Toutes les armes de guerre, dans les conflits, semblent aujourd’hui permises. On sait l’horreur des viols systématiques et collectifs pour détruire l’humanité des personnes et des peuples, l’esclavage et l’embrigadement des enfants soldats par la peur et la drogue ; en Syrie, actuellement, c’est la faim qui est utilisée comme arme de guerre. En ce début d’année 2016, Madaya, bourgade syrienne de 42 000 habitants à la frontière du Liban, est devenue une ville martyre, affamée par les troupes du régime syrien et les miliciens du Hezbollah libanais. Madaya, situé dans le massif montagneux de Qualamoun à 40 km de Damas se trouvait bloqué depuis six mois par les forces du régime. Selon Médecins sans frontières, 28 personnes y sont mortes depuis le 1er décembre.

Mohamed al-Idlibi, membre d’un réseau d’aide à la Syrie, et partenaire du C.C.F.D.-Terre Solidaire, témoigne pour nous : « Les gens ont peur de sortir car ils peuvent se faire abattre par les soldats, des francs-tireurs, ou sauter sur des mines. Depuis Octobre…, les habitants n’ont pas de pain, ils se nourrissent de soupe préparée avec des feuilles ou boivent de l’eau mélangée à des épices. Le prix du kilo de riz a atteint l’équivalent de 100 €. Ceux qui meurent en premier sont les plus faibles, les nouveau-nés, les personnes âgées et les malades. » Et d’énumérer les besoins des populations assiégées : des produits alimentaires énergétiques tels que des légumes secs – lentilles, pois chiches, haricots blancs -, du riz, de l’huile, du sucre… Les images de ces populations en détresse ont propulsé la situation des villes assiégées sous les feux de l’actualité et fini par déclencher l’envoi d’un convoi humanitaire le 11 janvier dernier. Pilotée par le Croissant Rouge et la Croix Rouge, cette opération a été autorisée par les autorités syriennes, à condition d’une aide similaire pour les villages pro-Assad de Foua et Kefraya, assiégés par les rebelles au régime. Alors que se profilent des discussions entre le pouvoir et l’opposition sous l’égide de l’ONU, ce 25 janvier 2016 à Genève, chaque belligérant tente de prendre l’avantage dans le rapport de force sur le terrain ou dans les médias.

Le siège des villes, cette « arme de guerre », est utilisé depuis 2012 en Syrie, et l’ONU estime à plus de 400 000 syriens assiégés aujourd’hui, un chiffre que les associations locales jugent souvent très sous-estimé. Les prix flambent, et des « passeurs » affiliés aux assiégeants qui s’introduisent les font encore grimper. Tout un système économique de prédation et de corruption s’est ainsi mis en place au profit de ceux qui contrôlent les points de passage. Et la faim profite économiquement aux belligérants. Cette « tactique barbare », ou ce « crime de guerre » selon Ban Ki Moon, Secrétaire général de l’ONU, est une stratégie du pouvoir syrien pour s’emparer des territoires, expulser les populations, les anéantir pour qu’elles ne reviennent pas, et les remplacer par des populations minoritaires, chiites ou alaouites.

Face à cette situation, des réseaux résilients de solidarité se sont constitués pour distribuer des vivres, des médicaments, ou du cash aux familles syriennes dans les localités assiégées. Ils interviennent dans les zones contrôlées par le régime où l’aide humanitaire officielle n’arrive pas, mais aussi dans les zones dominées par l’Etat islamique Daech, ainsi que dans les zones rebelles où les activistes humanitaires ne sont pas considérés comme des terroristes. Le partenaire Mohamed Al-Idlibi les appelle « les héros de l’ombre ». Bien entendu, ils sont en butte à toutes les difficultés et représailles : arrestations, tortures, mort. Il ajoute : « Assiégée, affamée, bombardée, la population se sent complètement abandonnée ». Et plus encore les activistes, ces « invisibles » d’un conflit interminable. Un appel pour les soutenir de toutes les manières que nous avons à notre disposition !