants venus témoigner ! C’est la raison pour laquelle le C.C.F.D.-Terre Solidaire est fortement mobilisé pour l’élaboration d’un traité des Nations Unies sur le respect des droits humains par les entreprises multinationales pour protéger les populations et garantir aux victimes l’accès à la justice.