Le 14 juin dernier s’est ouvert à Rome le second Forum annuel de l’Alliance globale pour l’agriculture intelligente face au climat, connue sous son nom international de: « Global Alliance for Climate-Smart Agriculture » (sigle : GACSA). L’Alliance a été lancée lors du Sommet de l’ONU sur le climat en septembre 2014, afin de créer une plateforme multi-acteurs sur les enjeux agricoles et climatiques. Mais celle-ci est largement dominée par les Etats du Nord et les multinationales de l’agro-business. Pour Action contre la Faim, le C.C.F.D.-Terre Solidaire, Oxfam France et le Réseau Action Climat, ce Forum constitue un énième exercice de communication et de greenwashing. Rappelons que le greenwashing -ou blanchiment écologique- est l’expression qui désigne un procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation ou un Etat dans le but de se donner une image écologique responsable, alors que l’argent est davantage investi en publicité plutôt que pour de réelles actions en faveur de l’environnement. Il s’agit ici, en l’occurrence du greenwashing des enjeux agricoles, au détriment des populations qui souffrent d’insécurité alimentaire. Ce Forum élude la question centrale : comment réformer en profondeur les modèles agricoles pour qu’ils soient en mesure de nourrir le monde, tout en respectant l’environnement et les droits humains.

La Global Alliance for Climate-Smart Agriculture réunit aujourd’hui 130 acteurs : des Etats, le secteur privé, des organisations internationales, la société civile et des centres de recherche. Sur les 22 Etats membres de la GACSA, 13 sont des Etats du Nord, et 80% des membres appartenant au secteur privé sont des acteurs du secteur des intrants chimiques et des multinationales de l’agrobusiness, comme le norvégien Yara, leader mondial des engrais chimiques… En effet, la GACSA englobe des modèles agricoles extrêmement différents, y compris la promotion des OGM, et dont les impacts environnementaux, sociaux et économiques varient. Et sous couvert d’innover pour faire face aux dérèglements climatiques, la GACSA fait l’apologie de pratiques agricoles largement mises en avant par les lobbies agro-industriels. Elle souhaite peser sur les espaces officiels de l’ONU, et multiplie les événements au Comité sur la Sécurité Alimentaire Mondiale, ou dans le cadre de négociations sur le climat, telles que la COP 21 ou la COP 22 à venir au Maroc en 2016. Ainsi, la GACSA pourrait venir dévoyer tous ces débats, alors qu’il apparaît urgent que les Etats définissent les pratiques agricoles qu’il faudra soutenir, afin d’agir sur l’un des secteurs les plus émetteurs des gaz à effet de serre dues à l’homme, mais également fortement impactés par les dérèglements climatiques.

Le C.C.F.D.-Terre Solidaire, Oxfam, Action contre la Faim et le Réseau Action Climat réitèrent leur appel à la cohérence, notamment de la part du gouvernement français. Si la France souhaite réellement être porteuse de l’agro-écologie comme solution à la lutte contre les dérèglements climatiques, alors le Forum de la GACSA n’est pas le lieu pertinent pour cela. A l’inverse, elle doit poursuivre la dynamique lancée par le Symposium sur l’Agro-écologie organisée en 2014 à la F.A.O. –l’Organisation de l’ONU pour l’Alimentation et l’Agriculture-, et travailler sur les critères qui permettent de circonscrire les pratiques agricoles capables de bénéficier au climat et de renforcer la souveraineté alimentaire des populations. C’est la seule façon de s’assurer que les actions engagées dans l’agriculture auront un impact positif pour notre environnement et pour les 800 millions de personnes qui souffrent aujourd’hui de la faim dans le monde. On est loin de l’opération de greenwashing qui anime ce Forum de l’Alliance Globale pour l’Agriculture Intelligente face au climat qui se tient actuellement à Rome !