« Nous vivons dans un monde où les entreprises multinationales ont des pouvoirs sans égal. Chaque jour, leurs activités et celles de leurs filiales et de leurs chaînes d’approvisionnement affectent la vie de centaines de millions d’êtres humains et l’avenir de la planète. Elles le font en toute impunité car elles ont une capacité d’influence inégalée sur les gouvernements et les décideurs politiques. Or, actuellement, aucun instrument juridique international ne s’applique aux entreprises multinationales. Il se trouve qu’aujourd’hui des négociations ouvertes aux Nations Unies sur un traité international contraignant pourraient mettre un terme à cette impunité. A condition que certains Etats, ainsi que l’Union européenne, ne fassent pas obstacle à cette initiative historique de justice pour l’ensemble des populations du globe, et spécialement pour les plus fragiles.

Depuis plus de 40 ans, les lobbys du secteur privé ont réussi à faire échec à tous les projets de législation internationale contraignante sur les entreprises. Il n’existe aujourd’hui que des cadres volontaires et d’autorégulation, telles que les lignes directrices, dont on a pu constater l’inefficacité dramatique, notamment lors du drame du Rana Plaza au Bangladesh qui fit, dans l’effondrement d’un bâtiment de 9 étage abritant 5 ateliers de confection textile, en avril 2013, 1 138 morts et plus de 2 000 blessés, dont une majorité de femmes. Toutefois, cette impunité pourrait bientôt être mise à mal. En effet, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a voté en 2014 une résolution historique –la résolution 29/6- visant à «  créer un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’Homme ». Ce traité pourrait enfin protéger les populations des atteintes aux droits humains commises par des entreprises et garantir aux victimes l’accès à la justice en cas de préjudices.

Des centaines d’organisations et de mouvements sociaux venant du monde entier soutiennent cette initiative et travaillent à son contenu. Elles ont formé l’« Alliance pour un traité » afin de se faire entendre des gouvernements. On y trouve notamment ActionAid, Les Amis de la Terre, le C.C.F.D.-Terre Solidaire, collectif Ethique sur l’étiquette, FIAN France et Sherpa. En France, le C.C.F.D.-Terre Solidaire soutient ainsi, au sein du Forum Citoyen pour la Responsabilité Sociétale des Entreprises, la « Proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre ». Ce texte est aujourd’hui bloqué au prétexte de la nécessité d’un élan international sur le sujet, pour ne pas mettre en péril la compétitivité des entreprises françaises. C’est une raison supplémentaire pour que la France s’investisse dans les négociations du traité de l’ONU.

Malheureusement, comme tous les Etats du Nord abritant des sièges de multinationales, la France et l’Union Européenne ont voté contre la résolution 29/6 du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU. Si elles ont ensuite assisté en partie à la première session des négociations en 2015, leurs interventions d’obstruction, puis leur attitude passive visaient à saper le processus de discussion. On peut considérer que les attitudes de l’Union Européenne et de la France sont inacceptables. L’Union Européenne ne peut pas s’opposer légitimement à une initiative de l’ONU visant à mieux protéger les populations des atteintes aux droits humains perpétrés par les multinationales. Une prochaine session aura lieu à l’ONU en octobre 2016. On est en droit d’attendre que la France montre sa volonté d’avancer sur ce sujet en y participant de bonne foi, et en exigeant de l’Union Européenne qu’elle en fasse de même. Pour dire « STOP à l’impunité des multinationales », on peut joindre sa voix aux citoyens du monde, et signer la pétition en ligne sur le site du C.C.F.D.-Terre Solidaire ! »