Au Cambodge, « United Sisterhood » est une alliance de quatre O.N.G. autochtones, qui interviennent dans des domaines aussi différents que l’industrie du textile, les réalités paysannes et le monde de la prostitution. Leur point commun est que ce sont des structures créées par des femmes, pour des femmes. Ecoutons le témoignage de Channsitha Mark, directrice de « Workers Information Center », l’une de ces quatre ONG locales, qui accompagne les ouvrières du textile.
« A travers « United Sisterhood », dit-elle, nous touchons des milliers d’agricultrices, d’ouvrières du textile et de travailleuses du sexe. Personne ne connaît mieux les besoins spécifiques des femmes que les femmes elles-mêmes. Par ailleurs, en tant que filles, sœurs, mères ou grand-mères, elles contribuent de manière globale aux besoins de la famille, que ce soit sur le plan financier, éducatif, de la santé ou autres. Soutenir les femmes bénéficie donc aussi à toutes les personnes dont elles ont la charge. Le but de notre coalition est de favoriser l’accès de toutes aux services de base, d’accroître de façon significative leur participation dans les instances qui conçoivent et mettent en œuvre les politiques publiques, et enfin de travailler en direction de l’opinion publique de manière à atteindre une quantité suffisante de gens, capable de porter des changements sociaux. Dans la société cambodgienne, nous sommes éduquées à nous comporter en « bonnes » filles et femmes, ce qui signifie rester tranquilles, et ne pas résister, se marier, endosser la responsabilité de la famille en prenant soin de notre époux et de nos enfants. Ces injonctions conduisent à l’exploitation physique, psychologique, sexuelle et financière des femmes ». [fin de citation]
Channsitha Mark aborde ensuite la partie spécifique de l’industrie du textile et des femmes avec lesquelles elle travaille. Cette industrie occupe une place importante dans l’économie du Cambodge, elle compte 800 usines de confection, environ 700 000 personnes, dont 90 % de femmes. Ce sont la plupart des jeunes, issues de zones rurales, sous-payées, sous-alimentées, et qui louent des chambres malsaines et exiguës, sans eau potable, qu’elles partagent à plusieurs, dans des endroits dangereux, propices aux harcèlements et aux vols. L’association « Workers Information Center » leur fait réaliser ce que sont les droits humains, et donc les droits des femmes : c’est-à-dire vivre dans la dignité, la sécurité, la liberté de mouvement et l’égalité professionnelle. Dans des centres de formation et d’information, elles apprennent à s’exprimer d’une voix collective, et à accroître leur participation et leur pouvoir décisionnel.
C’est la raison pour laquelle les quatre associations, regroupées en alliance, entretiennent avec les syndicats existants des liens de renforcement de leur pouvoir par l’autonomisation et le renforcement des capacités des travailleuses. Une manière pour elles, non de contester le leadership des syndicats, mais de faire reconnaître l’ouverture, y compris aux femmes, de réels espaces de participation et de concertation. Elles s’engagent également dans la demande d’augmentation significative des salaires minimum sans dégradation de leur pouvoir d’achat et de leurs conditions de travail. Voilà pourquoi, elles participent à la campagne internationale « Clean Clothes Campaign » (Campagne Vêtements Propres), relayée en France par le Collectif Ethique sur l’Etiquette, puisque les injustices perpétrées au Cambodge sont liées au commerce et aux investissements internationaux. C’est aussi au niveau international que se trouvent les consommateurs que nous sommes. L’enjeu est de nous inciter à nous demander comment nous pouvons exiger des marques et des entreprises qu’elles prennent leurs responsabilités, et respectent les droits humains et le droit du travail.