Les minerais du sang : voilà une expression qui n’est pas très connue du grand public, et pourtant qui nous concerne tous, et qui met en cause les filières utilisées par les firmes européennes, pour s’approvisionner en métaux précieux, et qui sont contenus, entre autres, dans nos téléphones portables, nos tablettes, nos voitures. La plupart de ces minerais proviennent en grande partie de la République Démocratique du Congo : il s’agit du coltan, de l’or, du cuivre, du cobalt, mais également, sur place, de diamants, d’étain, de manganèse, de plomb, de zinc, ainsi que d’uranium et de pétrole.
Ainsi, la République Démocratique du Congo est devenue un scandale géologique, en raison de l’exploitation d’abondants minerais rares qui entrent dans la confection de la plupart des produits électroniques. C’est aussi un scandale politique, car les autorités ne mettent pas à profit ces richesses considérables pour assurer le développement et améliorer le sort des populations. C’est surtout un scandale humain, car non seulement les populations ne bénéficient pas des retombées de cette manne et continuent de végéter dans la misère, mais, cela se passe dans un système de corruption impliquant l’Etat, l’armée, les groupes de miliciens, les rebelles, qui profitent de l’argent du silence et sont responsables d’exactions de tous ordres : terreur, accaparement de terres et de biens, vols et viols. C’est une corruption entretenue par les compagnies occidentales qui exploitent ces gisements dans des conditions de travail indignes pour les enfants, les femmes et les hommes, et qui opèrent ainsi, moyennant des largesses aux uns et aux autres, dans la plus grande opacité et le mépris des lois économiques, sociales et financières. Cette exploitation des minerais du sous-sol contribue au financement des guerres intestines et des violences de tous genres, et les pays limitrophes de la RDC, dont la responsabilité est prouvée n’ont aucune volonté de de travailler à une solution durable.
Depuis de nombreuses années, des voix d’ONG et de responsables se sont élevées pour dénoncer ces scandales et pousser la France et l’Europe à prendre des mesures législatives pour la transparence, la traçabilité et les bonnes pratiques des activités des entreprises multinationales qui exploitent de telles richesses de minerais. Après bien des démarches et des missions de tous genres, lundi dernier 1er février, une dernière étape d’une négociation fondamentale se déroule à Bruxelles, mettant en jeu le règlement européen des « minerais du sang », entre le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement européen, pour tenter de trouver un accord sur l’obligation de traçabilité des minerais en cause, sources du financement de groupes armés, responsables de violations de droits humains dans des pays en conflit, dont l’exploitation de travailleurs vulnérables.
D’ailleurs, la France doit montrer l’exemple et défendre auprès de l’Europe l’adoption d’un règlement efficace pour mettre fin au cycle de violences générées par les minerais qui servent à fabriquer nos produits de consommation. En octobre dernier, un sondage révélait que 4 Français sur 5 souhaitent que la France soutienne une législation contraignante au niveau européen. De plus, le 26 janvier, la Commission des Affaires européennes de l’Assemblée Nationale a appuyé la position du Parlement européen, la seule instance des trois institutions européennes à vouloir imposer aux entreprises qu’elles assurent le contrôle de l’approvisionnement de leurs ressources. Il est temps que les multinationales soient vigilantes concernant les conséquences humaines, sociales et environnementales que leurs activités peuvent entraîner à l’autre bout de la chaîne. Alors que la France défende, dans les négociations à venir, un règlement contraignant pour l’ensemble des entreprises européennes de la chaîne d’approvisionnement en minerais issus des zones de conflit.